— Et si je m'étais donné la mort ? demanda Matthew quittant le paysage défilant des yeux.
— Je m-m'en serais v-voulu à t-tout j-jamais, confessa Théophile.
Le prêtre rosissait au milieu des caresses matinales accordées dans la couchette qu'ils partageaient. Son corps, un peu plus petit, mais plus robuste et costaux que celui du baronnet, réchauffait ce dernier. Il ne se lasser de parcourir du bout du doigt cette peau abimée par les tâches quotidiennes et le soleil.
— Vraiment ? insista Matthew.
Théophile mit fin au questionnement du dandy en l'embrassant. Durant cette nuit à bord du train transalpin, il avait réalisé que la meilleure manière de faire taire le trop bavard et trop curieux Matthew restait de le couvrir de baisers.
— Je v-veux pas d'une c-conversation s-sérieuse. Je v-voudrais goûter à vos l-lèvres, de dé-découvrir ce qu'est la p-passion et la t-tendresse.
— Le mot que vous cherchez, mon cher Théo, est le sexe, annonça Matthew d'une voix chantante et amusée.
Le français éclata d'un rire pudique et gêné.
— Ce rouge sur vos joues, mon père, est tout simplement trop adorable.
Les lèvres de Matthew s'attardèrent sur les siennes alors que le train s'enfonçait dans un long et sombre tunnel.
— C-cessez de m'a-appeler ainsi, je ne s-suis plus un p-prêtre.
— Vous le serez toujours à mes yeux... susura le dandy.
Puis il se releva, l'oeil brillant, le sourcil froncé:
— Rassurez-moi, vous avez gardé une soutane... j'ai toujours voulu vous faire l'amour en soutane...
— M-Matthew... le gronda gentiment Théo.
Les deux amants s'embrassèrent à nouveau, leurs corps nus se trouvaient couverts d'un léger filet de sueurs. Ils n'avaient fermé l'oeil de la nuit, préférant goûter à cette intimité toute nouvelle, explorer le corps de l'autre, embrasser chaque défaut sur la peau découverte. Cette cabine était devenue leur nid d'amour, un cocon inviolable.
— Théo ? demanda Matthew en le couvrant d'un regard ardent.
— Matthew, répondit ce dernier, un sourire coquin aux lèvres.
— Théo, affirma le dandy en déposant de légers baisers au creux de sa nuque.
— Matthew... soupira le français.
Ils répétèrent à l'infini leurs prénoms, n'arrivant à se lasser ni de l'autre ni de l'amour qu'ils ressentaient, vibrant et passionnant, comme tous les amours naissants. Ils ne connaissaient encore les turpitudes les attendant, mais ils étaient prêts à les affronter tout autant qu'à les éprouver. L'amour, aucun d'eux ne l'avait encore pleinement vécu. Ressentir était une chose, mais le vivre, le boire à la coupe des lèvres de l'autre s'avérait tout à fait différent.
L'amour n'a rien d'une aventure aisée, elle est faite de bataille, de rupture, de conquête, et le plus difficile d'entre tous, reste d'accepter l'autre dans toute sa complexité.
Théo comme Matthew avaient fini par le comprendre et l'accepter. Le plus dur, au fond, s'avérait de l'accepter et l'embrasser. Tout le reste n'était qu'une suite de rebondissements comme dans un roman d'aventures. Quel courage exigé pour s'offrir à l'autre, risquer de tout perdre, d'avoir le cœur brisé, l'âme morcelée et de ressentir cette effroyable douleur, comme si la mort venait vous happer.
Mais une fois que le premier pas amorcé, l'impulsion donnée, l'amour pouvait s'épanouir et vous donner des ailes. Ensuite ? Il suffisait de veiller à ce que le navire ne coule pas, éviter les écueils, mais on avait l'autre pour vous y aider.
Dans le cas de nos deux amoureux, les écueils seraient nombreux. Même si l'un des deux aimait à se travestir et n'avait aucune peine à prendre l'identité d'une femme, ils restaient deux hommes s'aimant en une époque qui n'était pas clémente envers ce qu'on appelait dans le temps le vice italien. Mais ils s'aimaient et votre narrateur préfère croire que leur amour est assez fort, surtout avec son aide.
James Davenport.

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Bad Romance
RomanceMatthew de Beaufort, dernier du titre en Angleterre du moins, écarte toutes les promises que lui envoie sa tante. Il préfère festoyer, parcourir les bas-fonds londoniens en compagnie de ses amis, presque aussi terribles que lui. Leur jeu ? S'adonner...