Chapitre 28 : Une famille

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Dès le lendemain, Victoria était de retour chez Elley. Elle découvrit qu'Ambroise y était lui aussi et sans qu'elle sache comment, il avait réussi à ramener la clé. C'est le surlendemain qu'Elley refit son apparition, suivie d'Ezekiel et Argos sous la surprise de ceux qui savaient à quoi il ressemblait.

Pendant plusieurs jours, le plan prenait forme grâce aux informations que Victoria avait pu récolter. Dans la journée, Elley avait eu la visite des pirates qui avaient souhaité les aborder.

Seule dans son bureau avec le capitaine, elle lui fit une proposition : travailler pour elle et lui transmettre ce qu'il se passait en mer, que ce soit des rumeurs ou des faits avérés.

- Seulement ça ?

- Pas tout à fait. Regardez cette carte. Vous avez interdiction d'attaquer tous les bateaux venant de mon territoire et ceux se trouvant dans ces périmètres. Nous avons des accords et je refuse qu'il y ait des tensions. Pour les autres navires, vous pouvez agir selon votre volonté.

- C'est entendu.

- Parfait. Je vous donnerai une autorisation de passage Avec ça, vous aurez moins de problèmes pour entrer dans certaines zones si l'on sait que c'est de ma part, mais je ne veux aucun débordement.

- Je passerai le mot à l'équipage.

Ils ont continué de discuter et sur la même carte, Elley lui montra plusieurs lieux qu'ils pourraient aller voir.

Seule et en train de travailler sur les éléments qu'elle allait aborder face aux villageois le lendemain lors de la fête, elle se fit interrompre par Victoria.

- Tu as vu l'heure ?

Elley tourna la tête vers la fenêtre et constata qu'il faisait nuit.

- Et alors ?

- Je connais des garçons qui commencent à s'impatienter pour aller manger.

- Faites donc, ne m'attendez surtout pas. Je ne prendrai pas place à table ce soir.

- Tu ne viendras pas manger ? Tu te fiches de moi ? Pose tout ça et lève-toi.

- Je suis adulte et chez moi alors. De plus, je suis assez grande pour me gérer et tu n'as aucun ordre à me donner.

- Même pour te faire pardonner ?

- De ?

- Tu ne nous as pas dit que les destructeurs étaient dans la bataille.

- J'avais oublié cet élément.

- Tu as oublié parce que tu ne te nourris pas assez !

- Ah non ! Ça ne va pas recommencer.

- Qu'est-ce qui va recommencer ?

- Vous voulez tous me forcer à manger alors que je n'en ai pas envie.

- Par ce qu'en plus, c'est déjà arrivé depuis ton retour !? Je ne te félicite pas.

- Je n'attendais aucun éloge, Victoria.

- Viens au moins avec nous, ce sera plus convivial et tu pourras t'aérer l'esprit pour mieux reprendre après, même si j'espère que tu arrêteras définitivement pour aujourd'hui.

- Je crois que je vais poser les choses par contre, je devrais y retourner pour finir avant demain.

- Par pitié, tu n'auras qu'à improviser !

Elley fit une boule du papier sur lequel elle écrivait puis se leva pour rejoindre la salle à manger seulement, ce n'était pas pour se nourrir comme le pensait Victoria.

- Bonsoir à tous, je vous informe juste que je ne dînerai pas en votre compagnie ce soir, je dois aller chercher quelqu'un. Celui qui tente de me suivre finira enfermé au sous-sol. Bon appétit, bisous et bonne nuit.

Le ton de l'avant-dernière phrase a lancé un froid et personne n'a rien dit la laissant faire. Un morceau de viande était tout ce qu'il lui fallait. La demeure quittée, la déesse s'est enfoncée dans la forêt pour arriver plus tard à la tanière du patrouilleur.

- Tu es de retour.

- Oui. Tout s'est bien passé ?

- Oui, le petit dort à l'intérieur.

- Chose promise, chose due. Tu as gardé Koe maintenant, à moi de remplir la part du marché. Tu peux formuler la requête que tu désires.

- La seule chose que je souhaite ne peut m'être donnée, même par un dieu.

- Je peux toujours tenter de trouver une solution, je n'aime pas savoir que je ne peux pas t'aider en retour. Je t'avais prévenu que je t'offrirai quelque chose en échange de ton service.

- Je me contenterai seulement du morceau de viande que tu as ramené.

- Ce n'est pas assez, que souhaites-tu ?

- Je me sens seul depuis que j'ai été abandonné par ma meute.

- Que s'est-il passé ?

- J'étais encore jeune et c'était ma première participation à une chasse. Nous avions réussi à mettre les crocs sur de belles proies. On n'avait rien vu venir... Des chasseurs sont arrivés sur notre territoire. Ils avaient posé des pièges et nous ne les avions pas sentis, j'ai été fait prisonnier de l'un d'eux et aucun des loups ne m'est venu en aide. Les chasseurs ont débarqué de nulle part et malgré la blessure qui m'avait été causée par leur piège, je me suis défendu sans relâche. Au bout de quelques minutes, ils étaient tous à terre et moi, recouvert de plaies et de sang. Pendant plusieurs jours, j'ai tenté de retirer cette entrave et j'ai réussi après de nombreuses tentatives infructueuses. J'aurais aimé avoir une famille seulement, qui voudrait d'un vieux loup blessé ? Je suis mieux ici, loin de tous. Je n'embête personne.

- Tu n'as pas à dire ça.

- Qui accepterait d'avoir un loup à proximité de chez lui ? Que ce soit chez les humains ou chez les loups... je n'ai pas ma place.

- Tu te trompes. Je n'ai pas hésité avant de venir te voir pour te soumettre ma proposition. Je n'avais aucune mauvaise arrière-pensée. Si cette nourriture est tout ce qu'il te faut alors, je t'en apporterai régulièrement. Si tu le souhaites, viens chez moi. La porte te sera ouverte.

- Hum... tu connais ma douleur. Je le sens. Mais les choses de ton passé sont pires que les miennes.

- Je ne suis pas prête à en parler.

- Je ne le demandais pas, tu n'as pas à t'en faire.

- Je reviendrai demain voir Koe.

La viande posée au sol, elle tourna les talons, regagnant le chemin de la maison dans laquelle elle avait passé quelques jours.

Plongée dans ses pensées, elle n'entendit pas les pas rapides qui se rapprochaient d'elle. C'est uniquement en sentant des bras la ceinturer qu'elle s'arrêta net.

- Tu es revenue !

- Koe. Je suis contente de te revoir.

Les deux sont restés collés dans une longue étreinte. À quelques mètres deux, Warenne les suivait et devant la porte de la maison, elle fit entrer l'enfant. Pour ce qui est du loup, elle a ouvert la baie vitrée, l'entrée étant trop petite pour qu'il puisse rentrer.

Ils ont tous les trois déplacé les meubles pour créer un espace de sommeil confortable pour la créature. Sans qu'aucun ne pose la question, c'est le loup qui a servi de lit. Les deux humains étaient calés contre lui.

Veillant sur les deux êtres fragiles, le grand s'endormit bien plus tard, après s'être assuré qu'ils ne couraient aucun danger. Elle l'avait accepté et le traitait comme son égal, lui qui avait été rejeté par les siens et qui avait disparu dans la forêt.

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