Chapitre 1 : Double meurtre

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Depuis son enfance, Elley voit certaines choses. Des choses qui pourraient en faire frissonner plus d'un, mais ce don ou cette malédiction, lui permet de travailler avec la police et résoudre de nombreux meurtres. C'est un mal pour un bien... si l'on veut.

Ce soir, en rentrant chez elle après deux semaines d'absence, elle vit son mari, jouant avec leur enfant âgé de six mois. S'étant quittés sur une énième dispute, elle hésita à s'approcher pour l'embrasser. La question eut sa réponse rapidement. L'enfant se dirigea vers sa mère, à quatre pattes et elle le prit dans ses bras pour déposer une multitude de baisers sur son petit visage.

Son regard dévia ensuite sur l'homme qu'elle avait épousé six ans plus tôt. Se relevant, il rejoignit la cuisine et lors du passage à côté de son épouse, il ne prit la peine de lui jeter un regard. Visiblement, la glace ne s'est pas brisée, se dit-elle avant de le rejoindre.

- Bonsoir.

- Bonsoir.

Son ton sec montrait qu'il n'avait aucune envie de lui parler. Ces derniers mois, plus rien n'allait entre eux. Les disputes se succédaient, ils ne faisaient presque plus rien ensemble, n'invitaient plus leurs amis et quand c'étaient eux qui se faisaient inviter, ils refusaient toujours. Malgré le mariage, leur enfant était le seul réel lien qui subsistait entre ces deux personnes.

Au cours du repas, elle tenta plusieurs fois d'engager la conversation seulement, ses questions s'envolèrent aussitôt sorties de sa bouche. Le bébé couché, elle regagna son lit à son tour, vu la fatigue qui s'était accumulée durant ces semaines intensives.

Au beau milieu de la nuit, elle se réveilla en sursaut, prise d'une soudaine panique. Dans la chambre de son enfant, elle souffla, soulagée de l'y voir dormir. L'air devenant étouffant, elle se servit un verre d'eau et sortit sur le balcon.

Accoudée à son rebord, ses yeux se posaient sur les quelques voitures qui défilaient, en cette nuit de premier juin. Elley trouvait appréciable le vent qui touchait sa peau alors elle continua d'en profiter en fixant un point et ne pensant à rien.

Un mouvement sur sa gauche attisa sa curiosité. Un homme était en train de faire un jogging à trois heures du matin.

- Au moins, il ne risque pas d'attraper un coup de soleil ou d'avoir trop chaud. Décidément, il y en a qui réfléchissent dans ce monde...

Au moment de retourner se coucher, elle s'arrêta dans la salle de bain pour avaler un somnifère. Une fois totalement réveillée peu importe l'heure, se rendormir n'est pas une mince affaire.

Le restant de la nuit se passa paisiblement, jusqu'à son deuxième réveil, dû à des tambourinements à sa porte d'entrée. Il était aux alentours de neuf heures quand elle ouvrit à ses collègues policiers.

Après lui avoir demandé de s'asseoir, ils lui donnèrent la raison de leur venue. L'annonce de la mort de son époux et de leur enfant lui avait fait un choc et heureusement qu'elle était assise autrement, elle aurait eu droit à un énorme câlin avec le sol. Un sans-abri les avait retrouvés dans son logement de fortune.

- Avec les preuves que nous avons pu récupérer, tu es en dehors de la liste des suspects. Les corps étaient mordus et déchiquetés alors on se doute bien que derrière cet acte, c'est un animal que nous trouverons.

Les larmes ne coulaient pas et pourtant, son conjoint et son bébé étaient morts. Quel était ce barrage assez solide qui l'empêchait de pleurer ?

- Tu n'as pas pu le voir ?

Elley hocha négativement la tête.

- Dans la nuit, j'ai pris un médicament pour me rendormir, du coup je n'ai pas pu anticiper cet événement...

- Tu nous en avais déjà parlé.

- Mais là, c'est différent. Surtout si le coupable est un animal.

- Nous allons enquêter. Le chef te conseille de rester chez toi pour le moment. Cette histoire va être compliquée alors tu dois te reposer.

- C'est ce que je vais faire. Si j'ai du nouveau, je sais où vous trouver.

- Exactement, on va te laisser et résoudre cette énigme.

La mort d'un enfant et de son père n'avait pas tardé à faire le tour des chaînes d'information. Étant donné que noms et prénoms avaient été dévoilés, une horde de journalistes s'est agglutinée devant la porte de l'immeuble, dans l'espoir de rencontrer la veuve. Afin de la protéger, plusieurs policiers étaient positionnés à l'entrée.

Les parents d'Elley ne tardèrent pas à débarquer en début d'après-midi. Ils ont fait face à un refus, devant attendre que le gardien confirme ou non leur identité auprès des policiers. Ils rendaient régulièrement des visites alors il n'a pas hésité avant de dire que c'était bon et qu'ils pouvaient les laisser entrer.

Dans l'appartement, le père d'Elley lui a expliqué qu'il avait une tante qui vivait dans un petit village et que si elle voulait, elle pouvait aller là-bas puisqu'elle était partie en lui laissant les clés et qu'elle n'était jamais revenue pour les lui réclamer.

Consciente qu'elle ne pouvait rien faire dans cette situation, elle a accepté de s'y rendre alors qu'elle ne connaissait pas cette dame. Ils s'étaient accordés sur le fait de partir le lendemain. La route était longue et la faire de nuit n'enchantait ni le père, ni la fille.

C'est donc une fois tout préparé, qu'elle a envoyé un mail au chef de la police. Elle se rendit dans la chambre de son défunt enfant une dernière fois, puis alla se glisser sous la couette froide, soulagée de quitter ce lieu d'ici quelques heures.

Au beau milieu de la nuit, malgré toutes les portes et les fenêtres fermées, un étranger avait réussi à se glisser dans l'appartement. Comme s'il y vivait, il se dirigea sans une once d'hésitation, vers la chambre de la veuve. En ouvrant la porte, il regretta son geste. Elle venait de grincer, faisant bouger la jeune femme. Alors qu'il était tapi dans un recoin de la pièce, il patienta avant de s'approcher.

- Tu seras mieux sans eux. À présent, tu pourras compter sur moi, tout n'est plus qu'une question de temps.

Il déposa un chaste baiser sur le front de sa future femme et quitta les lieux.

- Papa, j'ai déposé mes affaires dans le coffre.

- Tu veux faire un dernier tour pour être sûre d'avoir tout ?

- Au cas où, oui.

Vêtements, produits d'hygiène, quelques distractions... tout y était. Elle n'avait rien oublié.

Faisant un dernier tour dans sa chambre, une odeur qu'elle n'avait pas sentie plus tôt, envahit ses narines. D'un coup, elle se sentait plus apaisée et détendue.

Sur le point de quitter son domicile, elle enlaça sa mère et lui confia les clés, avant de rejoindre son père qui l'attendait dans la voiture.

Mondes croisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant