Chapitre 20 : Les rôles s'inversent

2 1 0
                                    

Ezekiel avait peur des questions qui allaient lui être posées pourtant, seule la vérité était en jeu. Durant le silence, il réfléchissait, sachant qu'il n'était pas entièrement prêt à affronter, ce à quoi il allait devoir faire face.

- Dans un premier temps, j'aimerais savoir ce qu'était ce village ? Si je me souviens bien, il n'y était pas avant mon départ.

- Nous l'avons créé après, afin qu'il serve de portail entre les deux mondes. Il est visible pour les terriens, mais nous le protégeons et de ce fait, quand ils viennent, ils ne peuvent pas rester plus de quelques minutes au risque de se sentir mal et chaque nuit, il disparaît pour ne redevenir visible qu'à l'aube, pour nous assurer la tranquillité.

- C'est ingénieux. Un soir, j'ai vu deux points rouges dans la forêt, une idée de ce que c'était ?

- Le Patrouilleur. Il s'agit d'un loup solitaire qui s'est porté volontaire pour protéger le village. Il a dû s'approcher pour s'assurer que vous n'étiez pas un danger. En général, on ne le voit qu'une fois à notre arrivée et après, il retourne dormir jusqu'à ce qu'il y ait un nouvel arrivant ou un danger imminent.

- Il faudrait lui faire des offrandes. Mon père m'a dit que la maison dans laquelle j'ai séjourné appartenait à sa tante, était-elle réelle ?

- Je me souviens qu'il y avait une vieille femme qui y logeait et à son décès, tout est resté tel quel dans la maison.

- Question suivante : pourquoi il m'est arrivé à au moins deux reprises, de voir les gens parler en me regardant et parfois en souriant.

- Ils étaient au courant de la situation et ils attendaient avec impatience votre retour. En vous voyant, ils vous ont reconnue alors les commérages n'ont pas tardé.

Elley n'en avait pas fini et réfléchissait à la question suivante. Intérieurement, Ezekiel soufflait. Pour l'instant, tout allait bien néanmoins, il marchait sur des ufs.

- Ah oui, je m'en souviens. Que faisaient ces deux policiers-gardes dans la maison lors de mon retour ?

- Ils sont soldats ici et sont arrivés sur terre précipitamment du coup, ils n'ont pas eu de temps pour se changer. Nous avons donc utilisé une illusion. Nous voulions savoir ce que vous comptiez faire pour vous ramener au plus vite ici.

- Et les hommes qui se sont battus contre le village ?

- Des renégats. En temps normal, ils ne font pas grand-chose. Ils ont dû profiter de l'annonce de votre retour pour se montrer. Ils aiment se donner en spectacle et parfois, ce n'est pas de la meilleure des façons.

- Je vais être gentille et n'en poser qu'une dernière. Pourquoi avoir agi froidement puis amicalement et ainsi de suite avec moi ?

De toutes les questions qu'elle pouvait poser, cette dernière figurait sur la liste de celles qu'il aurait voulu éviter. Par chance, ce n'était pas la pire alors il souffla de soulagement une nouvelle fois.

- Je... Je ne savais pas trop comment agir après toutes ces années. Encore maintenant, je suis perdu. J'ai un peu de mal à gérer la situation.

- Je vais m'en contenter, merci de tes réponses.

- Merci aussi pour les vôtres.

- Tu sais... Je me suis déjà fait la remarque, qu'il aurait été mieux que je ne parte pas, mais le fait de vivre de la même manière que les humains, ne me déplaisait pas et pourtant, il me manquait toujours quelque chose. Depuis que je suis revenue, cette sensation s'est... Comment dire ? Envolée.

- Tant mieux !

Elley se mit à rire sous la nonchalance des propos d'Ezekiel.

- Tu tiens vraiment à me voir rester ?

- Je ferai tout pour que ce soit le cas !

- Serait-ce un défi ?

- Plutôt une promesse.

- Bien. Mais sache une chose. Sur un point, nous sommes pareils.

- Comment ça ?

- On n'a qu'une parole. Tu as intérêt à réussir à me faire rester.

Durant trois jours, Elley s'était de nouveau enfermée dans son bureau, ne sortant que pour aller se laver. Anaëlle lui apportait de quoi manger et boire puis la nuit, en tout cas quand elle se décidait à aller se reposer, Ezekiel veillait sur elle, dissimulé dans l'obscurité. Chaque fois, il attendait qu'elle soit endormie avant d'entrer, pour éviter qu'elle ne sente sa présence, et reste éveillée plus longtemps.

Il avait toujours été assez discret et elle ne l'avait pas remarqué jusqu'à ce matin, où elle l'a retrouvé endormi, adossé au canapé qu'elle utilisait comme lit. Une bonne douche a aidé pour commencer la journée.

Dehors, le temps avait radicalement changé en peu de temps. Plus de soleil éblouissant, ni de beau ciel bleu dégagé. Tout cela avait laissé place à un ciel sombre et des nuages gris. L'étoile du jour était à peine distinguable derrière les masses d'eau qui flottaient.

Pendant quelques minutes au loin, un spectacle d'éclairs, de plusieurs couleurs. Elley les regardait comme à chaque fois qu'il y en avait. C'est le phénomène qu'elle admire toujours autant au cours des années, sans jamais s'en lasser.

- Nous sommes aux premières loges pour admirer son travail.

- J'ai comme ma petite idée quant à la personne, qui est derrière sa venue. N'est-ce pas ?

Ezekiel aurait pu feindre de ne pas savoir de quoi elle parlait mais le regard qu'elle lui lançait, lui montra qu'il était inutile de prétendre autre chose. Au fil du temps, les éclairs se rapprochaient alors comme une enfant, Elley regagna l'extérieur et se fichant de la pluie qui était arrivée, elle regardait les merveilles qui zébraient le ciel.

La porte grande ouverte, plusieurs domestiques la regardaient. La plupart lâchèrent tout, quand un éclair s'abattit sur elle et sans savoir pourquoi, le lien entre la terre et le ciel n'était pas rompu. Il leur était donc impossible de lui venir en aide.

Ezekiel et Koe qui avaient assisté à toute la scène ont crié son nom et l'enfant s'apprêtait à la rejoindre. L'homme le retint, conscient du danger que la lumière représentait. Personne n'agissait, car personne ne savait quoi faire.

À l'intérieur de l'éclair, les choses étaient loin d'être catastrophiques.

- Eh bien, quel accueil ! Par contre, il me semble t'avoir déjà dit de ne pas rester dehors par un temps pareil.

La femme se tenant face à Elley lui fit une pichenette au front.

- Même si je sais que c'est toi ?

- Oui, tu sais très bien que je ne les contrôle pas tous alors tu restes à l'abri comme ça, je ne me fais pas de sang d'encre inutilement, tu comprends ?

- Je ne suis plus une gamine !

- Tu agis pourtant de la sorte. Depuis le temps, tu n'as pas changé avec moi. Je présume que c'en est de même en ce qui me concerne.

La nouvelle enlaça la jeune femme, contente de retrouver son amie. Leur étreinte terminée, l'éclair se dissipa, dévoilant les domestiques de la maison et derrière l'arrivante, d'autres personnes à son service, que la pluie n'épargnait pas.

- On ferait mieux de rentrer avant d'avoir des malades.

- C'est chez toi, nous te suivons.

Laissant tout le monde se sécher, Elley rejoignit la détenue au sous-sol. Dans ce lieu, les prisonniers n'avaient aucune intimité ou presque. Trois murs faits de pierre, quant au quatrième, il était composé d'une rangée de barres métalliques avec une porte assortie. Pas de fenêtre et la seule lumière venait de l'extérieur de la cellule, pour éviter toute tentative de suicide ou d'évasion. Le strict minimum dans cette pièce se justifiait par la même réponse.

Mondes croisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant