CHAPITRE IV

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« Ton père serait fier de toi. »

Ces mots m'avaient suivi durant tout le trajet pour rentrer à Sirhastir. Après tous les événements de cette soirée qui frôlaient l'indécence, je n'arrivais pas à imaginer mon paternel me regarder en face et exprimer une quelconque forme de fierté.

Si seulement il me voyait, il éclaterait de rire !

Mon père n'avait jamais été du style à me punir ou à me priver de sortie, avec toutes les querelles que cela pouvait impliquer. Non. Il était très différent de ma mère, excepté lorsqu'il était question de ma santé. Alors là ! Mes géniteurs se transformaient en poules qui voulaient couvrir leurs œufs. Tout d'un coup, je devenais la princesse de Sirhastir. C'était un des avantages d'avoir des parents qui font carrière en médecine. « On ne plaisante pas avec la maladie ! » disait mon père.

Comme Estéban l'avait prédit, le soleil fut bien levé sur la ville une fois la frontière délimitant notre bourgade dépassée. Pour rentrer à la maison, nous devions obligatoirement passer par le centre-ville, ce qui ne m'enchantait pas des masses. J'avais toujours redouté de tomber sur une route remplie de cadavres. Comme si les festivités finissaient toujours par un massacre, ici. Il était impossible de s'amuser sans qu'il n'y ait des blessés. Foutus vampires.

Il n'y avait personne. C'était vide, c'était mort. Le centre-ville était pourtant très agité durant la journée, habituellement. Seul le moteur de ma Jeep faisait écho sur la rue sur laquelle nous nous trouvions ; AESTON.

Je ne savais pas si c'était la fatigue ou un manque flagrant de volonté, mais je ne tenais pas spécialement à rentrer à la maison. Je connaissais cette ville comme ma poche, me repérer n'était pas un problème. Le problème, c'était que mon besoin de flâner persistait.

Je décidai de me stationner afin de mieux observer les alentours. Maude ne disait pas un mot tout simplement parce qu'elle était endormie sur la banquette arrière et c'était tant mieux. Je n'avais pas la force de démarrer et d'entretenir une quelconque conversation animée, de toute façon.

Tandis que je me contorsionnais pour lire le panneau qui indiquait le nom de la rue, mon téléphone vibra pour la première fois depuis la veille. C'était Jason. En déverrouillant mon portable, je constatai qu'il avait téléphoné, envoyé des textos et laissé des messages vocaux à plusieurs reprises. Je soupirai. Avec la soirée à laquelle Maude et moi avions fait face, je n'avais vraiment pas la force de lui retourner ses appels afin d'expliquer pourquoi j'avais décidé de festoyer avec ma meilleure amie plutôt qu'avec lui.

Tant pis. Je m'excuserai quand je le reverrai.

Soudain, un bruit différent de celui du moteur de mon camion m'interpella. Je tournai la tête et vis un homme dans l'entrée d'un bâtiment vieillot. Il était appuyé contre le mur de briques rouges, mais ne tarda pas à s'en détacher, à lancer par terre la cigarette qu'il fumait avant d'entrer dans la bâtisse. Au claquement de la porte rouge en métal, les néons du café s'éteignirent miraculeusement. Je restai surprise face à ma propre admiration. Cet endroit attisait ma curiosité d'une manière très malsaine.

Sur le coup de l'impulsion, je débouclai ma ceinture, et bien sûr, ce fut à ce moment-là que Maude se réveilla :

— On est à la maison ?

Elle bâilla tout en regardant par la fenêtre, et en réalisant que nous ne nous trouvions pas devant sa maison ou la mienne, elle se tendit comme un piquet.

— Qu'est-ce qu'on fait là ?

— Je dois aller voir quelque chose, répondis-je plus naturellement que je ne l'avais voulu.

Le Café RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant