CHAPITRE XVII

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— Frédérique.

Je sursautai violemment. Adam était arrivé à ma hauteur en moins de deux. L'idée qu'il aille deviner mon envie de m'enfuir réveilla de l'effroi en moi. Je me figeai lorsqu'il m'attrapa par le bras :

— Viens ici, Princesse.

Ce n'était pas une demande et ce n'était pas du tout tendre. Il m'entraîna vers Laurent, ce qui ne m'enchantait pas du tout. Je couinai lorsqu'il me retourna durement vers son confrère pour que je lui fasse face.

— Je veux que tu t'excuses de la manière dont tu t'es comportée, m'ordonna Adam.

— Pardon ?

Mon visage se durcit.

Je dois rêver ! C'est n'importe quoi !

— Laurent n'est peut-être pas ton dominant, mais tu n'avais aucune raison de te conduire de la sorte.

— Ce n'est pas digne d'une bonne soumise, ajouta celui-ci.

Ces mots me firent du mal pour une cause inconnue. Était-ce de la culpabilité liée à mon geste ou le fait que je me faisais vraiment prendre pour une idiote ?

Prise au pied du mur, je crispai la mâchoire et me forçai à regarder Laurent dans les yeux.

— Pardon, dis-je en haussant un sourcil. Je suis désolée, je n'aurais pas dû te parler comme ça.

Adam soupira, comblé.

— Alors ? Est-ce que cela te convient ? demanda-t-il en se retournant vers son condisciple.

Laurent sourit.

— Je n'en sais rien. Je ne suis pas vraiment convaincu par ses excuses. J'irais vers quelque chose de plus... douloureux. Question qu'elle n'oublie pas.

Le regard du vampire, ainsi que le mien, s'esquiva en direction du donjon. Je remarquai un banc d'épandeur en bois sur lequel une fille était penchée et attachée. Cela ressemblait plutôt à un meuble sur lequel s'accouder qu'à un endroit où s'asseoir. Perdu dans mes pensées, j'entendis vaguement Adam débattre sur le sujet, probablement pour réprimander Laurent et sa demande. Mon sang se mit à bouillir, mes jambes à trembler. Alors que je regardais la soumise se faire flageller au loin, je m'imaginai la brûlure.

Vive. Aveuglante.

Mon cerveau venait de s'égarer de nouveau.

— Je veux le faire.

Adam arrêta de parler. Sous les airs satisfaits de Laurent, j'affichai une mine innocente ainsi qu'un sourire vaincu. Vaincu par l'autorité, j'imaginai.

— Tu veux bien répéter ça ?

— Je veux le faire. J'en ai envie.

— D'une manière convenable, me reprit Adam.

— Est-ce que vous me permettez de participer, Maître ?

On aurait dit un script que j'avais appris à l'avance. De son côté, Adam resta sans voix. Je ne savais pas s'il est impressionné ou simplement surpris. Doucement, il enroula son bras autour de ma taille et approcha sa bouche de mon oreille.

— C'est d'accord, chuchota-t-il d'une voix suave. (Il se redressa.) Si c'est ce que tu veux vraiment, tu ne verras pas d'inconvénient à ce que Laurent s'occupe de toi pour le premier tour ?

— Non, Maître.

— Bonne fille.

Je fus entraînée de l'autre côté comme une poupée de chiffon, une vulgaire marionnette. Ma décision était prise, celle d'Adam aussi. Je ne pouvais plus reculer, mais j'étais prête.

Telle une vedette de cinéma, je fus accueillie par une foule de paires d'yeux. Avec l'aide d'Adam, je montai sur la scène en tentant d'ignorer l'attention que tout le monde me portait. Mon vampire brun ne tarda pas à me retirer ma robe de cocktail en la faisant passer au-dessus de ma tête, m'exhibant sans remords.

L'épandeur en bois m'attendait, désormais libre. Je me penchai vers l'avant afin d'appuyer le devant de mon corps contre celui-ci. Il était si haut que j'étais obligée de me mettre sur la pointe des pieds.

— Aïe ! gloussai-je.

Je baissai les yeux et remarquai deux clous incrustés dans le sol dont les pointes étaient dirigées vers le haut, de sorte que mes talons se posent dessus. Adam s'accroupit près de moi pour m'aider à retirer ma culotte, le seul morceau de tissu qui me couvrait encore. Elle fut lancée sur le parterre, là où s'esquiva mon regard. Je repérai Isabelle ainsi que son regard de braise, Anne et...

Bordel de merde. Estéban !

Le vieil ami de mon père était là, dans la foule, et il ne réagissait pas. Il n'affichait que de grands yeux. Je ne savais pas s'il m'avait réellement reconnue jusque-là. Cependant, je n'eus pas ma réponse dans l'immédiat, car il avança vers la scène et y monta en prenant soin de déposer son... micro ?

« Ton père serait fier de toi. » Ces mots s'écoulèrent de ma bouche comme du poison et des larmes se formèrent dans mes yeux.

Adam me ramena dans le monde réel et tout ce que je souhaitais, c'était qu'il ne le soit pas :

— Tu es prête, Princesse ?

Je hochai la tête et laissai enfin les perles d'eau salée couler sur mes joues. Bien sûr, Adam n'y avait pas du tout prêté attention.

Estéban afficha une expression déconcertée une fois qu'il fut à moins d'un mètre de moi, à croire qu'il allait se décomposer sous mes yeux.

— Tu veux bien me dire ce que tu fous ici ? me chuchota Estéban alors qu'il entravait mes poignets avec de la corde.

— Je vous renvoie la question, rétorquai-je.

Il ne poussa pas plus loin. Il attrapa son micro, adopta un rôle d'animateur et sourit à l'adresse de la foule comme si de rien n'était.

— Le jeu de fessées ! clama-t-il d'une voix comme on en entendait à la radio. La soumise et son dominant devront penser à un chiffre entre un et dix. Si le chiffre choisi par la soumise est le plus élevé, elle recevra le nombre de fessées correspondant au chiffre choisi précédemment par le dominant. Toutefois, si la soumise choisit un chiffre moins élevé, elle en recevra le double ! Alors ? Qui aura l'honneur d'ouvrir le bal ?

Laurent s'avança. Il chuchota quelque chose à l'oreille d'Estéban qui m'adressa la parole par la suite :

— Votre chiffre, très chère ?

La foule respirait l'anxiété, attendant ma réponse.

— Cinq.

— Le chiffre du dominant était quatre ! déclara Estéban en regardant le public. La soumise remporte ce tour !

Je soupirai de soulagement. Je gagnais peut-être cette manche, mais je me faisais fesser d'une manière ou d'une autre.

— C'est la chance du débutant. Fais gaffe, tu n'y auras pas droit deux fois ! fit Laurent en s'approchant de moi avec une démarche de prédateur.

— Crois ce que tu veux, mais je ne suis pas une débutante.

Il haussa les sourcils.

— Très bien, tu l'auras voulu.

Je venais de le défier, de le provoquer. Il n'y avait plus rien, plus aucune étincelle en moi, excepté la colère qui me motivait.

Je suis en colère.

En colère contre moi-même.


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