CHAPITRE XV

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Ça résonne encore.

Le bruit de la lame qui quitte ma peau dans une intonation rugueuse. Les gouttes de sang qui ne tardent pas à tomber une à une sur le sol.

Adam me fixe en se mordant l'intérieur des joues, créant ce creux sur chaque côté de son visage si parfait. Je glousse lorsqu'il attrape mon bras et un frisson de peur escalade le bas de mon ventre. C'est si douloureux sur le moment que je suis convaincue que des bouts de verre dans mon estomac auraient fait le même effet.

Ce n'est qu'après s'être emparé de moi que je remarque cette lueur bigarade dans les yeux du vampire ; ils sont orange. Je crie lorsque je réalise qu'il est à une seconde près d'enfoncer ses crocs dans les veines de mon poignet.

La fête prend vite la tournure d'un massacre collectif. Adam est l'archet d'un violon sur lequel les notes sont faussement jouées.

Mon hurlement fait écho sur l'étendue de la forêt, réveillant les ténèbres. C'est le coup de tambour qui annonce le début des festivités. Je ne suis plus l'unique humaine à craindre pour ma vie, car d'autres cris surgissent sous la bénédiction de Sven. Ses garçons ont enfin la possibilité de céder à leur faim animale.

Il est le chef d'orchestre.

●●●

Ce fut un spasme violent qui m'extirpa de mon sommeil. Je clignai des yeux à répétition en essayant de me repérer, puis une main glacée rejoignit ma cuisse nue. C'était Adam.

— Tout va bien ? demanda-t-il.

Ses yeux brillaient dans l'obscurité. Je me redressai sur le banc de la voiture, tentant de m'asseoir correctement.

— Oui, oui. Je n'ai fait qu'un mauvais rêve.

— J'avais deviné.

Dans un geste mécanique, il porta son poing au niveau de sa bouche, frottant sa bague en métal contre ses lèvres. Je pris alors conscience des battements de mon cœur. Les yeux d'Adam semblaient s'illuminer pour chaque coup dans ma poitrine.

Orangés.

Adam m'escorta jusqu'à un motel du centre-ville, puisque je ne pouvais pas retourner à la maison. J'avais fait croire à ma mère que je passais la nuit chez Maude. C'était un mensonge que je racontais de manière régulière ou suffisamment pour que ma mère cesse de m'embêter avec ses questions.

Quelques heures de plaisir et de douleur plus tard, Adam avait disparu. Comme d'habitude. Tant que l'attachement sentimental ne faisait pas partie de ses plans, je ne demandais pas grand-chose. Si j'avais eu à lui offrir un quelconque plaisir en retour, je me serais donné à la tâche, mais mon sang semblait être la seule chose qui l'intéressait. Du moins, en dehors du fait de me malmener sexuellement parlant.

●●●

Une respiration sifflante et aiguë me réveilla ; la mienne. J'avais somnolé durant des heures, changé de position au moins cent fois, mais rien n'y faisait. Je m'étais fait déranger par cette étrange sensation de tomber dans le vide. Ma gorge était comme un brasier qui semblait contaminer tout mon corps. Une soif incommensurable éraflait ma trachée et des sueurs me terrassaient. Pire encore, j'avais l'impression que mon cerveau surchauffait. Ce n'est vraiment pas normal, pensai-je en rampant hors de mon lit.

Dans un gémissement ridicule, j'attrapai mon sac à main et le trifouillai d'arrache-pied sans trop regarder ce que je faisais. L'importance que je donnais à la chaleur qui persistait dans tout mon corps semblait prendre toute la place.

J'extirpai enfin mon portable qui s'était escamoté dans un recoin de ma sacoche. Désespérée, je tentai de retrouver le numéro d'Isabelle dans mon répertoire, les yeux plissés et aveuglés par l'éclairage de l'appareil.

— Allô ?

— Isabelle ! criai-je, rassurée d'avoir quelqu'un avec moi. Aide-moi, je t'en prie, aide-moi ! J'ai l'impression que ma tête va exploser !

Je l'entendis rire à l'autre bout du fil, ce qui pulvérisa tout sentiment d'apaisement en moi.

— Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda-t-elle avant qu'un bruit ne m'affirme qu'elle était en train de se verser un verre.

— Je... J'ai chaud. Je transpire des litres. Je t'en prie, aide-moi !

Je me laissai tomber sur la moquette de la chambre d'hôtel, trop faible pour rester sur mes genoux. Du côté d'Isabelle, c'était le silence. Je ne savais pas si elle avait compris ce que je venais de lui dire et surtout, je ne savais pas si j'allais avoir la force de tout lui expliquer de nouveau.

Je vais mourir, c'est sûr !

— Frédérique, tu dois m'écouter attentivement. Tu es en train de te transformer ou du moins, tu es dans l'une des premières étapes d'une éventuelle transformation.

— Quoi ?!

Mon cri avait sonné comme un gémissement mélangé à un pleurnichement.

— Je sais que ça ne sera pas évident, mais tu dois absolument te rendre à la salle de bain la plus proche et plonger dans un bain d'eau froide. Tu dois absolument faire baisser ta température.

Je gémis de plus belle.

— D'accord.

Je me redressai péniblement, rampant à quatre pattes jusqu'à la minuscule toilette dont était dotée la chambre. Je déposai mon téléphone sur le lavabo et ne pris même pas le temps de retirer ma culotte et mon soutien de gorge ; j'ouvris le robinet de la douche. Je me laissai aller contre la paroi en verre et fermai les yeux alors que l'eau froide tombait sur le dessus de ma tête et le reste de mon corps.

Je geins de nouveau lorsque le contraste des températures commença à se faire ressentir.

— Veux-tu bien arrêter de gémir de la sorte ? grogna Isabelle, toujours au téléphone. Je vais commencer à croire que tu veux m'exciter.

— J'ai mal ! criai-je, en pleurs.

— Si tu avais des glaçons, ça serait plus rapide ! rétorqua-t-elle en riant.

Je dus passer le reste de la nuit sous la douche. Glacée. Je me maudis d'être allée à cette cérémonie, d'avoir accepté la proposition d'Adam, d'être retournée à ce foutu café, d'y avoir mis les pieds pour toute première fois. Je me détestais pour avoir laissé ma curiosité prendre le dessus.

Pour l'initiation, laisser Adam boire mon sang n'avait pas été suffisant. Il avait fallu que je boive le sien aussi. C'était une sensation que je n'aurais jamais voulu réexplorer. Les symptômes étaient insupportables et étaient clairement plus percutants que la première fois.

J'avais eu le sentiment de dépérir, cette nuit-là. Si Isabelle ne m'avait pas aidé, cela aurait pu arriver ! Il était hors de question que je meurs ou que cela se reproduise. Je ne voulais pas mourir. Je ressemblais déjà suffisamment à un cadavre.

Le Café RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant