2 - From our Core

67 5 0
                                    

     Après avoir fini nos hots-dogs et Austin sa bouteille de Coca-Cola, celui-ci empoigne sa guitare. C'est une réplique exacte de celle d'Elvis. Il a pu l'emmener après le tournage, et chaque fois que je la vois dans ses mains je ne peux m'empêcher de sourire au souvenir de sa prestation. Il a amplement mérité ce qui en a découlé.

     J'avais seize ans. La seule chose que je connaissais à propos d'Elvis Presley, c'était sa danse polémique et censurée. Malgré tout, je voulais à tout prix aller voir son biopic, il le fallait. Avec le recul je me dis que ce devait être un signe. Parce qu'à la sortie de la salle, ma vie n'a jamais été plus pareille.

     - Tu crois qu'à l'époque d'Elvis ils pique-niquaient un hot-dog accompagné de Coca ?
     - Elvis a fait beaucoup trop de choses inimaginables dans la cour de Graceland, pourquoi pas ? On s'en rapproche en tout cas avec nos bouteilles en verre !
     - Tu sais très bien que je ne parlais pas d'Elvis. Il existe--
     - Son époque ou lui, ça revient au même. Et tu le pensais, ne mens pas !
     Je secoue la tête. Puis quand je la relève, je croise son regard et nous rions.
     Je n'ai jamais vraiment cessé de tout rapporter à Elvis. Mais cela n'est pas suffisant pour ce dans quoi nous nous sommes embarqués voilà un mois.

     Je repense à Trouble. Aux deux performances qui ont le plus comptées.
     La première a eu lieu dans une cour de récréation, pour le concert de fin d'année organisé par le club musique du lycée. J'allais avoir dix-sept ans et je chantais Trouble pour la première fois devant un public. Cette prestation avait dépassé toutes mes espérances de l'époque.
     La dernière était sur une scène plus conséquente, en public assis. Une personne s'était levée et avait continué à applaudir après que la masse se soit tue. La plupart s'était tourné vers l'homme qui s'était rassis. Et puis j'avais reçu une enveloppe de cet homme mystère, pour auditionner en vue d'un film. Aujourd'hui je sais que c'est l'œuvre d'Austin.

     - À quoi tu penses ?
     Un sourire se forme sur mon visage.
     - À une salle de concert dans laquelle un certain Austin Butler s'est levé pour continuer à applaudir après tout le reste de la salle.
     Il baisse la tête, mais je peux voir ses joues s'empourprer tandis qu'il sourit. Ce n'est pas son genre de se faire remarquer, il a une âme timide au fond de lui.
     - Tu méritais que les applaudissents durent. À mes yeux tu méritais une ovation. Je sais, on en a déjà parlé. Mais chaque fois que je repense à cette performance, je m'émerveille. J'étais ému, D. Une femme imprégnée d'Elvis c'est rare, je n'en avais encore jamais vu, moi. La pensée que tu étais une femme n'est même pas venue.
     C'est vrai, il me l'a déjà dit plusieurs fois. Je ne suis pas à l'aise avec les compliments venant de personnes que je connais. Mais chaque fois qu'il en parle, sa voix est pleine d'émotion que je suis moi-même émue de ce qu'il a ressenti.
     - J'aimerai savoir ce que les autres en ont pensé.
     - April ! Les journalistes se sont précipités, on a entendu parlé de toi partout !
     - Austin... Tu es lié à Elvis, à présent. Forcément que ça a pu te toucher !
     - Ça n'explique pas les dizaines, voire plus, d'articles à ton sujet.
     - Mais tu as tenté une ovation ! Tout le monde en a parlé ! Alors ils se sont intéressés à ce qui t'avait motivé !
      Je n'énoncerais jamais de moi-même ce qu'on appelle talent. J'ose à peine acquiescer lorsqu'un journaliste, par exemple, le mentionne avant d'entamer sa question. Bien sûr que je serais heureuse d'avoir du talent, mais l'affirmer... Je ne sais même pas si j'y crois. Alors Austin peut continuer, il n'obtiendra pas d'approbation de ma part.
     Celui-ci me regarde avec douceur.
     - D... April... Ce n'est pas prétentieux d'admettre avoir du talent.
     - Et tu en as, reprend-il avant que je ne puisse répliquer.
     - Austin. C'est du travail. Qu'est-ce que disait Jared Leto ? Que la disposition à atteindre nos rêves relève du travail que l'on fournit. Elvis possédait quelque chose de rare. Je ne sais pas si c'était du talent, mais c'était quelque chose qui venait de lui, from his core.
     Ma dernière phrase achevée, je me rends compte de mon erreur. Et Austin le voit sur mon visage. Quand nos regards se croisent, il hoche presqu'imperceptiblement la tête. Nous n'avons pas besoin de plus.

W̶o̶r̶k̶, Live, Dream with meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant