Chapitre 13

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Adèle :

Ce dîner était insupportable. Pas à cause de la nourriture, bien au contraire. Mais ce silence pesant et le regard insistant du duc, qui me clouait littéralement à ma chaise, étaient insupportables. Chaque fois que je tentais de me concentrer sur mon assiette, je sentais son regard perçant, ce qui me rappelait ces interminables réunions d'affaires avec mon père et ses collaborateurs. Le silence de mort dans cette pièce me donnait des frissons, coupant presque mon appétit. Heureusement, quelqu'un brisa enfin cette ambiance étouffante.

– J'en ai marre de ce calme de plomb. Adèle, et si on apprenait à mieux se connaître ? Après tout, on va sûrement passer du temps ensemble, non ?

Axel m'adressa un sourire amical, un peu forcé mais sincère, tentant visiblement de détendre l'atmosphère. Un léger sourire traversa mes lèvres en réponse.

– Pourquoi pas, je préfère ça à cette ambiance de funérailles, dis-je avec une pointe d'ironie.

– Super alors, on commence par qui ?

Axel réfléchit à voix haute, mais avant qu'il ne trouve une idée, Jackson décida de briser définitivement ce faux confort en me jetant une question brutale.

– Adèle, comment t'as fait pour devenir... ça ? Parce que la toi du lycée, c'était pas la même. Celle que tout le monde harcelait, tu t'en souviens ?

Sa question résonna comme un coup de poing. Mon sourire s'effaça instantanément. Mes souvenirs du lycée, enfouis depuis si longtemps, remontèrent à la surface avec violence. Ce surnom... « bébé éléphant globuleux ». Quatre ans seulement, mais pour moi, c'était une autre vie, une autre moi. J'avais enterré cette version de moi-même après des années de souffrance et d'humiliations, des années passées à me cacher derrière des vêtements amples, fuyant les regards. Respirant profondément pour contrôler l'avalanche de pensées, je répondis avec un calme glacial.

– La seule chose que je puisse te dire, c'est que le sport peut tout régler. Avec un peu de motivation, j'ai réussi à me débarrasser du surnom que vous aimiez tant me coller.

Un silence pesant s'installa de nouveau, tandis que chacun assimilait le sous-entendu de ma réponse. Jackson, visiblement gêné, détourna les yeux. Christian, quant à lui, resta de marbre, impossible à lire. Axel, lui, ne put s'empêcher de rire légèrement, se moquant de la maladresse de Jackson. Voyant que l'atmosphère devenait tendue à nouveau, je décidai de conclure sur une note plus légère.

– Mais bon, ce qui est du passé reste au passé. Plus la peine de ressasser tout ça, dis-je en adressant un sourire apaisant à Jackson.

Il sembla se détendre légèrement. Le reste du dîner se déroula dans une ambiance plus détendue, les discussions s'animant autour de sujets plus légers. Axel et Jackson se laissèrent aller à des anecdotes amusantes, et j'appris un peu plus sur eux et sur le duc, même si ce dernier resta en retrait, observant la scène sans réellement participer. À plusieurs reprises, je croisai son regard, mais à chaque fois, il détournait les yeux, comme s'il fuyait toute confrontation. Peut-être que lui aussi avait ses failles. Après tout, les apparences sont souvent trompeuses.

Une fois le dîner terminé, j'avais décidé d'aider à débarrasser la table. Apparemment, c'était au tour d'Axel de faire la vaisselle, d'après le planning affiché sur le frigo. Le voir se débattre avec la pile d'assiettes me rappela une scène similaire avec mon frère, puni pour avoir une fois de plus déclenché une bagarre. Cette pensée raviva une douleur que j'avais soigneusement enfouie : celle d'avoir abandonné mes proches, tout ce que je connaissais, pour une illusion amoureuse qui s'était effondrée comme un château de cartes.

L'équilibre Des Failles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant