Chapitre 3

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Adèle :

J'étais assise, la tête baissée, les yeux rivés sur mon portable. Que pouvais-je faire d'autre, de toute façon ? J'avais l'impression d'être vide, dépourvue de toute émotion. Pourtant, à cet instant précis, quelque chose bouillonnait en moi, un sentiment que j'avais depuis longtemps relégué dans l'oubli. C'était une colère sourde, une frustration qui ne demandait qu'à éclater.

Soudain, un cri perça le brouhaha de l'aéroport. Levant les yeux, je vis une vieille dame gesticuler, désignant un homme qui courait droit vers moi. Le voleur ne me remarquait pas, absorbé par sa fuite. Pour une raison que je ne saurais expliquer, un besoin irrépressible de libérer ma rage monta en moi. Je me levai d'un bond, mes poings serrés. Quand l'homme fut à quelques pas de moi, je l'attrapai et le plaquai au sol avec une force qui me surprit moi-même. L'impact fut si violent qu'il s'évanouit presque immédiatement.

- Le pauvre... je n'y suis pas allée de main morte , murmurai-je en me redressant. Je récupérai l'objet volé et le tendis à la vieille dame, encore tremblante. Des applaudissements s'élevèrent autour de moi, mais l'attention soudaine me gênait. Je détestais attirer les regards. Prenant mes affaires à la hâte, je sortis de l'aéroport, cherchant un peu de calme à l'extérieur.

Devant l'entrée, je m'arrêtai, incertaine. Tout ça m'avait mis dans une colère noire.

– Cet abruti... il a réussi à me faire perdre mon sang-froid, grommelai-je en frottant ma tête, tentant d'évacuer la frustration qui me rongeait.

C'est alors qu'une voix grave résonna derrière moi, me tirant de mes pensées.

– Vous avez besoin d'aide, mademoiselle ? 

Je me retournai brusquement et manquai de perdre l'équilibre en découvrant qui se tenait là. Devant moi se dressait un véritable Dieu grec, mais ce visage... Il me disait quelque chose. Il parlait ma langue avec aisance, et pendant une fraction de seconde, son charme m'éclipsa complètement mes soucis.

Christian :

Je l'avais tout de suite reconnue. Cette fille, quelque chose en elle me disait quelque chose. Quand elle se retourna, je faillis la confondre avec quelqu'un d'autre, mais c'était bien elle. Le destin avait voulu que je croise son chemin aujourd'hui. Elle semblait si différente... Totalement transformée, même. Ses cheveux, autrefois courts, étaient maintenant plus longs, et ce visage, autrefois caché derrière des lunettes épaisses, avait changé. Elle ne portait plus de lunettes, et ses yeux bleu cyan brillaient avec une intensité nouvelle.

Je pris un instant pour me ressaisir et, sans me départir de mon sourire, je m'approchai d'elle.

– Salut, ma binoclarde, ça fait une éternité, non ? J'ai failli ne pas te reconnaître.

Je vis ses yeux s'écarquiller de surprise, puis une lueur de colère traversa son regard. Je pouvais presque entendre dans sa tête ce qu'elle pensait : toi, t'es mort. Cela me fit éclater de rire intérieurement, mais elle répliqua aussitôt, d'un ton sec :

– La binoclarde n'existe plus, et je me fiche pas mal de tes remarques.  Sur ce, va te faire voir, et au plaisir de ne plus jamais croiser ton chemin. 

Elle se retourna avec un air fier, prête à partir. Mon sourire disparut et, d'un geste rapide, j'attrapai sa valise. Je la soulevai sans effort, la retenant avec une nonchalance calculée. Elle se retourna vivement, la rage éclatant dans ses yeux.

– Rends-moi ma valise, espèce de...

Je levai la main pour l'interrompre et ajoutai, amusé :

– Ce n'est pas parce que tu es devenue canon que tu peux m'insulter de la sorte. Alors, ferme ton clapet, ça me ferait des vacances. 

Elle me fixa, ses yeux lançant des éclairs, mais elle se ravisa. Elle reprit sa valise d'un geste sec, mais je pouvais sentir que sa colère s'apaisait légèrement. Alors qu'elle s'éloignait, je l'interpellai, la voix plus douce cette fois :

– Tu viens faire quoi dans ce pays, au juste, Adèle ? 

Elle s'arrêta net, se retournant avec une froideur presque palpable. Ses lèvres se crispèrent avant qu'elle ne réponde :

– Ce ne sont pas tes affaires. Et n'ose plus jamais prononcer mon nom, sinon je te jure que tu le regretteras. 

Elle paraissait furieuse, mais au fond, je sentais que quelque chose d'autre se cachait sous sa colère. Mon côté joueur et provocateur refit surface. Je ne pouvais m'en empêcher, c'était plus fort que moi. Lentement, je m'approchai d'elle. À mesure que je réduisais la distance, elle reculait, jusqu'à ce que nous soyons face à face, nos visages séparés par quelques centimètres à peine. Je pouvais sentir son souffle chaud sur mon visage, et je savais qu'elle sentait le mien.

Je me penchai à son oreille et murmurai doucement :

– Pourquoi ça, ma belle Adèle ? Tu t'es tellement embellie que je risque de succomber à ton charme dévastateur. 

Je reculai en souriant, observant son visage. Ses joues devinrent rouge pivoine en un instant, et je ne pus m'empêcher de rire. Mais elle reprit vite ses esprits. D'un geste rapide, elle me frappa là où ça faisait mal, m'envoyant un coup de pied précis dans mon entrejambe. La douleur me coupa le souffle, et je m'effondrai à genoux, grimaçant sous l'intensité du choc.

Je l'entendis rire d'un ton moqueur avant qu'elle ne lâche :

– Ne me sous-estime pas, Christian.  Je ne suis plus la binoclarde du collège. Alors ravale ta salive, elle ne te servira plus à rien. Ciao. 

Sur ces mots, elle tourna les talons et s'éloigna, me laissant à mon malheur. Je la regardai partir, et malgré la douleur qui me tordait encore, je ne pouvais m'empêcher de sourire intérieurement.

– La prochaine fois, Adèle... Tu ne t'en sortiras pas aussi facilement. 

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