Chapitre 7

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Adèle

Assise dans la cuisine, les yeux rivés sur l'écran de mon ordinateur portable, je parcourais les offres d'emploi et les annonces immobilières. Je mordillais distraitement ma brioche, une vague de frustration montait en moi à chaque clic infructueux. La simple idée de devoir rester encore ici, chez Sabrina, avec la copine de mon ex dans les parages, me rendait malade. Sabrina était partie tôt ce matin, un post-it flânait sur la table du salon, me prévenant de son départ précipité. Encore une fois, j'avais la maison pour moi seule. Abandonnant l'ordinateur, épuisée, je laissais les pages ouvertes, au cas où une notification apparaîtrait. Je balayais la pièce du regard, avalant une gorgée de café, espérant que l'amertume de la boisson chasserait mon impatience. Il fallait bien faire quelque chose pour m'occuper.

Je montais les escaliers, décidée à me lancer dans un grand ménage, plus par désœuvrement que par envie réelle de récurer. Sabrina m'avait expliqué où trouver tout ce qu'il fallait dès mon arrivée, alors je maîtrisais parfaitement l'emplacement de chaque produit. J'attrapai des gants, attachai mes cheveux en une queue de cheval serrée et me mis au travail. Le silence de la maison était assourdissant, j'allumai alors ma playlist et laissai la musique guider mes gestes. Peu à peu, le rythme entraînant me poussa à danser tout en passant l'aspirateur, transformant une simple manche à balai en micro improvisé. La légèreté de ces instants me rappela les concours de danse que mes frères et moi faisions autrefois. Un sourire nostalgique se dessina sur mon visage, vite effacé par la réalité qui me rattrapait. Je devais assumer mes choix, aussi difficiles soient-ils.

Absorbée par ma tâche, je ne remarquai pas tout de suite les coups à la porte. Ce n'est qu'au troisième coup, plus insistant, que je réalisai que quelqu'un était là. En fredonnant encore la chanson, j'ouvris la porte sans me méfier. Quelle ne fut pas ma surprise quand une personne me sauta au visage pour m'embrasser, violemment, sans prévenir. La stupéfaction me paralysa une seconde, mais je repris vite mes esprits et répliquai d'un coup de poing bien placé. L'intrus, désarçonné, recula aussitôt, se frottant la mâchoire, tout aussi surpris que moi. Ses yeux exprimaient une confusion totale.

Avant qu'il ne puisse prononcer un mot, je lui claquai la porte au nez, augmentant le volume de la musique pour étouffer ses protestations. Pourtant, il ne se découragea pas. Bientôt, les coups retentirent à nouveau, de plus en plus violents, comme s'il s'apprêtait à défoncer la porte.

– Non mais il est fou ! pensai-je tout haut, irritée par son entêtement.

Je posai l'aspirateur et me dirigeai vers la cuisine. Ma main se referma sur une poêle en fonte que je saisis avec fermeté. Je réduisis le volume de la musique juste assez pour entendre ses menaces à travers la porte.

– Je compte jusqu'à trois ! hurla-t-il, la voix chargée de colère. Si tu ne m'ouvres pas cette fichue porte, je la défonce, Adèle !

Adossée au mur d'en face, poêle en main, j'écoutai son compte à rebours avec un calme feint.

– Un... deux... Dernière chance ! Ouvre-moi cette porte !

À peine eut-il prononcé le trois que j'ouvris la porte brusquement. Il accourait déjà pour entrer, mais je fus plus rapide. La poêle atterrit droit sur son visage avec un boom parfait. Je me permis un sourire victorieux en le voyant s'effondrer comme un pantin désarticulé sur le seuil de la porte. Sans un mot de plus, je refermai lentement la porte, savourant l'ironie de la situation.

Une fois assurée qu'il n'était pas mort, je rangeai calmement les produits de ménage et allai prendre une douche. L'eau chaude coula sur ma peau, effaçant les tensions de la matinée. Après m'être changée, je repassai devant la porte pour le retrouver toujours inconscient. Un sourire espiègle se dessina sur mes lèvres. Je m'emparai d'un feutre et, cédant à une pulsion enfantine, inscrivis sur son front : "Je suis un gros con". Oui, c'était puéril, mais terriblement satisfaisant. Il l'avait bien mérité.

Après ce petit divertissement, je décidai de m'éloigner, consciente qu'à son réveil, il risquait de chercher vengeance. Une simple promenade en ville pour me changer les idées et respirer un peu d'air frais me paraissait indispensable. Marcher sans but précis me donnait un sentiment de liberté que je n'avais pas ressenti depuis longtemps. En quelques minutes, je me retrouvai dans le centre-ville, observant les salons de thé qui se succédaient. L'un d'eux attira particulièrement mon attention.

Une fois à l'intérieur, l'ambiance chaleureuse et le parfum des pâtisseries me réconfortèrent. Je commandai un thé et demandai à être placée sur la terrasse. La serveuse m'y conduisit avec le sourire, et je m'installai à une table près de la sortie, d'où je pouvais admirer une majestueuse fontaine en forme de cygne. Le cadre était idyllique, parfait, sauf pour la parade incessante des couples autour de moi. Je les observais, main dans la main, insouciants, avant de me rappeler que nous étions le jour de la Saint-Valentin. Un pincement au cœur me saisit. Si j'étais encore en couple, j'aurais peut-être partagé ce moment, mais cette vision ne faisait que rouvrir une plaie que je tentais tant bien que mal de cicatriser.

C'est alors qu'une notification illumina l'écran de mon téléphone. Une annonce pour un appartement. Quelqu'un cherchait un colocataire, et l'adresse n'était pas loin de chez Sabrina. Sans perdre une seconde, j'appelai le numéro affiché. Une voix grave, probablement celle d'un homme, répondit. La conversation fut brève, mais efficace. Il me proposa de visiter le jour même, ce que j'acceptai, soulagée d'avoir enfin une échappatoire. Après avoir réglé la note, je quittai le salon de thé, un sourire aux lèvres.

Le trajet en taxi me sembla interminable, mais j'arrivai finalement devant l'immeuble. Mon cœur battait la chamade, partagé entre la nervosité et l'excitation. Après avoir remercié le chauffeur, je respirai profondément, chassant mes appréhensions, avant de me diriger vers la porte "306". Avant même que je puisse toquer, un jeune homme ouvrit la porte. Il était grand, mais pas autant que Christian. Son sourire chaleureux me fit fondre.

– Ah, tu dois être là pour l'annonce de colocataire, n'est-ce pas ? dit-il en souriant.

Je hochai timidement la tête, incapable de formuler une réponse.

– Moi c'est Axel, ajouta-t-il. C'est mon pote Jackson qui t'a répondu au téléphone, et pas "nous".

Je fronçai légèrement les sourcils. "Nous" ? Alors, il n'habitait pas seul ?

– Entre, fit-il avec un air amusé. À moins que tu préfères visiter l'appartement depuis l'entrée ?

Je levai les yeux au ciel devant sa plaisanterie, ce qui le fit rire. Je le suivis dans l'appartement, surprise par sa taille et la qualité des meubles. Axel me fit faire le tour du propriétaire, racontant quelques blagues pour alléger l'atmosphère. À la fin de la visite, il sortit des biscuits et du jus pétillant pour me mettre à l'aise.

– En fait, on a fait cette annonce parce que Jackson et moi repartons bientôt dans nos maisons respectives, et on ne voulait pas laisser le propriétaire tout seul, dit-il.

Je le laissai continuer tout en grignotant un biscuit. Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit avec fracas.

– On est là ! lança une voix grave.

Axel se leva d'un bond, le visage illuminé, et s'excusa avant de sortir de la pièce. À l'entente de ces voix, une étrange sensation me traversa. Un mauvais pressentiment. Ils se rapprochaient. Quand Axel revint, il était accompagné de deux hommes.

– Adèle, je te présente Jackson et...

Je me levai d'un bond en pointant du doigt l'un des deux.

– Non, c'est pas vrai... encore toi !


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