L'équilibre Des Failles

Chapitre 1

Adèle :

Je me réveille tôt, mon cœur battant d'excitation à l'idée de quitter enfin mon pays pour retrouver Mike, mon ami de longue date. Trois ans se sont écoulés depuis son départ pour Las Vegas. Trois longues années où la distance semblait n'être qu'un chiffre sur une carte, mais malgré tout, nous avons tenu bon. Comment avons-nous réussi à maintenir notre relation ? Peut-être est-ce cela, l'amour véritable : une persévérance à toute épreuve, un lien invisible qui nous retient l'un à l'autre, peu importe les circonstances. J'ai toujours pensé que j'étais chanceuse de l'avoir.

Aujourd'hui, c'est le jour où je le rejoins. Après trois ans d'attente, je vais enfin m'installer avec lui. Pourtant, malgré l'excitation qui me gagne, un léger malaise m'envahit. Mon père, farouchement opposé à mon départ, avait fini par céder. Non sans amertume, mais il avait cédé. Avait-il vu quelque chose que je refusais de voir ? Je me rassure en me disant que c'est la bonne décision, même si une petite voix en moi émet encore des doutes.

À dix heures quarante, tout est prêt. Mes papiers, ma valise, mon billet. En fermant la porte de la maison familiale, un sourire se dessine sur mes lèvres. La promesse d'une nouvelle vie. Pourtant, une étrange appréhension persiste au creux de mon ventre. Je tente de la chasser. Plus que quelques heures, et je serai dans ses bras.

Le vol semble interminable. Malgré les recommandations des hôtesses, impossible de trouver le sommeil. Mon esprit est en ébullition, jonglant entre excitation et nervosité. Et si tout ne se passait pas comme prévu ? Mais chaque fois que cette pensée émerge, je l'étouffe. Nous avons traversé tant de choses ensemble. Ce n'est pas maintenant que tout pourrait s'effondrer.

Après trois jours de voyage, j'atterris enfin à Las Vegas. L'épuisement me gagne, mais la pensée de retrouver Mike me garde en éveil. Une fois les vérifications à l'aéroport passées, je m'empresse de sortir mon téléphone. Mon cœur s'emballe en composant son numéro. Je scanne la foule, espérant apercevoir son visage familier. Pourtant, après plusieurs sonneries, il ne répond pas. Je fronce les sourcils. C'est étrange, mais il a peut-être eu un contretemps. Les minutes passent, trente longues minutes d'attente, et toujours pas de nouvelles.

Un soupçon d'inquiétude commence à s'infiltrer dans mon esprit. Je tente de le rappeler, les yeux fixés sur chaque visage qui pourrait être le sien, mais toujours rien. Mon estomac se noue, mais je me répète qu'il doit y avoir une explication logique.

Enfin, son téléphone vibre, et il décroche. Soulagée, je me prépare à lui reprocher son retard, un sourire léger aux lèvres.

- Ce n'est pas trop tôt, dis donc. Où es-tu ? dis-je, une légère pointe d'agacement dans la voix.

Un long silence. Puis, sa voix, froide, distante, que je ne reconnais pas, brise enfin le silence.

- Écoute, Adèle, je vais être direct. Je romps avec toi. C'est fini. Ne me téléphone plus.

Les mots me frappent comme une gifle. Mon esprit se brouille. Est-ce que j'ai bien entendu ? Je reste interdite, incapable de comprendre.

- Quoi ? balbutiai-je. Mike, de quoi tu parles ? Je suis littéralement à l'aéroport...

Il soupire, plus fort cette fois, son ton impatient, presque exaspéré.

- Je ne t'aime plus, Adèle. En fait, je ne t'ai jamais aimée. Tu ne servais qu'à m'envoyer de l'argent. J'avais besoin de toi pour payer mon loyer, mais maintenant, c'est terminé. Rentre chez toi.

Je sens mon cœur se serrer douloureusement dans ma poitrine. Mon téléphone glisse de mes mains. Ses mots résonnent encore dans ma tête, chaque syllabe une flèche en plein cœur.

Je reste figée, incapable de réagir. Une larme roule sur ma joue. Mon esprit, lui, refuse d'accepter cette réalité. Comment est-ce possible ? Comment tout cela peut-il être faux ? Rien n'avait laissé présager cela... absolument rien.

Je serre les poings, sentant ma respiration devenir plus lourde, irrégulière. La douleur dans ma poitrine est insupportable, mais aucune larme ne vient. Je me répète ses mots, encore et encore, cherchant à comprendre. Rien n'a de sens. Je veux crier, mais aucun son ne sort. Je veux bouger, mais mes jambes sont paralysées.

L'aéroport semble soudain devenir un endroit étranger. Les gens passent autour de moi, sans me voir. Ils continuent leur vie, tandis que la mienne s'effondre. L'amour peut faire plus mal que n'importe quelle autre douleur. Aujourd'hui, je comprends ce que signifie avoir le cœur brisé. C'est une douleur qui vous écrase, qui vous prive de tout : de vos forces, de votre volonté de croire.

Je m'accroche désespérément à son sourire, ce sourire qui m'avait fait tomber amoureuse de lui. Mais même cette image se dissout, emportée par ses mensonges. Tout était faux.

À cet instant précis, je sais que quelque chose en moi est mort