Chapitre 5

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Christian 

Après avoir encaissé le choc de la rencontre avec cette binoclarde, je me dirige vers ma voiture, fou de rage. Le son de la portière claquant résonne dans le silence, éveillant probablement tout le quartier, et alertant Axel, mon pote, qui arrive aussitôt dans le salon.

— Mec, qu'est-ce qui ne va pas ? On dirait que t'es sur le point d'exploser.

Je serre les poings, tentant de contenir ma colère, mais c'est peine perdue. Il m'agace juste en étant là, à m'observer avec ce regard inquiet.

— Oh, sans blague, comme si je ne le savais pas !

Ma réponse est sèche, coupante. Je m'ébouriffe les cheveux, le souffle saccadé. La tension en moi monte, et l'atmosphère devient presque suffocante. Axel me fixe toujours, ce qui ne fait qu'attiser ma frustration.

— Continue à me regarder comme une super star. Prends une photo, fais-en un poster, je t'en prie.

Mon ton est ironique, presque haineux. Mais lui, au lieu de se laisser toucher par ma colère, sourit. Un sourire malicieux, inhabituel pour lui.

— T'inquiète pas, très cher, j'ai tellement de photos de toi que je pourrais écrire un journal. Ça te dirait que je le publie sur Internet ?

Ses mots, dits avec une légèreté déconcertante, sont comme une étincelle sur un baril de poudre. Ça en est trop pour moi. Sans dire un mot, je me lève brusquement et fonce vers ma chambre, la porte claquant si fort derrière moi que j'ai l'impression qu'elle va s'arracher de ses gonds.

Je m'allonge sur le lit, le visage enfoui dans l'oreiller. Un juron m'échappe. J'ai balancé cet oreiller de l'autre côté de la pièce en un mouvement rageur.

— Bordel, à cause de cette fille, je m'en prends à Axel, qui n'a rien fait...

Mon souffle est lourd, irrégulier. Je ferme les yeux un instant, tentant de reprendre mes esprits. Puis, dans un geste brusque, je me lève, me dirige vers le dressing et enfile d'autres vêtements. Quelques minutes plus tard, je suis de retour dans le salon, croisant mon cousin à l'entrée. Il me sourit, mais je passe à côté de lui sans un mot, claquant encore une fois la porte derrière moi.

Je prends ma bagnole et démarre en trombe. Le Vrombissement du moteur résonne dans ma poitrine, comme pour calmer cette rage bouillonnante. Mais elle ne disparaît pas. Au contraire, plus je roule, plus je m'énerve.

Je conduisais à toute allure quand j'ai failli percuter une autre voiture. J'ai évité la collision de justesse, la peur m'arrachant un sursaut. Un instant, j'ai cru voir Adèle, la binoclarde, en larmes derrière le volant. Je me secoue la tête. C'est n'importe quoi. Pourquoi devrais-je m'en soucier ?

Mais... Quelque chose en moi vacille. Et je ne peux m'empêcher de la suivre, comme si une force invisible m'y poussait. Sa voiture finit par s'arrêter près d'un parc. Il fait déjà nuit. Je la vois sortir, claquer la portière, puis s'asseoir sur un banc. Ses mains couvrent son visage, et même à distance, je peux distinguer les perles de larmes qui roulent sur ses joues.

Mon cœur, contre toute attente, se serre. Je la déteste, non ? Alors pourquoi est-ce que je ressens... ça ? Je m'approche à pas feutrés, sur le point de dire quelque chose, quand son téléphone retentit. Elle répond rapidement après avoir regardé le nom affiché.

— Hey, salut frangin, alors quoi de neuf ?

Sa voix, brisée quelques instants plus tôt, semble soudain plus légère.

Adèle 

Je gare ma voiture près du parc, des larmes brouillant ma vue. Mon cœur est en miettes. Le bruit des grillons emplit l'air, contrastant avec le tumulte de mes pensées. Je m'assois sur un banc, les larmes me submergeant à nouveau. C'est alors que mon téléphone vibre. Je jette un œil à l'écran : Léon. Mon grand frère. Une vague de culpabilité m'envahit ; depuis mon arrivée ici, je n'ai même pas pris la peine de donner de mes nouvelles.

Je souffle, m'essuie les joues d'un geste vif, et décroche, tentant de cacher mes sanglots.

— Hey, Salut frangin. Alors quoi de neuf ?

— C'est plutôt à moi de te poser la question, non ? Ce n'est pas moi qui suis à l'autre bout du monde !

Son rire est contagieux, et malgré la tristesse qui m'envahit, un sourire finit par se dessiner sur mes lèvres.

— Rien de nouveau... à part que Mike m'a lâchement larguée.

Mon ton se veut calme, mais la douleur affleure. Un silence tombe de l'autre côté de la ligne, avant que Léon ne commence à jurer.

— Ce mec est un Crétin ! Non, attends que je le dise aux parents...

— Non ! Ne leur dis pas, s'il te plaît. Je veux d'abord... me venger.

Un soupir lui échappe. Il sait à quel point je suis têtue. Et même s'il le disait aux parents, ils ne pourraient pas me forcer à revenir. Pas tant que ma haine pour Mike ne serait pas satisfaite.

— Bon... Fais ce que tu veux, Adèle. Mais j'espère que tu trouveras un moyen de te venger... Et de tourner la page.

Ses mots résonnent en moi, me réchauffant un peu le cœur. Nous continuons à parler pendant quelques minutes, des banalités qui parviennent à me faire rire, à me rappeler que je ne suis pas complètement seule.

Je me lève du banc, prenant une grande inspiration. Autour de moi, des couples et des familles commencent à affluer dans le parc, perturbant la tranquillité de l'endroit. Je décide de retourner à ma voiture. En arrivant près de celle-ci, mon cœur manque un battement. Un homme est adossé contre ma portière.

Je reconnais son visage.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il sourit doucement.

— Tu n'es pas contente de me revoir ?

Je tente de l'ignorer, mais il attrape ma main avant que je n'atteigne la portière.

— Lâche-moi.

Mon regard est froid, sec. Mais quelque chose dans son expression m'arrête. Ses yeux reflètent une gravité inhabituelle.

— Je t'ai vue dans le parc. Et... je crois que tu mérites mieux que ce que tu vis en ce moment.

Je retire ma main, mais au lieu de partir, je reste figée. Il continue :

— Je sais que tu cherches à te venger de ton ex. Et je peux t'aider.

Ses mots me prennent de court. Mon cœur bat plus vite.

— Pourquoi tu ferais ça ?

— Peut-être que je veux juste te montrer que je ne suis pas seulement le harceleur que tu crois. Je sais ce que ça fait d'être trahi. Et crois-moi, je sais comment rendre les coups.

Il fait demi-tour et disparaît dans la foule du parc, me laissant là, troublée, avec une question brûlante sur les lèvres : Devrais-je lui faire confiance ?

L'équilibre Des Failles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant