Chapitre 12

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Adèle:

À peine Christian avait-il franchi la porte que je m'effondrai sur le lit, me fichant bien de froisser les draps parfaitement tirés. Un long soupir d'exaspération s'échappa de ma bouche, et sans pouvoir me contenir, je hurlai dans un des coussins à ma droite. La scène de tout à l'heure repassait en boucle dans ma tête. Moi, Adèle Stélian, embrassée par Christian Burtel, mon pire ennemi, l'imbécile qui m'avait fait vivre l'enfer durant mes années de lycée, et j'avais répondu à ce baiser... Comme si cela n'était pas déjà assez humiliant, j'y avais pris goût, goût à ces lèvres douces, à cette proximité. « Qu'est-ce qui m'a pris ? » m'écriai-je intérieurement, totalement déconcertée. Comment avais-je pu me laisser aller de cette manière avec... lui ?

Je continuai de ruminer en me retournant, fixant le plafond beige sans vraiment le voir. Mon esprit, lui, se noyait dans un tourbillon de confusion et de frustration. Pour tenter de chasser ces pensées obsédantes, je me levai d'un bond et fis un tour complet sur moi-même. J'observais cette chambre que je n'avais pas encore pris le temps d'apprécier. Cosy, certes, mais définitivement trop intime pour que je m'y attache. Non, il était hors de question que je m'installe ici pour de bon. Je devais partir, et vite.

Je m'approchai de la fenêtre, tentant de me distraire avec la vue splendide qui s'étendait devant moi. Les lumières de la ville scintillaient jusqu'à la mer, et un coucher de soleil magnifique baignait tout dans une teinte orangée presque irréelle. Un paysage à couper le souffle, certes, mais incapable d'étouffer le grondement de mon estomac qui se manifesta soudainement, me ramenant brutalement à la réalité. Bien sûr, je n'avais rien mangé depuis ma rencontre avec Mike, et mon corps commençait à me le faire payer.

Je traînai des pieds jusqu'à la porte de la salle de bain. En l'ouvrant, je fus agréablement surprise par l'élégance des lieux. Carrelages blancs, accents verts forêt, une baignoire qui semblait tout droit sortie d'un magazine. C'était... trop, pour un simple séjour temporaire. Des produits de beauté étaient déjà là, alignés avec une minutie presque inquiétante. « Pourquoi tout est si... prêt ici ? », me demandai-je, mal à l'aise. J'avais l'impression que tout cela était trop bien orchestré. Après un moment de réflexion, je refermai la porte.

Je pris une rapide douche, espérant que l'eau chaude laverait non seulement la saleté, mais aussi ce poids étrange qui me pesait. Une fois en jogging bleu nuit et t-shirt ample, les cheveux en queue de cheval, je me résolus à sortir de la chambre. Affronter Christian m'horrifiait, mais mon estomac ne me laissait pas le choix.

J'avançai prudemment dans le couloir, à l'affût du moindre bruit. Pas question de me retrouver face à lui dans un couloir étroit. Au bout d'un moment, j'arrivai dans le salon, où la télévision diffusait une émission quelconque. Pourtant, pas une âme en vue. Mais des bruits, plus intenses, venaient de la cuisine. Je m'avançai silencieusement, retenant mon souffle, jusqu'à apercevoir trois silhouettes familières. Axel, Jackson, et... Christian, tous attablés. Je m'arrêtai net. L'idée de faire irruption dans leur dîner me paralysa.

Je fis demi-tour discrètement, prête à rebrousser chemin jusqu'à ma chambre, mais mon estomac décida de trahir mes intentions en laissant échapper un gargouillement sonore. Je retins un cri de frustration. Trop tard. Le silence s'abattit sur la salle à manger. Avant que je puisse fuir, la porte s'ouvrit en grand, et je me retrouvai face à Axel et Jackson, qui me fixaient comme s'ils venaient de voir un fantôme. Quant à Christian, fidèle à lui-même, il ne me gratifia même pas d'un regard, continuant de manger comme si ma présence ne le concernait pas.

Axel fut le premier à briser le silence, légèrement hésitant :


— Tu es... de retour ?

Jackson, lui, se redressa brusquement, toujours aussi surpris :


— Depuis quand es-tu là ?

Je n'eus même pas le temps de répondre que la voix tranquille de Christian s'éleva depuis la salle à manger, nous coupant tous.


— Laissez-la tranquille. Vous ne voyez pas qu'elle meurt de faim ? Dit-il, calmement, sans daigner nous accorder un seul regard.

Jackson sembla vouloir répliquer, mais se ravisa, préférant bougonner en silence. Axel, quant à lui, sembla gêné de m'avoir accablée de questions, et il m'offrit un sourire d'excuse.


— Désolé pour ça. Viens, rejoins-nous, ajouta-t-il en ouvrant la porte plus grandement pour me laisser passer.

Je le suivis timidement, mes yeux fixés sur Christian, toujours imperturbable, mais je me sentais scrutée, jugée, et cela m'agaçait plus que de raison. Je pris place à l'autre bout de la table, aussi loin que possible de lui. La table débordait de nourriture. J'avais faim, mais le commentaire désobligeant de Christian ne tarda pas à couper court à mon appétit :


— Attention, miss. Tu vas avaler des mouches avec ta bouche grande ouverte, lança-t-il avec ce rictus moqueur qui me donnait envie de lui coller mon assiette en pleine figure.

Il savourait ce moment. Mais je refusai de lui offrir la satisfaction de répliquer, bien que mon regard noir en disait long sur ce que je pensais de lui à cet instant.

— Bien, fit-il en levant son verre. Bon appétit à tous.

Son ton était calme, presque chaleureux, mais son regard malicieux me mettait mal à l'aise. Ce repas s'annonçait bien plus désagréable que prévu, et l'idée de passer encore un instant ici, dans cette tension palpable, ne faisait qu'accentuer mon malaise.

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