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J'étais pris au piège. Coincé entre le draps taché de sang et Felix, l'homme dont j'étais fou amoureux. Un peu tendu, j'avais essayé de lui sourire mais il ne l'entendait pas comme ça. De longues secondes après avoir compris d'où ce sang provenait, il s'était mis à paniquer. Je n'aimai pa s

- Putain- Changbin tu saignes ! S'écria-t-il avant de prendre son draps pour mieux regarder. Faut qu'on aille à l'hôpital, c'est pas normal !

- Non non, t'en fais pas... J'avais simplement répondu avant d'aller m'allonger sur son lit, haletant de fatigue. Tu peux m'apporter de l'eau s'il te plaît... J'avais soupiré en fermant les yeux.

Felix s'était exécuté très rapidement puis étais venu s'allonger à mes côtés, caressant doucement mon épiderme encore bouillant par mes efforts physiques.

- Désolé... j'avais marmonné en finissant ma gorgée.

- Il faut qu'on aille voir un médecin, Changbin... Je t'assure, c'est dangereux de cracher du sang.

- Je sais Lix... Mais c'est pas la première fois, j'avouais avant de déglutir lourdement.

Ses caresses s'étaient soudainement stoppées, il s'était redressé pour le regarder droit dans les yeux.

- Tu as vu un médecin au moins ?

- Oui.

- Il t'a dit quoi ? C'est grave ?

Je l'avais regardé dans les yeux avant de déglutir à nouveau, l'angoisse de lui parler semblait  assécher ma gorge, puis j'avais fini par soupirer, il était temps. À mon tour, je m'étais redressé, j'avais reposé la bouteille d'eau à mes pieds puis j'avais passé ma main sur mon front luisant de sueur.

- Un peu. Ma réponse était trop brève, c'était pas assez pour Felix, trop vague, je le remarquai bien vite avec son regard perdu. Beaucoup. Oui. C'est grave.

C'était nul, mais je n'arrivais pas à faire plus clair. Ses yeux écarquillés, son visage marqué par la surprise et l'inquiétude m'avait empêché d'ajouter quelque chose d'autre que :

- Désolé.

- Attends attends... Reprit Felix en me regardant dans les yeux, visiblement déstabilisé. Comment ça c'est grave ? Grave comment ? Tu vas devoir aller à l'hôpital ?

J'avais simplement baissé la tête.

- Réponds moi putain !

- Je vais crever Lix. C'est tout, y a rien d'autre à comprendre.

La bouche bée, il me regarda avec effroi. Peut-être ne voulait-il pas y croire, c'était trop soudain, trop horrible. C'était dit trop violemment mais c'était dit. J'avais le coeur brisé de le voir si mal.

- Désolé, j'avais répété comme si je n'étais qu'un vieux disque.

- T'es désolé ?! S'ecria-t-il en se levant pour s'éloigner de moi alors que je continuais à fixer le sol, honteux. Comment ça tu vas crever- Depuis quand tu sais ?! Réponds-moi !

- Je suis revenu à cause de ça.

Cette simple phrase eut comme l'effet d'une bombe dans le cerveau et le cœur de Felix. Tout prenait sens, il se haïssait de ne rien avoir vu avant.

- Putain- Il s'était mordu violemment la lèvre avant de reprendre son short de bain pour se couvrir un minimum.

Il avait entrepris de faire cent pas dans sa chambre sans rien ajouter. La fenêtre toujours ouverte me laissait respirer un air frais, je me sentais déjà un peu mieux, du moins physiquement.

Lorsque j'avais relevé la tête, j'avais pu apercevoir Felix accoudé au rebord de la fenêtre, les mains sur son visage.

Est-ce qu'il pleurait ? Est-ce qu'il était triste ? Ou peut-être simplement fatigué ? Il était autour de trois heures du matin alors forcément, on était épuisé.

Je m'étais levé pour le rejoindre puis je m'étais accoudé à mon tour pour admirer la vue, bien qu'on y voyait pratiquement rien.

- J'ai essayé de t'en parler, un million de fois déjà je pense.

Un reniflement bruyant me fit comprendre qu'il pleurait. Ça me donna envie de pleurer à mon tour.

- J'y arrivais pas, j'ajoutais sans détourner ma tête du paysage caché. J'y arrivais pas et pourtant je pensais qu'à toi. Je pense qu'à toi, tout le temps. Sans arrêt. Tu me plais Lix, j'crois que je t'aime. Je suis sûr même. Je t'aime.

Lix avait finalement baissé ses mains après avoir tenté un rapide nettoyage de son visage toujours humide. À son tour, il s'était mis à fixer l'horizon.

- Moi aussi... Il avait ajouté d'une voix basse.

- Je suis dingue de toi Lix. Je te le dis parce que c'est sincère et que je ne veux pas mourir sans que tu ne le saches.

- Ne dis pas ça. Tu vas t'en sortir, tu vas te soigner, je serais là.

L'once d'espoir qui le traversait me faisait mal. J'étais condamné, aucune chance, rien, nada. Me soigner ne servirait à rien d'autre que m'achever dans des conditions qui m'effrayaient plus que toutes les douleurs possibles.

- Je ne peux pas me soigner, du moins ça serait vain.

- Non ! s'était il écrié en tournant la tête pour me regarder. Non ça ne sert pas à rien, tu vas le faire, tu vas guérir et on sera très heureux pour l'éternité putain de merde !

À mon tour, je l'avais regardé avant de sourire doucement. Il était beau.

- J'aimerais tellement...

- Tu vas te soigner, reprit-il.

- Non. Si je me soigne, je mourrais de mes traitements. Je ne veux pas passer mes derniers mois accroché à des centaines de sondes, dans un coma artificiel ou à faire des chimiothérapies plus douloureuses les une que les autres. Je ne veux pas. Ce que je veux, c'est profiter de mes derniers instants, être toi, ma famille, marcher sur la plage, dormir, manger, rire, vivre une dernière fois. Tu comprends ça ?

- Mais... Tu ne vas pas... Ses yeux brillaient, j'aurais aimé que ce soit de joie mais ce soir, c'était à cause des larmes. Tu ne vas pas m'abandonner... Je t'aime moi.. Tu-tu ne peux pas...

Il tenta d'étouffer un sanglot puis je m'étais approché de lui pour le prendre dans mes bras sans rien ajouter de plus. À mon tour, j'avais laissé quelques larmes couler sans un bruit le long de mes joues doucement rougies par la chaleur et mon visage s'était enfoui dans son cou.

Lui parler avait été encore plus douloureux que la maladie. Plus les jours passaient, plus je la redoutais, je ne voulais plus être loin de Felix. Je haïssais le monde d'être si injuste.

REGARDE MOI. changlixWhere stories live. Discover now