Changbin était mort.
À peine quelques jours endormi et il en avait profité pour s'échapper de cette terre, loin de sa famille, loin de moi.
Si j'avais eu le courage, j'aurais probablement essayé de le rejoindre mais voilà ce que j'étais. Qu'un putain de faiblard bon qu'à chialer jusqu'à n'en plus respirer.
Changbin était mort.
Putain. Mort. Ça me semblait presque irréel. Pourtant il m'avait bien préparé. Chaque fois qu'on évoquait une once d'avenir il me faisait clairement comprendre que c'était foutu, qu'il fallait déjà que je pense à m'inscrire sur des sites de rencontres.
Qu'est-ce que j'en avais à foutre des autres, pourquoi je voudrais rencontrer quelqu'un d'autre. C'était toi, depuis le début c'est toi.
À croire que l'univers me haïssait. Honnêtement ça ne m'étonnerait pas, ma vie ne ressemblait qu'à une succession de déception et de malheurs.
- T'étais où ? avait soupiré ma grand mère en allant s'assoir sur un fauteuil face à la télévision.
Le regard perdu sur la fenêtre à admirer le beau temps, j'avais simplement levé les épaules avant de lui répondre vaguement.
- Marcher sur la plage.
- Va voir les voisins et apporte leur de quoi manger. Ça leur fera du bien.
- Je doute que les voisins aient envie de voir qui que ce soit.
- Ne fais pas l'enfant. Apporte-leur ce qu'il y a sur le plan de travail dans la cuisine. Allez, dépêche toi.
Après tout, ça me donnera une bonne excuse pour simplement dire bonjour, ça va, non bien sûr, moi non plus, à bientôt, pour finalement continuer à répéter ça pendant les dix prochaines années.
Comme prévu, la maman de Changbin m'avait ouvert, les yeux explosés par les larmes et les mains tremblantes par le chagrin, habillée aussi sombre que lors de l'enterrement quatre jour auparavant. Très généreusement, elle m'avait proposé de venir un petit moment chez eux, que Dongsun avait besoin de souffler un peu et que son mari était parti faire quelques courses alors elle était seule.
Soucieux de la rendre encore plus triste en refusant, je m'étais attelé à ranger toute la nourriture que j'avais apporté dans leur frigo et placard tandis qu'elle me regardait faire en me parlant de Changbin.
L'entendre parler de mon petit ami me faisait mal au coeur mais bizarrement, il ne semblait pas si mort. C'était comme si il était reparti à la ville pour très longtemps. Cette douce illusion qui me fit du bien le temps d'un instant lorsque le sanglot arraché de sa gorge me fit comme un brutal retour à la réalité.
Elle prit un mouchoir qu'elle passa rageusement sous ses yeux avant de se moucher sans gêne dedans, aussi bruyante que possible.
Je n'osais pas lui parler, parce que je comprenais à peu près ce qu'elle ressentait et que je n'avais aucune envie qu'on me balance des conneries sur la vie et la mort.
Non j'en avais rien à foutre de savoir qu'il était peut-être dans un plus bel endroit, j'en avais rien à foutre qu'il était peut-être mal ici, j'en avais rien à foutre que l'oncle de sa sœur qui est la cousine de son neveu avait eu la même maladie et qu'il en était mort, j'en avais rien à foutre de tout et tout le monde.
Lorsque sa mère me proposa une cigarette que je pris sans ajouter quoi que ce soit pour la fumer d'une main tremblante dans la cuisine, je sentis à mon tour les larmes gagner ma gorge, c'était douloureux, comme un collier de barbelé.
- Changbin n'était pas un fan de la cigarette, sourit sa mère.
- Il n'est pas là, j'avais simplement répondu le regard dans le vide avant de cracher la fumée.
Il n'est plus là.
Je n'avais plus envie d'être là, de voir cette maison, ces gens, tout ça était encore trop frais, trop rattaché à Changbin. Ça ne faisait qu'une semaine. Sept petits jours. J'avais besoin de souffler, cinq minutes seulement. Faire comme ci je ne l'avais jamais rencontré, que tout allait bien.
Avant de rencontrer Changbin, étais-je plus ou moins malheureux qu'aujourd'hui ? Question difficile.
Je n'en savais rien. Je ne voulais même pas savoir. Je ne voulais pas regretter notre rencontre, notre premier baisers, notre première fois, nos premiers doutes. Je ne voulais pas regretter cet amour si pur et si doux qui s'était lentement forgé entre nous avant de s'installer dans nos cœurs paisibles. Je ne voulais pas regretter ces sourires, ces accolades, ces blagues, ces soirées passées à discuter sur le banc face à la mer.
Changbin m'avait prouvé que je pouvais être heureux, que j'en étais capable, et maintenant qu'il s'en était assuré, il était reparti aussi brusquement qu'il était arrivé.
Changbin était mort. Mort.
- Il est mort, murmura sa mere qui semblait lire dans mes pensées.
En relevant le regard vers elle, je vis son visage inondé de larmes mais elle semblait bien trop silencieuse. Presque comme si elle ne voulait pas déranger son fils chéri durant son sommeil.
Mais il était mort. Il ne se réveillera plus. Plus jamais je ne verrais son visage pâle, ses yeux encore endormis qu'il frottait pour les obliger à s'ouvrir. Plus jamais je n'entendrais cette voix rauque matinale qui sifflait un faible « bonjour ». Plus jamais je l'entendrais me murmurer « bonne nuit » après un baiser langoureux au lit.
Plus jamais il n'y aura de Changbin. Plus jamais.
- J'ai à peine eu le temps de digérer la nouvelle qu'il est déjà parti...
Sa voix cassée par les sanglots me fit mal à la tête. J'avais déjà trop mal au coeur, entendre cette mère pleurer son fils six pieds sous terre me donna envie d'hurler sur le monde entier.
Sur ce monde si injuste, ce monde qui semblait vouloir me punir de bonheur, ce monde si laid, si méchant, si moche, si détestable.
- Mon fils... Mon fils, mon bébé...
Rattrapée par le chagrin, elle finit par abandonner et me fit dos pour aller s'assoir et cacher son mince visage entre ses mains.
Je l'avais regardé de longues secondes avant de m'enfuir, trop faible pour continuer à rester muet alors que je mourrais d'envie de le rejoindre.
Changbin était mort, et je n'allais pas tarder à le rejoindre.

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REGARDE MOI. changlix
FanfictionÀ 20 ans, Changbin apprend qu'il va mourir. Il n'est pas vraiment choqué, plutôt déçu car de toute sa vie, il n'a connu que l'école et l'angoisse des examens. Rien d'autre. Pas d'amour, pas de joie ou de tristesse. Il se lance donc dans une quête no...