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Ma grand-mère me regardait finir mon sac de voyage, assise sur mon lit, l'air désespérée.

- Mais tu es sûr de vouloir partir si longtemps ? Les Etats-Unis... C'est dangereux là bas... Reste encore un peu mon Loulou, on trouvera une solution...

- C'est gentil grand-mère mais j'ai payé mon billet, j'ai été embauché dans un café à San Francisco alors autant y aller.

- Et où vas-tu loger hm ? Pas dans la rue quand même !

- J'en ai parlé au patron il a un logement qu'il prête à ses employés étrangers le temps de trouver un endroit où dormir.

- Mais comment tu peux lui faire confiance !

- J'en sais rien grand-mère, tout ce que je sais c'est que je vais rester là-bas quelques mois. Après, on verra.

Elle baissa les épaules en soupirant, j'avais gagné à nouveau ce combat.

- Ça va faire plus de deux mois maintenant... Depuis que le voisin est décédé, je ne te reconnais plus... Tu avais l'air d'aller mieux pourtant...

- Oui eh bah il est mort et moi pas.

Son regard divagua avant de se perdre dans le vide.

D'un côté ça me rassurait de savoir qu'elle était triste que je parte. Au moins, elle ne me considérait pas comme une nuisance. Ça me faisait chaud au coeur, au moins j'avais encore ma grand-mère.

En voyant le regard de ma mère lorsqu'elle marcha devant ma porte, j'avais compris que je faisais bien de partir.

Cela faisait deux mois maintenant qu'ils s'étaient installés ici et bien que j'avais attendu qu'ils se cassent pour à nouveau respirer correctement, ils avaient annoncé qu'ils restaient le temps de se trouver une maison, à Seoul. Nouveau boulot pour les darons, dans le pays natal.

J'étais dégoûté. Les milliers de kilomètres qui nous séparaient étaient désormais réduits à quelques centaines de kilomètres, c'était trop proche. J'avais besoin de m'éloigner. De ne plus les voir.

- Tu m'appelleras, hm ? reprit ma grand-mère avant de me sourire.

- Bien sûr grand-mère, j'essayerais de t'appeler autant que possible.

- Tous les jours ?

- Avec le décalage horaire, le travail, l'adaptation, je vais avoir du mal au début. Mais je vais essayer, je te le promets.

Elle m'avait souri avant d'acquiescer et de se lever pour sortir de ma chambre.

Et voilà. J'étais prêt. Il ne me restait qu'à aller voir les Seo. À part Dongsun et Junghyeong, je n'avais plus recroisé un Seo depuis deux mois. J'étais un peu sceptique à l'idée d'y aller mais je l'avais promis à Dongsun. C'était elle qui m'avait aidé à trouver un emploi et un billet d'avion pas trop cher. Je lui devais bien un au revoir.

- Oh... Felix ? avait souri la chère mère de mon ex petit ami. Ça fait plaisir de te voir, comment vas-tu ?

- Bien je vous remercie... Est-ce que Dongsun est là ?

- Oui, entre je t'en prie !

J'avais timidement laissé mes chaussures à l'entrée tandis qu'elle était allée m'assoir sur le canapé aux côtés de son mari. Peu de temps après, Junghyeong suivit de sa maman était apparue, tout sourire.

Nous étions tous les quatre en train de boire un thé tandis que Dongsun tentait désespérément d'empêcher son fils de boire le thé trop chaud qui allait le brûler.

- Je voulais vous remercier... Pour votre aide, et votre gentillesses. Pour Changbin et moi. Je sais que le savoir soutenu et aimé lui a fait beaucoup de bien.

- Changbin est mort heureux, reprit son père. C'est tout ce qui compte pour nous.

En voyant sa mère baisser le regard en passant son poignet sous ses yeux, j'ai cru que j'allais fondre en larmes à mon tour. Mais j'ai tenu, je ne savais même pas pourquoi, sûrement parce que j'avais honte.

- Nous aussi on te remercie, Changbin a eu les plus beaux mois de sa vie à tes côtés. Je le sais, il arrêtait pas de me dire à quel point t'étais génial, pouffa Dongsun.

- C'est vrai qu'il était génial, j'avais soufflé en sentant ma gorge se serrer. Est-ce que... Est-ce que ça vous dérangerait, si je passais un petit moment dans sa chambre ? Juste une dernière fois.

- Bien sûr, vas-y, m'avait autorisé son père.

Assis sur le lit désormais glacial aux côtés de la mère de l'amour de ma vie, nous étions tous les deux comme deux betas, à contempler une chambre froide, sans vie.

- Je regrette d'avoir rangé sa chambre le jour où il est parti à l'hôpital, m'avoua-t-elle dans une voix cassée par l'émotion.

J'avais tourné les yeux pour la regarder. Je voyais ses yeux humides mais elle ne sourcillait pas. Elle restait droite, digne, fière de son garçon.

- Aujourd'hui.. Je me dis que je pourrais retrouver son odeur. Ses cheveux. Une trace de doigt.

J'avais doucement acquiescé. La chambre sentait le neuf, le froid, le vide. C'était déprimant au possible, mais je ne savais pas si ça aurait mieux de la laisser en état.

- J'étais persuadée qu'il reviendrait. Que c'était une mauvaise passe, comme la première fois. Je voulais qu'il soit content de retrouver sa chambre propre. Mais il n'est jamais rentré. Et maintenant je regrette.

Elle ne s'était pas éternisée dans la chambre, sûrement trop de mauvais souvenir.

Désormais seul dans cette pièce, j'avais pu m'allonger sur le lit propre. Ça me faisait du bien, savoir que Changbin était posé ici il n'y a pas si longtemps, c'était comme si on était un peu plus proche.

Changbin me manquait. Terriblement. L'idée de le rejoindre me trottait dans la tête un peu plus chaque jour et si je ne voulais pas craquer je devais impérativement quitter le pays. Au moins quelques temps.

Peu de temps plus tard, je m'étais finalement relevé. J'avais fait quelques pas jusqu'à son bureau, un petit sourire s'était dessiné lorsque j'avais vu sur un post-it « Felix ». C'était mignon.

Pourquoi y avait-il écrit Felix ?

J'avais froncé les sourcils et j'avais commencé à feuilleter les post-it. Il y avait écrit mon prénom à plusieurs endroits. C'était étrange.

Je m'étais mis à farfouiller dessus avant d'ouvrir le premier tiroir. Il y avait un autre post-it avec mon prénom dessus, sur un bout de papier plié négligemment en deux. Putain de merde. Discrètement, j'avais pris le papier et l'avait plié à nouveau avant de le cacher dans la poche arrière de mon jean.

Avant de partir définitivement de la maison, je les avais salué à nouveau.

Ils vont me manquer.

REGARDE MOI. changlixWhere stories live. Discover now