La sœur de Mlle Wera Krijanowski, Mlle Lubow Krijanowski, nous raconte le fait suivant, qui lui est arrivé, et qui se rapporte à la question si débattue de l'âme des animaux.
Il s'agit d'un petit chien, qui était notre favori à tous. C'est d'ailleurs un peu à cause de cette affection et des gâteries exagérées qui en étaient la conséquence. L'animal tomba malade.
Il souffrait de suffocation et toussait; le médecin vétérinaire qui le soignait estimait que la maladie n'était pas dangereuse. Néanmoins, Wera s'inquiétait beaucoup; elle se levait la nuit
pour lui faire des frictions et lui donner sa
médecine; mais personne ne pensait qu'il pût mourir.
Une nuit, l'état de Bonika ( c'était le nom du
petit chien ) empira tout à coup; nous eûmes de l'appréhension et on résolut que, dès le matin, on aille chez le vétérinaire, car si l'on s'était contenté de le faire appeler, il ne serait pas venu nous voir.
Donc, au matin, Wera et notre mère partirent avec le petit malade, moi je restai et me mis à écrire. J'étais si absorbé que j'oubliai le départ des miens, quand, tout à coup, j'entendis le chien tousser dans la chambre voisine. C'était là que se trouvait sa corbeille ( le petit lit du chien ) et, depuis qu'il était malade, à peine commençait-il à tousser ou à gémir que quelqu'un de nous allait voir ce dont il avait besoin, lui donnait à boire et lui présentait sa
médecine, ou lui ajustait le bandage qu'il portait au cou.
Poussée par l'habitude, je me levai et
m'approchai de la corbeille; en le voyant vide, je me rappelai que maman et Wera étaient parties avec Bonika, et je restais perplexe, car la toux avait été si bruyante et si distincte qu'il fallait rejeter toute idée d'erreur.
J'étais encore pensif devant la corbeille vide, quand, près de moi, se fit entendre un de ces gémissements dont Bonika nous saluait quand nous rentrions; puis un second qui semblait venir de la chambre voisine; enfin, une troisième plainte qui semblait se perdre dans le lointain. J'avoue que je restai saisi et pris d'un
frémissement pénible; puis l'idée me vint que le chien avait expirée. Je regardai la pendule, il était midi moins cinq.
Inquiet et agité, je me mis à la fenêtre et
j'attendis les miens avec impatience. En voyant Wera revenir seule, je courus vers elle et lui dit à brûle-pourpoint : « Bonika est mort. »
« Comment le sais-tu ? » dit-elle, stupéfaite. Avant de répondre, je lui demandai si elle savait à quelle heure précise il avait expiré. « Cinq minutes avant midi », me répondit-elle, et elle me raconta ce qui suit :
Quand elles étaient arrivées chez le vétérinaire, vers onze heures, celui-ci était déjà sorti; mais le domestique pria instamment ces dames de vouloir bien attendre, vu que vers midi son
maître devait rentrer, car c'était l'heure qu'il avait coutume de recevoir. Elles restèrent donc, mais comme le chien se montrait toujours agité, Wera tantôt le posait sur le divan, tantôt le
mettait à terre et consultait le pendule avec
impatience. À sa grande joie, elle venait de
constater qu'il n'y avait plus que quelques
minutes avant midi, lorsque le chien fut repris d'une suffocation. Wera voulut remettre le chien sur le divan; mais comme elle le soulevait, elle vit tout à coup l'animal ainsi que ses mains s'inonder d'une lumière pourpre si intense et si
éclatante que, ne comprenant rien à ce qui
arrivait, elle cria « Au feu !» Maman ne vit rien; mais comme elle tournait le dos à la cheminée, elle pensait que le feu s'était pris dans sa robe, et elle se retourna, effrayée : elle reconnut alors qu'il n'y avait pas de feu dans la cheminée, mais aussitôt après, on constata que le chien venait d'expirer, ce qui fit que maman ne pensa plus à gronder Wera pour son cri intempestif et la peur qu'elle lui avait faite.Article parut dans le volume VIII, p. 45, des
Annales des sciences psychiques, reproduit d'un texte de la Revue Italienne Il Vessillo Spiritista.