Un jour de mars 1978, une dame se réveilla une
nuit et trouva une vieille femme aux cheveux
blancs et habillés d’une longue robe noire
penchée sur le lit de sa petite fille âgée de 4
ans. L’enfant pleurait et quand la mère poussa
un hurlement à l’attention de la vieille femme,
cette dernière se volatilisa. Quand la mère
alluma la lumière, elle vit la petite fille sangloter
avec sa main dans la bouche. Une de ses dents
avait disparu.
Il y a des siècles de cela, certaines sorcières
utilisaient les dents de lait des enfants pour
leurs sortilèges.
Au mois de septembre de cette même année,
toujours à Lincombe Road, le grand-père d’un
jeune homme dont on fêtait les 21 ans, était de
visite chez la famille à cette occasion. Il n’avait
plus qu’une seule dent qui tenait encore à sa
mâchoire, raison pour laquelle on se moquait
volontiers de lui. Le vieil homme, qui se
prénommait Jeffrey, avait un peu trop arrosé
l’événement et s’était retiré dans la chambre
d’ami vers les 3 heures du matin. Son ex-
épouse lui avait maintes fois demandé de faire
arracher cette dent et de porter un dentier,
mais Jeffrey était terrorisé par les dentistes, et
les aiguilles en particulier. Ce soir-là, Jeffrey
était tellement ivre qu’il se laissa choir sur le lit
sans prendre la peine de se déshabiller et il
sombra presque aussitôt dans un sommeil
salvateur.
À peine un quart d’heure plus tard, il fut
réveillé par la sensation d’une main glacée sur
son torse et que des doigts squelettiques et tout
aussi froids tiraient sur son unique dent.
Alors qu’il plissait les yeux dans l’obscurité de la
chambre, il devina la silhouette d’une vieille
femme aux cheveux blancs occupée à tirer sur
sa dent solitaire. Jeffrey tenta de se redresser,
mais la vieille femme semblait dotée d’une force
surhumaine qui maintenait le grand-père cloué
au lit d’une main pendant que l’autre était aux
prises avec la fameuse dent. Jeffrey tenta de
hurler, mais ses cris s’étouffèrent dans les doigts
décharnés de la vieille femme dans sa bouche.
Jeffrey ressentit alors une violente douleur en
même temps qu’il sentait sa dernière dent prête
à se détacher de sa mâchoire. Sous le coup de
la douleur, Joffrey réussit à pousser la vieille
femme qui tomba au pied du lit en poussant un
cri perçant. La vieille souriait dans une
abominable grimace, révélant au passage qu’elle
aussi n’avait qu’une seule dent à la mâchoire.
Jeffrey cracha au visage de la mégère et il
remarqua alors que sa salive était en grande
partie du sang. Quelques instants plus tard, la
porte de la chambre s’ouvrit en trombe et
Jeffrey vit y entrer son fils et son neveu.
Ils allumèrent la lumière et virent Jeffrey
trébucher de son lit, du sang coulant de sa
bouche. Le grand-père leur raconta l’histoire
confuse d’une vieille femme qui lui aurait
arraché sa seule et unique dent, mais le fils de
Jeffrey vit que la dent en question était toujours
à sa place, bien que menaçant de tomber à tout
moment. Puis Jeffrey se gargarisa, prit une
aspirine et s’envoya deux verres de whiskey
d’une traite pour enrayer la douleur de sa dent
disloquée. Il finit par rire de ‘‘l’étrange
cauchemar’’ qu’il venait de faire et, une heure
plus tard, le grand-père avait rejoint la chambre
d’ami où il s’endormit aussitôt grâce aux effets
mélangés du whiskey et de l’aspirine.
Vers 5h15 du matin, la sorcière était de retour.
Jeffrey ressentit une nouvelle fois la familière
sensation d’une main froide sur sa poitrine qui
le plaquait contre le matelas pendant que le
pouce de l’autre main faisait pression sur sa
dent qui, cette fois, fut totalement arrachée. Le
grand-père hurla de douleur. Même l’aspirine et
le whiskey ne pouvaient anesthésier la douleur
virulente d’une extraction aussi brutale.
L’effrayante vieille femme se révéla
curieusement agile pour son âge canonique
puisqu’en l’espace d’un battement de cils elle
disparut dans la pénombre de la chambre, mais
Jeffrey pouvait encore entendre son ricanement
sinistre tout près de lui. Il poussa un hurlement
à s’en déchirer les cordes vocales, si bien qu’il
était maintenant complètement aphone.
Quelques secondes s’écoulèrent avant que
Kerry, la petite-fille de Jeffrey, âgée de 18 ans,
n’entra précipitamment dans la chambre et
alluma la lumière. Le grand-père, dressé sur
son lit et se tenant le visage dans les mains,
essaya d’expliquer à sa petite-fille ce qui venait
de se produire, mais, pour une raison étrange,
Kerry tremblait de tout son corps et tira
énergiquement Jeffrey par le bras pour le faire
sortir de la chambre. Les autres membres de la
famille arrivèrent au moment où Kerry était en
train de refermer la porte de la chambre d’ami
avec empressement. Quand tout le monde
arriva à sa hauteur, elle leur dit :
« Elle est toujours là, je l’ai vue !! »
Le père de Kerry la dévisagea d’un air narquois
et voulut ouvrir la porte, mais sa fille l’arrêta
dans son élan :
« Non papa ! Ne fait pas ça, elle est horrible !!! »
Son père – le fils de Jeffrey donc – ne tint pas
compte de l’avertissement de Kerry et ouvrit
tout de même la porte. Il ne trouva aucune «
vieille intruse habillée d’une longue robe noire »
comme le lui avait dit sa fille, mais il régnait une
délicate odeur douceâtre dans la pièce qui resta
perceptible les jours qui suivirent. Kerry leur
expliqua qu’elle s’était ruée dans la chambre
après avoir entendu le hurlement de son grand-
père et qu’elle avait alors vu une étrange vieille
femme toute de noir vêtue, retranchée dans un
coin entre la garde-robe et la bibliothèque.
Kerry ne l’avait pas tout de suite remarquée, se
n’était qu’en aidant son grand-père à sortir de la chambre que son regard avait croisé celui de L’étrange créature. Quand cette dernière avait réalisé que Kerry l’avait vue, elle avait lancé à la jeune femme un regard menaçant qui habiterait ses cauchemars pour des années.
Comme dans l’étude d’autres cas similaires où m’ont conduit mes recherches pour écrire ce texte, la dent de Jeffrey ne fut jamais retrouvée. Soit dit en passant, les témoignages du « Syndrôme de la Vieille Sorcière » viennent régulièrement augmenter le nombre d’incidents dans cette région.
Faites de beaux rêves !