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LÉNAÏC

Après trois semaines en Bretagne, je m'étais installé dans une petite routine.
Je me levais aux aurores tous les matins pour faire un footing jusqu'à une plage où je m'arrêtais pour nager une bonne demi-heure avant de rentrer pour trouver un petit déjeuner de roi préparé par ma grand-mère qui alignait parfaitement à côté de mon bol de café les vitamines et cachets en tout genre que je prenais pour compenser le manque.
Je l'accompagnais ensuite faire ses commissions avant de la laisser en ville le temps de mon rendez-vous chez le psychologue ou le psychiatre en fonction du jour que l'on était. Je rentrais déjeuner et faisais une petite sieste avant mon rendez-vous chez un addictologue trois fois par semaine ou de me promener dans tous les musées, galeries ou centre de divertissement que je trouvais pour m'occuper quelques heures avant de rentrer. Je trouvais mes grands parents, chacun dans leur fauteuil avec une tasse de thé devant des jeux télévisés et je me joignais à eux avant de les aider à préparer le dîner.

C'était après le dîner que le moment le plus difficile venait. J'avais toujours été du soir. Depuis plus de dix ans, je passais la plupart de mes soirées à sortir pour faire la fête. Et à boire.
Mais je ne pouvais plus boire.
Mon cerveau restait occupé toute la journée pour ne pas y penser mais après le téléfilm que je regardais avec mes grands parents, je montais dans la petite chambre au papier peint démodé et me retrouvais seul dans le lit trop petit pour moi.
J'avais toujours détesté être seul et m'étais toujours entouré pour l'éviter.
Mais comme me l'avait dit le psychiatre, c'est cette peur de l'abandon et de la solitude qui m'avaient mené à mes problèmes d'addiction.

J'aurais pu passer quelques heures à discuter avec les garçons, tous ou séparément pour éviter de penser un moment supplémentaire mais ça n'aurait fait que repousser le problème encore une fois.
Et j'en avais marre de toujours tout repousser. Il était même nécessaire que je prenne un peu mes distances avec eux pour travailler sur la montagne de culpabilité que je trimballais à leur égard.
Mais sur le sommet de la montagne ne se trouvaient pas les gars mais mes parents.

Ils avaient eu raison. A trente quatre ans je n'étais plus un gamin et j'étais apte à comprendre les difficultés que rencontraient un couple avant de décider de se séparer.

Je sortis donc de ma routine et des jupons de ma grand mère pour aller tendre un rameau d'olivier à mes parents. Le mardi chez les Morvan, c'était des galettes pour le dîner, j'avais tout de même choisi le soir qui m'arrangeait le plus ! Surtout que Nolwenn était rentrée sur Paris depuis un bail. Elle avait quand même été assez cool pour me laisser sa voiture et repartir en train.

L'ambiance était toujours aussi étrange avec ces cartons partout comportant l'un ou l'autre des prénoms de mes parents.

-Tu veux boire quelque chose mon chéri ? Mamie m'a dit que tu adorais le jus de pomme de la ferme.

J'étais en overdose du jus de pomme mais ma grand mère avait commencé à acheter les bouteilles par six au marché, pensant me faire plaisir donc je n'avais pas le cœur à la décevoir maintenant.

-T'as pas du coca plutôt ?

-Si bien sûr.

On se retrouva tous les trois dans le salon avec un verre de coca pour moi et un jus pour mes parents.
Ce qui me frappa en premier c'est que ce n'était jamais arrivé. Moi, seul avec eux.
Quand j'étais gosse et que Nolwenn allait dormir chez une copine, j'invitais toujours quelqu'un. Puis j'étais parti à Paris et ne revenait qu'avec ma sœur.
C'était bizarre de réaliser ça maintenant.

-Ta sœur aurait aimé rester plus longtemps.

-Elle me l'a dit. Je pense qu'elle va bientôt revenir.

Coup de FoudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant