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LÉNAÏC

J'étais propriétaire d'une maison.
C'était étrange à dire.
Et encore plus étrange en se disant que j'avais acheté la maison de mon enfance.
Un mois après en avoir parlé avec mes parents, et même si la vente ne serait pas signée avant deux autres mois, j'y habitais.

Mon père avait officiellement déménagé dans le petit appartement qu'il louait et ma mère était partie pour quelques semaines chez mes grands parents qui habitaient à l'autre bout de la Bretagne.

Ce n'était pas officiel mais j'étais chez moi.
Nono n'en était pas revenue quand, pensant descendre pour un week-end tranquille, elle c'était retrouvée chez le notaire pour signer l'acte de vente. Cette maison était notre enfance, je ne pouvais pas me l'approprier alors qu'on y était attaché autant l'un que l'autre.

Le rythme de mes séances de psy ayant diminué, j'avais décidé d'attaquer quelques travaux.
J'avais gardé le rythme des footings et balades matinales qui me servaient d'échauffement avant d'arracher du papier peint le reste de la journée.
La première pièce à avoir subit mon nouvel amour pour Valérie Damidot avait été ma chambre.
Je m'étais d'abord trouvé pathétique d'expérimenter la thérapie par la décoration en arrachant le papier peint bleu marine qui couvrait mes murs depuis mes onze ans avant de me sentir réellement libéré après avoir trié la tonne de posters et de photos qui trainaient dans tous les coins. Ne sachant pas trop quoi en faire, je les avais triées puis rassemblées dans un carton qui était rapidement devenu une boîte à souvenirs quand des vieux maillots de foot maintenant trop petits pour moi et tout un tas d'autres bazars s'y était retrouvés. Coincé entre deux vieilles piles de tee-shirt, j'avais même retrouvé un vieux sweat à Juliette qu'elle portait tout le temps au début de notre relation. Je l'avais soigneusement plié et mit dans un coin en attendant je ne sais quoi.

Pour se faire un peu d'argent et parce que je ne me voyais pas garder tous leurs vieux meubles, mes parents avaient organisé un vide maison dans lequel j'avais bazardé tous les meubles de ma chambre.
Depuis une semaine je me disais qu'il fallait que j'aille au moins m'acheter un nouveau lit mais de dormir par terre sur un matelas ne me dérangeait pas tant que cela. Raph avait beaucoup rit quand je lui avais envoyé la photo après que ça m'ait fait penser au jour où il avait dû vendre son lit pour se payer du matos photo.

Je ne m'étais jamais senti aussi bien que tout seul dans cette grande maison.

Un peu narcissiquement, j'avais ré écouté tous les sons que j'avais sorti ce qui m'avait aussi permis de me rendre compte du moment où la passion n'avait plus suffit pour produire de la qualité.
Certains featuring me firent même grincer des dents alors que je me demandais comment j'avais pu penser que c'était bien et comment les garçons avaient pu me laisser sortir ces sons carrément médiocres.

Cette prise de recul n'avait pourtant pas été suffisante pour me persuader de reprendre un stylo et une feuille. Comme un écrivain en panne d'inspiration, j'avais une peur bleue de ne pas être capable d'aligner deux mots potables.

Mais un soir, en zappant pendant les pubs d'un épisode de Faites Entrer l'Accusé, j'étais tombé sur une chaine people qui parlait d'elle. Elle avait fait une interview , et elle avait parlé de moi.
Enfin parler était un grand mot. Le gros titre du "reportage" si l'on pouvait appeler ça comme ça me mit aussi une claque "rupture entre Juliette Blanchard et Mister BN". Elle passait apparemment beaucoup de temps à Londres pour les besoins de l'affaire Alexander Wayne ce qui mettait un peu le reste de sa carrière entre parenthèses. 
Et moi, je semblais avoir eu besoin d'espace pour digérer la nouvelle et m'étais donc envolé pour la Thaïlande pour prendre du recul.
Un petit rire m'avait échappé. La Bretagne était beaucoup moins glamour que la Thaïlande et je ne prenais pas "du recul", j'essayais de me sortir d'une spirale infernale.
Au moins on continuerait de me foutre la paix encore un moment.
Ils pouvaient bien me chercher en Thaïlande, ils n'y trouveraient que Raph et sa nouvelle copine, du moins si on pouvait l'appeler comme ça.

Coup de FoudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant