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JULIETTE

Le retour à Paris me paru d'une violence inouïe.
J'étais à peine descendue du train que Claire m'avait récupéré pour une réunion aux bureaux de Dior. Si ils avaient pensé que je me serais radoucie en les ayant face à moi et que je ne faisais la maligne que parce que Claire me servait d'intermédiaire, ils furent déçus de me voir encore plus déterminée à leur faire mes adieux. C'était dingue de réaliser que des gens que l'on connaissait depuis des années et avec lesquels on pensait avoir de bonnes relations pouvaient se révéler être de vrais dragons dès lors que l'on n'allait plus dans leur sens.

Après près de trois heures de négociations acharnées, j'étais ressortie libre du bâtiment, me sentant mieux que jamais.

En plus, j'avais reçu un sms d'Eugénie disant qu'elle était de passage à la capitale et que si Clem ou moi y étions, on pourrait se boire un verre entre filles. Je n'avais pas perdu de temps pour lui répondre et par le plus grand des hasards Clem n'était plus pendue aux basques de son chanteur et était aussi dispo.

On se retrouva toutes les trois chez moi en fin d'après-midi. Après un long moment de grandes exclamations sur le fait que tout le monde paraissait changé depuis notre dernière réunion, Clem déboucha théâtralement une bouteille de vin.

-Maintenant c'est l'heure des potins ! Je commence parce que j'ai rien à dire. Je dois devenir complètement cinglée parce que je suis de plus en plus amoureuse et que le fait qu'il laisse trainer des chaussettes partout dans mon appartement ne me donne pas envie de l'étriper. Toi Gèn ? Avec ton espagnol ?

-Il est pas du tout espagnol, merci de m'écouter quand je te raconte ma vie sentimentale. Mais tout va très bien, on commence à réfléchir à des moyens de se voir plus souvent.

-Tu veux quitter Madrid ?

-J'ai plusieurs plans pour que ce soit lui qui vienne, j'adore trop cette ville.

-Et pourtant te voilà à Paris.

-Sabrina est de passage,  Andréas aussi donc c'était l'occasion. Et vous deux aussi donc Paris est the place to be cette semaine.

-C'était pile la bonne soirée, je repars demain. Et toi Juju ? Ca fait longtemps qu'on ne m'a pas dit que la Blanchard était dans les parages.

Après avoir bu une gorgée de vin pour tenter de camoufler le rouge qui était monté à mes joues, le regard des filles se braqua sur moi.

-Juliette Blanchard !  Que caches-tu ? Demanda Eugénie.

-Un mec ?

-Juliette t'as un mec ?!

-J'ai rompu mon contrat avec Dior.

La nouvelle les perturba un instant, s'attendant à ce que je leur parle d'un mec, sujet que je gardais pour la fin, repoussant leurs sermons.

-Ah bon ? La semaine dernière encore on me disait que t'avais plusieurs campagnes en attente.

-Une campagne d'affichage pour les magasins alors qu'ils viennent de changer d'égérie pour le parfum. Il y à six mois ils lancent un nouveau parfum avec ma tête dessus pour me mettre au placard à l'annonce du procès.

-Tu sens que ça a joué ?

-Je savais que ça aurait un impact mais Claire n'arrêtait pas de me dire que ce serait plus du côté de l'ultra compassion. Sauf qu'on m'a mise au placard soi-disant pour que je puisse me focaliser sur ma bataille judiciaire mais quand c'est terminé ils me font la charité en me donnant des miettes de boulot.

-Mais ça va repartir Juju, tu seras encore la hit girl de la prochaine Fashion Week.

-J'en ai marre de toutes ces conneries, j'ai 30 ans et toujours l'impression maintenant que j'arrive à la date limite de consommation. On m'a dit ce matin qu'ils voulaient juste un peu de temps pour que les gens oublient le choc des photos diffusées au procès. Sous-entendu que ça faisait tâche sur mon CV. Je me suis sentie responsable à leurs yeux d'avoir été victime alors que j'ai dépassé le stade de la victime impuissante et que maintenant je supporte plus. Je ne veux plus de ça dans ma vie, et ça dépasse Dior, j'ai passé dix ans à me débattre dans ce milieu avec les séquelles de ma relation avec Alexander et je me sens enfin libérée. Je veux passer à autre chose, complètement et le mannequinat est bien trop toxique pour que je puisse, que j'ai envie de m'y épanouir à nouveau. Je sais que maintenant à chaque shooting, chaque défilé, on va chercher les traces sur mon corps, il va y avoir du marketing de fait sur les cicatrices de mon visage qu'on a toujours effacé avant, je ne veux plus être soumise à ce culte du corps, je ne veux plus qu'on me rabâche sans cesse la même chose.

Coup de FoudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant