Dorian a passé la journée dans sa bulle. Il a peu parlé à Clément et n'a pas beaucoup mangé non plus. Il a seulement regardé par la fenêtre le temps superbe qu'il y avait dehors. D'habitude, ce genre de météo le met de bonne humeur et il passe la journée à l'extérieur. Il voudrait prendre un peu l'air. Mais il se voit mal demander au Docteur Perrez de sortir. Depuis qu'il l'a violemment repoussé hier après-midi, Liam n'a pas lâché un mot de trop à chacune de ses visites. Il posait les quelques questions de base et s'en tenait là. Dorian avait la tête embrouillée à cause de la discussion qu'il a entendue deux jours auparavant. Il n'aime pas que les autres s'occupent de lui, le voient comme quelqu'un de faible. Quand les gens apprennent qu'on est malade, leur regard change et se remplit de pitié. Ce docteur est en train de se ruiner la vie en partie pour lui, il sait qu'il n'est pas son seul patient. Je devrais peut-être m'excuser...
Au même moment, Liam rentre dans la chambre. Clément est parti explorer le service comme à son habitude. Ils ne sont donc que tous les deux.
– Demain matin, une infirmière vous fera une prise de sang avant le petit-déjeuner, informe-t-il.
Il s'apprête à repartir. Mais Dorian l'interpelle.
– Docteur Perrez ?
Il se retourne.
– Oui ?
Dorian se pince les lèvres.
– Est-ce que je pourrai sortir ? Demande-t-il, hésitant.
– Je n'abandonnerai pas. Je pensais que vous aviez compris qu'il n'était pas là question de ma volonté, mais de votre corps qui ne vous permet pas d'abandonner les soins.
– Non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire, il essaye de se rattraper. Mais il fait beau et je déteste être enfermé. Juste faire un petit tour.
– Oh.
Liam regarde sa montre. Il n'a actuellement pas de patient à voir et pas d'opération non plus.
– Très bien. Je vais vous aider à vous mettre debout et si vous vous sentez de marcher, on marchera sinon j'irai chercher un fauteuil.
Dorian hoche la tête, heureux de pouvoir enfin respirer de l'air frais. Il retire la couverture et s'assoit au bord de son lit. Liam lui tend ses bras pour qu'il puisse s'y appuyer. II se met sur ses deux jambes mais il ne tient pas vraiment debout.
– Je vais chercher un fauteuil. Je reviens.
Le blond soupire. Son ego vient d'en prendre un coup. À peine deux minutes plus tard, il est assis dans un fauteuil et Liam le pousse hors de la chambre. Ils font une escale au comptoir.
– Vous m'appelez à la moindre urgence, je serai dans le parc.
– Oui Docteur.
Lorsqu'ils arrivent enfin dehors, Dorian a l'impression qu'il n'avait pas respiré depuis un moment. Il ferme les yeux et profite de la chaleur des rayons d'un soleil printanier sur son visage. Le brun marche lentement en le poussant dans les allées du parc de l'hôpital. Ils ne se parlent pas. Le malade sait qu'il doit s'excuser mais il n'arrive pas à se lancer. Par où commencer ? Finalement, il soupire.
– Je suis désolé.
– De ?
Le ton de Liam est calme, presque indifférent. Dorian passe outre et poursuit.
– D'avoir été méchant envers vous. Je sais que je ne suis pas le patient le plus simple et que je ne vous ai pas vraiment facilité la tâche.
– Je peux vous poser une question ?
– Oui.
– Pourquoi être aussi négatif avec moi ? J'ai discuté avec vos anciens médecins et je dois avouer que ce sont de vrais abrutis, mais vous avez dû voir que je n'étais pas pareil.
– Je déteste qu'on se préoccupe de moi, répond-il simplement. J'ai horreur d'être le centre de l'attention. Et puis, j'ai eu tellement de faux espoirs que je n'ai plus confiance en la médecine. Je n'ai aucune raison de me battre. Rien ne me retient dans ce monde de vivants. Je ne veux plus subir les émotions provoquées par les faux espoirs, les médecins qui assurent avoir la réponse à tous les maux de la terre et qui m'annoncent finalement que mon cancer progresse. Je préfère passer le peu de temps qu'il me reste tranquille.
Liam s'arrête et s'accroupit face à son patient.
– Je ne vous donnerai pas de "faux" espoirs, promet le chirurgien. Je vous donne juste de l'espoir. La médecine n'est pas infaillible, je l'admets, mais je sais que je suis capable de trouver comment vous faire gagner du temps voir, et c'est mon objectif, vous sauver. Mais pour ça, il faut que vous me laissiez faire. Je ne vous promettrai rien qui me soit impossible.
– À quoi bon rester en vie ? Je n'ai plus de famille, et très peu de gens sur qui compter.
– Un rêve. Avez-vous un rêve ?
– J'ai toujours voulu ouvrir mon propre café avec un ami, avoue le blond.
– La chose pour laquelle il faut que vous vous battiez c'est ça.. C'est ce rêve. Accrochez-vous pour un jour pouvoir ouvrir ce café avec votre ami.
Les yeux de Dorian se perdent dans ceux du médecin. Il a envie de le croire, il veut ressentir à nouveau cette petite étincelle qu'est l'espoir. Liam baisse les yeux, plutôt gêné. La beauté de Dorian le perturbe pas mal. Liam veut lui montrer qu'il essaye de le comprendre. Il décide donc de mettre de côté les beaux discours et lui de parler de sa propre expérience avec la maladie.
– Ma mère est tombée gravement malade quand j'étais plus jeune. Je me rappellerai toute ma vie de l'ascenseur émotionnel que je vivais tous les jours. Et j'imagine que quand on est le patient c'est pire. Quand j'ai décidé de devenir médecin, je me suis promis que jamais je ne devrais annoncer que je ne peux plus rien faire. Et je ne l'ai jamais fait jusqu'à maintenant. Vous ne serez pas l'exception. Je vous le promets.
– On m'a dit ça tellement de fois.
Liam commence à perdre patience.
– Allez, on remonte.
Le médecin ramène Dorian dans sa chambre en silence. Tandis qu'il pousse le fauteuil, le blond se sent un peu mal. Après ce qu'il vient de lui dire et tout ce que Clément lui a raconté, il pourrait peut-être avoir confiance en ce médecin si sûr de lui.
– Je vous fais confiance.
Le noiraud ne dit rien mais un petit sourire se dessine sur son visage. Il a enfin réussi à convaincre Dorian de sa valeur.
– Mais à une condition.
– Laquelle ?
– Arrêtez de me vouvoyer. Ça me rend plus vieux que je ne le suis et j'ai horreur ça.
– Condition refusée. C'est une marque de politesse obligatoire pour laisser de la distance entre le médecin et son patient.
– Vous ne le faites pas avec Clément.
– Je le connais depuis deux ans et il est plus jeune que moi. Qui plus est, ça fait longtemps que je m'occupe de lui.
– J'ai votre âge. Je ne vous demande pas grand chose, juste ça.
– Si j'accepte, me laisserez-vous vous soigner ? Négocie le médecin
– Oui.
– Marché conclu.
Si c'est la seule condition pour que cet homme se laisse soigner, Liam accepte de faire cet écart. Il aide son patient à se remettre dans son lit et rattache correctement les perfusions. Il sourit et sort de la pièce. Ceci dit, il vient de tilter que Dorian ne devait pas dormir, l'autre soir, lorsqu'il discutait avec Clément. C'est le seul moyen pour qu'il connaisse son âge. Il lève les yeux au ciel.
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When You Saved Me
RomanceDans un hôpital en sous-effectif, un jeune chirurgien, Liam Perrez, qui croule sous le travail, aura un dossier en plus. Un patient, Dorian Klein, ne se montre pas coopératif et ne trouve aucune raison pour survivre et se battre contre son cancer. ...