Liam a passé en revue toutes ses options. Il pourrait essayer de faire une opération pour enlever le plus possible de la tumeur mais ça ne serait qu'une solution temporaire, il ne pourrait pas la retirer entièrement. Ça fait maintenant une semaine que Dorian est hospitalisé et Liam ne cesse de se creuser la tête jours et nuits. Il regarde, regarde encore, analyse, regarde une nouvelle fois les résultats des tests. Hier, il a reçu la prise de sang qu'il lui a fait faire quelques jours auparavant, mais ce n'est pas bon. Les résultats sont très peu encourageant. À part en retirer le plus possible, il ne peut qu'attendre un donneur, la chimiothérapie n'a aucun effet, la radiofréquence est impossible et le foie est trop abîmé pour effectuer une ablation partielle. Il soupire, retire ses lunettes et se pince l'arrête du nez. Son téléphone sonne et un message s'affiche. Son sang ne fait qu'un tour lorsqu'il le lit. Il traverse les couloirs et les services de l'hôpital en courant. Il arrive dans la chambre de Clément à bout de souffle. Il regarde Dorian.
– Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demande-t-il avec empressement.
– Rien de particulier. On rigolait et un d'un coup ça n'allait plus et il disait avoir mal au cœur.
– Allongez-le, commande le médecin. A-t-il décrit la douleur ?
L'infirmière enlève les coussins sous la tête de Clément et allonge le lit. Dorian répond négativement.
À genoux sur le rebord du lit, Liam enlève sa blouse et place ses mains sur le thorax de l'adolescent. Il commence le massage cardiaque en dictant de nombreuses indications à ses collègues.
– Docteur Martin, intubez-le. Vite.
Dorian, derrière, regarde Liam avec admiration mais aussi avec beaucoup d'inquiétude pour Clément. Il y a une importante différence d'âge entre eux, mais pour son âge, l'adolescent est si mature qu'on ne le remarque même pas. Il s'est attaché à lui comme s'il était un petit-frère. Les minutes passent. À tour de rôle, les médecins continuent le massage cardiaque alors qu'une infirmière presse un ballon pour le faire respirer. Il ne réagit pas au défibrillateur non plus. La tension est à son comble.
– Docteur Perrez, ça fait 30 minutes.
Il ne répond pas et continue ce qu'il fait en murmurant, il prie, demande au garçon inconscient de continuer de se battre. Il a combattu la maladie avec toute la volonté du monde, il ne peut pas quitter cette terre maintenant, ce serait trop injuste. Une petite larme commence à perler au coin de son œil.
– Docteur, ça fait trop longtemps, vous ne pourrez pas le ramener. Il ne réagit à rien. C'est fini.
– Aucun de mes patients n'est mort. Il ne sera pas le premier.
À peine sa phrase est-elle finie, le moniteur cesse de sonner et indique que son cœur bat de nouveau.
– Dites-moi encore que je ne peux pas le sauver et je ne veux plus vous voir dans mon service. Est-ce que c'est bien clair ?
Liam descend du lit. Son regard est dur et furieux sur son collègue
– Il doit y avoir un problème avec une des sutures. On l'emmène au bloc, maintenant. Et bipez la cardio en urgence.
Dorian est soulagé. Il s'est vraiment attaché à cette boule d'énergie qu'est Clément. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas autant rigolé. Une larme de soulagement coule sur sa joue. Et maintenant, il est parfaitement sûr de pouvoir mettre entièrement sa vie entre les mains de ce brun affreusement craquant.
Cela fait plusieurs heures que personne n'est venu le voir. Dorian s'inquiète de nouveau. Depuis cette discussion dans le parc avec son médecin, il s'est laissé soigner sans broncher. Ça lui fait bizarre d'avoir quelqu'un qui s'occupe de lui. Tous les jours, quand il a un peu de temps et même si ce n'est qu'une dizaine de minutes, il l'emmène dehors pour prendre l'air et ils discutent de tout et de rien, tant et si bien que Dorian connaît une grosse partie de la vie du médecin. Une certaine affection s'est développée pour lui, amour ou amitié, c'est encore trop flou pour le dire maintenant. Au bout de ce qui lui semble être 7 heures, Liam rentre dans la chambre, toujours dans sa blouse d'opération. Même comme ça, le blond le trouve attirant. Son visage est fermé et tout son corps transpire la fatigue. Il sait que Dorian et Clément sont devenus proches, alors il s'est dit que le tenir informé de son état suite à l'opération était nécessaire.
– Alors ?
Liam attrape le tabouret et s'assoit dessus en s'accoudant au matelas. Il repousse ses cheveux humides par la transpiration et le stress en arrière. Il lui lance un regard éteint.
– Alors quoi ? Je t'ai déjà dit qu'aucun de mes patients n'est mort.
– Alors il va s'en sortir ?
Le brun hoche la tête en se passant les mains sur le visage. Dorian souffle de soulagement, un soupir qui vient du cœur.
– S'il va bien, pourquoi tu as l'air si abattu ?
À ce moment-là, Liam fond en larmes.
– J'ai eu vraiment peur. En général, après 45 minutes de réanimation, le patient ne survit pas. Il a perdu beaucoup de sang pendant l'intervention et a fait un autre arrêt sur la table d'opération. J'ai eu tellement peur de le perdre. Il est en salle de réveil pour le moment. Après on le transférera aux soins intensifs et on le surveillera de près.
Dorian est bouleversé de le voir dans cet état là. Mais c'est tout le risque quand on s'attache à l'un de ses patients. Il se redresse et caresse ses cheveux. Quand il pose sa main sur la tête du brun, ce dernier sursaute, ne s'y attendant pas.
– Pardon.
– Non non, continue. J'aime bien.
Un silence s'impose dans la chambre, alors que la nuit est de plus en plus noire. Les sanglots de Liam sont de plus en plus rares. Les faibles caresses du blond l'apaisent.
– Pourquoi tu ne rentres pas chez toi ?
– Je n'aime pas être seul.
– Tu n'as pas de copain ? Tente-t-il.
Le malade ne lui a jamais demandé. Liam soupire.
– Je n'ai jamais eu de relation amoureuse à vrai dire.
– Oh.
– Et toi ? Je n'ai vu personne te rendre visite...
Dorian joue avec les cheveux assez long du noiraud.
– Mon copain m'a quitté quand il a su que j'étais malade. Il y a cinq ans. Il a dit que c'était plus facile de rompre avant que la maladie ait raison de moi. C'était vachement encourageant.
Le médecin tourne son regard vers le blond. Il le détaille, s'arrête sur chaque courbe de son visage. Ses traits sont fins et ses yeux d'une couleur magnifique dans lesquels on peut se perdre très facilement. Chose qui lui arrive très fréquemment par ailleurs.
- Et bien laisse moi te dire une bonne chose. Ce mec est un connard égoïste qui ne te méritait pas.
Dorian sourit et Liam s'est égaré dans son regard. Il finit par hausser les épaules.
– Mais ça m'arrange.
– Hein ? Comment ça ?
– Au moins j'ai le droit à des papouilles.
Il sourit et le blond pouffe.
– Est ce qu'il y a un jour où je pourrais sortir ? Juste une journée, précise Dorian.
– Ta dernière prise de sang n'est pas très bonne. Mais si ton état se stabilise, ça pourrait s'envisager.
– Et serait-il envisageable que ce soit en même temps qu'un de tes jours de congés ?
– Comment ça ?
– Je n'ai peut-être pas été assez clair. Je vais reformuler. Ce serait bien si je pouvais sortir en même temps qu'un de tes jours de congé. On pourrait aller se balader ensemble.
– Se balader ? Tu veux aller où ?
– Liam... Je suis en train de te proposer un rencard.
Liam vire au rouge pivoine. Il se racle la gorge. C'est bien la première fois qu'on lui propose un rendez-vous. Normalement, il devrait refuser. Un médecin ne peut pas avoir ce genre de relation intime avec son patient. Mais pour une raison qu'il ignore, transgresser les règles pour Dorian ne le gêne pas tant que ça.
– Eh bien... Je vais voir ce que je peux faire.
Il sourit maladroitement et sort de la chambre en se cognant, complètement dans les nuages. Ce qui fait beaucoup rire Dorian. Une fois le noiraud parti, le malade se pince les lèvres et sourit, content d'avoir réussi à inviter Liam.
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When You Saved Me
RomanceDans un hôpital en sous-effectif, un jeune chirurgien, Liam Perrez, qui croule sous le travail, aura un dossier en plus. Un patient, Dorian Klein, ne se montre pas coopératif et ne trouve aucune raison pour survivre et se battre contre son cancer. ...