[20 octobre, 19h58 (1 mois plus tôt)]
Il pleuvait.
Je ne pouvais détourner mon regard de la fenêtre, sur laquelle les gouttes s'écrasaient puis glissaient jusqu'au sol. Comme si le ciel pleurait.
Le vent faisait violemment claquer les volets en bois. Les feuilles mortes volaient dans tous les sens. Et, bruit plus sourd mais néanmoins bel et bien présent, le tonnerre grondait au loin. Le temps était à mon image, aujourd'hui : pourri, gris, enragé, et bientôt explosif.
Mais je ne devais pas céder à mes émotions, pas maintenant, pas ici.
Je tendis la main vers l'homme allongé sur le matelas près de moi, puis écartai les mèches de cheveux qui parsemaient son front moite. Ses yeux s'ouvrirent et je plaquai un sourire sur mes lèvres. Ne lui montre pas ta peur. Ne lui montre pas ta terreur. Soit forte.
- Salut, lui dis-je.
Il sourit. Je le regardai en essayant de ne pas laisser mes pensées transparaître sur mon visage. Pas lui. Je vous en supplie, pas lui. Il ne mérite pas ça.
- Le... médecin ? demanda-t-il après quelques secondes.
Deux mots qui me plongèrent dans une angoisse dévastatrice. Je ne pouvais pas le lui dire. Il ne pouvait pas apprendre ça.
Comment pouvait-on apprendre ça ?
Une nouvelle fois, sa voix me tira de mes réflexions.
- Je suis foutu, pas vrai ?
« Il va mourir. »
C'étaient les mots exacts du médecin. Médecin pour lequel j'avais cassé toutes nos économies. Tant d'argent perdu... pour quelques petits mots.
« Il va mourir... »
- Non, non t'es pas foutu, assurai-je.
Trois petits mots suivis de cinq.
« ... sauf si vous pouvez payer l'hôpital. »
Le regard du médecin tandis qu'il prononçait cette phrase m'avait glacée jusqu'au sang. Ses yeux semblaient dire : « Comment comptes-tu faire ça ? »
C'était vrai, ça.
Comment comptes-tu faire ça, Ezra ?
La réponse était simple : c'était impossible.
J'étais inutile.
Juste bonne à être assise près de lui.
Et à le regarder respirer péniblement.
- Si... murmura mon frère.
Les jambes repliées contre moi-même, je le regardai se rendormir.
Et s'il ne se réveille pas ?
Dorian, promets-moi que tu te réveilleras.
Dorian, putain, tu peux pas crever comme ça.
Ce serait la mort la plus claquée au sol de l'année.
Me fais pas ça.
Pitié.
C'était quoi, le nom de la maladie, déjà...?
« Leucémie aiguë. »
Le médecin avait lâché ça le plus tranquillement du monde.
« Leucémie aiguë. »
Il avait enchaîné sur la rapidité de l'apparition de la maladie, et « l'affliction » qu'il avait ressentie quand il avait remarqué le jeune âge de Dorian. Comme si j'en avais quelque chose à foutre de sa pitié, ou de l'âge moyen de l'apparition d'une putain de leucémie. Je voulais juste qu'elle disparaisse. Je voulais juste qu'il guérisse.
« Sauf si vous pouvez payer l'hôpital. »
Bien sûr que non, pauvre con.
« Ou alors vous pouvez faire une demande à votre assurance... »
J'ai une gueule à avoir une assurance ?
J'ai une gueule à avoir quoi que ce soit ?
Mon regard se posa sur la pièce autour de nous. Deux matelas, une ampoule en guise de lampe, et un meuble minuscule contenant nos maigres affaires. Voilà ce qui composait la chambre que je partageais avec mon frère depuis ma naissance.
Ça en disait assez long sur notre niveau de vie. Ça en disait long sur l'argent que nous possédions.
Ça en disait long sur ses chances de survie.
Et c'était apparu si vite.
En à peine quelques jours.
De la fatigue, des nausées, des tremblements, des maux de tête.
Pourquoi ?
Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ?
- Pourquoi toi, Dorian ? murmurai-je.
Je pensais qu'il dormait, mais il ouvrit à nouveau les yeux. Il était pâle, si pâle, et un filet de sang coulait de son nez, que j'essuyai d'une main tremblante.
- C'est comme ça, Ez'.
Je déglutis. Je ne pouvais pas le croire. Je ne pouvais pas l'accepter.
Il fallait qu'il aille dans un putain d'hôpital.
Il fallait que je trouve de l'argent.
C'est ce que tu fais depuis des années. Chercher.
Personne ne voulait de moi. J'avais demandé dans les boutiques, dans les restaurants, dans les cinémas. Mais ce n'était pas comme si j'avais un CV. Ce n'était pas comme si j'étais présentable. Mes mails avaient été ignorés, mes paroles avaient été refusées.
« Il va mourir. »
Mais cette fois, c'était véritablement une question de vie ou de mort.
Au-dessus de moi, le tonnerre gronda et le flash blanc d'un éclair illumina la rue à l'extérieur. L'orage venait d'éclater, et moi avec.
J'avais besoin d'argent.
J'avais besoin de sauver mon frère.
***
Helloooo,
Voilà pour le chapitre 1 de Belle de Nuit ! Je sais, lui aussi est plutôt court. Pas de panique, ça s'allongera au fur et à mesure. Qu'en avez-vous pensé ?À bientôt, faites attention à vous,
C.
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Belle de Nuit
Action« Belles de Nuit » Les pierres précieuses de l'organisation Artemis. Des jeunes filles. D'une vingtaine d'années. Enlevées, kidnappées, volatilisées, disparues. « Belles de Nuit » Personne ne sait où elles sont. Personne ne sait ce qu'elles font. ...