Chap 8 - Seth

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[25 novembre, 15h43]

Assise sur le toit de l'immeuble, mes jambes repliées contre moi, je faisais jaillir des petites flammes par mon briquet retrouvé. C'était dans les moments comme ça que je regrettais de ne pas avoir de téléphone et des écouteurs ; j'aurais tout donné pour pouvoir, rien que quelques heures, me couper complètement du monde et de la réalité.

Depuis la scène dans la cuisine, Dorian, enfermé dans la chambre, n'avait pas donné signe de vie.  Quand j'étais venue lui apporter son déjeuner, je l'avais trouvé allongé sur son matelas, fixant le plafond, les bras tremblants. J'aurais aimé qu'il accepte mon aide et ma présence ; mais, au fond, comment aurais-je réagi à sa place ? Probablement pire. Je ne pouvais pas lui en vouloir.

Cependant, même si ma colère à son égard s'était noyée dans mon inquiétude, mon envie de comprendre, elle, ne diminuait pas. Au contraire. Mais Dorian n'était pas en état de répondre à mes questions, et je n'avais pas envie de provoquer une nouvelle crise de colère. Je devais aller chercher mes réponses ailleurs.

Or, je savais très bien où trouver quelques personnes susceptibles de tout m'expliquer de A à Z.

Et tant pis pour Dorian.

***
[25 novembre, 23h31]

En terme d'apparence extérieure, le Diana's Night ne remportait pas la palme d'or. Son entrée principale était coincée entre deux immeubles, dans une ruelle sombre et étroite. Ce coin du quartier était si peu fréquenté que je me demandais toujours comment l'établissement parvenait à avoir autant de clientèle, sans compter que pratiquement rien n'indiquait son emplacement. Pas de publicité, pas d'enseigne en néons. Seulement le videur, qui poireautait seul devant la porte. Il se décala avec un hochement de tête, et bizarrement, je sentis son regard sur ma nuque tandis que je le dépassais.

Malgré les mots de Dorian - à savoir que le Diana's Night était dangereux - je poussai un soupir de soulagement quand je quittai la rue pour l'intérieur de la boîte de nuit.

Pour la simple et bonne raison qu'un nouvel enlèvement venait d'être annoncé : celui de Eliza Maonel, vingt ans. J'avais vu les journaux en venant, sa disparition avait été signalée dans la matinée. Elle était partie acheter du pain... et n'avait jamais réapparu. Encore un coup présumé « Belle de Nuit ». Comme la totalité des kidnappings ces dernières années.

C'était une chose de savoir que des kidnappeurs rôdaient quand on se promenait avec son frère. Ç'en était une autre quand on sortait seule la nuit, dans un quartier désert, alors que depuis quelques jours on se sentait épiée par un mec bizarre.

Ton impulsivité te tuera. Ta curiosité aussi.

Je me demandai où était cette pauvre Eliza. Si elle était consciente. Terrifiée. Si elle savait ce qui lui arrivait... Me mettre à sa place rendait le danger plus réel dans mon esprit. Plus réel, et plus proche.

Après avoir traversé un long couloir bordé de néons rouges et verts, j'arrivai enfin dans la salle principale de la boîte de nuit. La vue de Jem qui s'affairait au bar me rasséréna, et je me frayai un chemin entre les danseurs de la piste pour le rejoindre.

- Salut, lui dis-je en m'asseyant sur un tabouret.

Il me dévisagea avec de grands yeux de l'autre côté du comptoir.

- Tu... tu... qu'est-ce que tu fais là ?

Je fronçai les sourcils. Qu'est-ce qui lui arrivait ?

- Quoi ?

Reposant le cocktail qu'il préparait sur le bar, il jeta un coup d'oeil aux alentours et se passa la main dans ses cheveux blonds.

Belle de NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant