Chapitre 28

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C'est le silence qui répond à mon petit ''Allô'' maladroit et inutile. Un silence froid, inhabituel et incommensurablement nerveux, glacial et malheureusement prévu. Le souffle coupé, soutenu, attaché profondément dans mes poumons, incapable de sortir et de se libérer, je marche, me tourne, lève la tête, souris, rougis, détourne les yeux. Mes actes, mes gestes, mon corps tout entier hurle ma nervosité et mon malaise au monde entier, tandis que mes mains tremblantes s'accrochent désespérément  à ce petit cellulaire, tandis que mon cœur tremblant attend une réponse avec peur et que mes lèvres se plissent, se mordent, nerveuses, fiévreuses.

            Puis, cela vint comme une gifle :

            -Je suis désolée, Lucy...

            Un choc subit et imprévu me cloue sur place, me fige, m'arrête.

 La surprise me cloue littéralement sur place.

 Je ne m'attendais pas à cela, je ne pensais pas que ça tournerait ainsi, et dans le silence pesant et inutile qui s'était de nouveau installé, j'osais enfin expulser tout cet air qui s'est amassé dans mes poumons, tout cet oxygène mélangé à des souvenirs lointains et douloureux, expulser ma peur pour la remplacer avec le soulagement, pour chuchoter lentement:

            -Levy...

            Je tente de dire quelque chose, de chercher quoi dire dans le crépuscule, mais rien, rien ne me vient à l'esprit, et je me retrouve déboussolée de nouveau, la voix kidnappée par l'émotion, par la tonne de joie, de bonheur qui me gonfle le cœur.

            Levy continue sa course, néanmoins, essoufflée :

            -Je...je suis vraiment désolée, Lucy, pour tout. Je n'aurais pas du faire ce pari stupide. Et je...je suis vraiment, vraiment désolée. Oh, tellement, désolée... je t'en prie, pardonne moi. Je ne supporte plus le fait de te savoir en colère contre moi...Je ne sais plus quoi faire...Tu as déménagé tant ce que j'ai fait t'a blessée...je suis tellement stupide...

            Des hoquets se faisaient entendre, et je l'imaginais en train de sangloter, toute seule, enveloppée dans d'épaisses ombres, son corps si faible tremblant péniblement, tandis que ses petites mains serrent le combiné,  et des larmes à peine étouffées coulent sur ses joues. Je l'imagine ainsi, toute seule dans le couchant du soleil et j'imagine son regard désespéré, triste, effrayé, désolé, affolée, je l'imagine comme ça  et je sens mon cœur dérayer, trébucher, manquer un battement et la tristesse, les remords m'emporter au loin, quelque part, dans un endroit vide et inconnu.

            Je soupire.

            Mes yeux fiévreux se lèvent sur le ciel bleu, doré, sur le soleil vif qui se couche lentement et le fixe longuement, patiemment, en tremblant et en suffoquant, déséquilibrée de nouveau, frustrée de ne rien trouver à dire, l'émotion, la tristesse ou l'émouvoir me serrant lamentablement la gorge, me serrant encore et encore et encore, jusqu'à ne plus en finir, jusqu'à faire couler des larmes invisibles le long de mes joues.

            -Levy...je ne t'en veux pas, dis-je, murmurais-je, en cherchant mes mots dans le ciel, dans les nuages, dans le vent qui souffle et qui balaye mes larmes si facilement. Je ne t'en veux plus pour ce pari...d'ailleurs c'est déjà oublié. C'est toi qui devrais être fâchée contre moi...parce que je ne suis pas venue te voir à l'hôpital...et parce que c'est à cause de moi si tu as eu un accident...et je...enfin...je...je suis désolée...

            Le silence tombe de nouveau mais ne dure pas longtemps, interrompu cette fois-ci par la toute petite voix de Levy, fragile et délicate, qui ose enfin espérer :

Le jour où nos chemins se sont croisés Où les histoires vivent. Découvrez maintenant