Tendre déveine.

III.

Ce matin, je me réveille exténuée. Je me retourne sur le lit pour enlacer Harry qui dort de lautre côté mais à ma grande surprise, il ny est pas. Je minquiète et je saisis mon téléphone pour lappeler. En le déverrouillant, je vois lheure qui saffiche et je suis aussitôt rassurée. Il est dix heures du matin, il est tout à fait normal quil ne soit plus là puisquà cette heure, dordinaire, il est déjà parti pour le travail. Je décide tout de même de lappeler pour échanger quelques mots damour pleins de tendresses afin quil passe une journée agréable. Je lance lappel, son téléphone sonne mais je reste sans réponse. Jinsiste à plusieurs reprises, rien ny fait. Ce nest pas dans ses habitudes de ne pas prendre des coups de fil et surtout si cest moi qui tente de le joindre. Je téléphone donc directement sa secrétaire personnelle qui me fait comprendre quil sest déplacé et quil reviendrait un peu plus tard dans la journée. Je lui demande de lui passer un message pour moi puis je raccroche.

Je sors de mon lit en marchant en direction des rideaux qui sont encore baissés. Je les ouvre et je constate que dehors, il fait beau. Le ciel est dégagé et la lumière pénètre la chambre à travers les baies vitrées. Cest une belle journée qui sannonce et je vais en profiter. Dabord, un petit tour en cuisine pour éviter une hypoglycémie. Je suis affamée et mon corps me le montre bien. Je me prépare un petit-déjeuner rapide à base de salade à lavocat, dune omelette au plat, un verre de jus de fruits, une pomme verte et du pain de mie. Je place mon plateau sur lîlot central de la cuisine et je mattable. En moins dune dizaine de minutes, jai terminé. Mon appétit est décuplé avec cette grossesse. Dailleurs je ferai mieux de ne plus y penser. Dans moins de cinq jours, il ny aura plus que moi qui détiendrais le contrôle de mon corps. Je me lève, je débarrasse lilot et laisse les assiettes et couverts dans lévier. Dordinaire je les aurais nettoyés mais ce matin, je nen ai pas envie. Tout ce que je souhaite aujourdhui, cest sortir de mon quotidien plat et de prendre soin uniquement de moi juste pour une fois.

Ensuite, je vais dans la salle de bain, me faire couler un bon bain chaud. Je verse du gel de douche dans la baignoire, que je laisse se remplir à ras bord de sorte que la mousse déborde. Je mets de la musique contemporaine sur la radio, je me dévêtis et je me plonge dans mon bain. Les yeux fermés, recouverts par des fines tranches de concombre, je me laisse emporter par la légèreté de cet instant. Je me sens apaisée et en même temps libérée de cette pression que jai sur les épaules depuis plusieurs jours maintenant. Jai besoin de calme, juste ça. Il ya longtemps que je nai pas eu de moments dintimité, seule avec moi-même. Je devrais instaurer des petits rituels comme celui-là un peu plus souvent. Cela me permettrait de retrouver ma sérénité, ma quiétude et darrêter dappréhender les jours à venir.

Après une longue heure de détente que jaurais aimé éterniser, je sors de mon bain. Je vide la baignoire, jette les tranches de concombres dans la poubelle, saisis ma radio et rejoins ma chambre. Jessuie délicatement chaque morceau de ma silhouette endomorphe, généreuse et pulpeuse avec une serviette de coton importée dItalie. Cest un cadeau que Harry ma fait il ya quelques mois. Je ne lavais pas encore utilisée. Jai déballé le coffret dans lequel elle ma été livrée ce matin. Cétait une grande boite blanche, avec un fond recouvert de polyester, contenant un manteau, une serviette et des gants, faits à base de coton doux traité et tissé pour les peaux sensibles. Harry me connait bien. Jai une peau hyper sensible et marquée autant par les vergetures qui senlacent et forment des reflets de vagues sur mes cuisses et à larrière de mes genoux, les points noires qui ne cessent de se multiplier en sassimilant aux pores de ma peau, de la cellulite présente sur toute les surfaces généreuse de mon corps donnant ainsi une apparence de cratère en dégradation Je suis littéralement une imperfection vivante. Je naimerais pas me créer dautres soucis de peau car je ne supporterai plus de voir un énième dermatologue. Dautant plus que pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste dans ce pays, cest éprouvant. Une longue attente pour une consultation qui dure moins dun quart dheure, quelle ironie !