XX.

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Ce matin je me lève sans vraiment le vouloir. Je n'accepte pas l'idée de devoir abandonner ma vie, ma famille, tout ce que j'ai, pour suivre un homme qui me répugne. Dans quelques heures je dois me séparer de tout. Maëlys est venue se blottir dans mes bras, je ne cesse de la câliner. Je me lève ensuite, je me rends dans la cuisine apprêter le petit-déjeuner. Curieusement, ce matin Guillaume s'attable avec nous pourtant il ne mangeait plus rien cuisiné par mes mains depuis un moment déjà. Je m'abstiens de lui faire la remarque et décide de le laisser profiter.

Je vais ensuite prendre un bain. Sous la douche, j'ouvre le jet d'eau à fond pour que mes sanglots ne se fassent pas entendre. Je laisse l'eau se mêler à mes larmes. Je me lamente

Non, ce matin je ne veux pas jouer ce rôle de femme forte. Non. Ce matin, j'extériorise tout ce que je m'évertue à cacher. Je crie haut et fort ma peine. Oui, je crains de partir avec cet homme. Oui, j'ai peur de lui et de ce que sera ma vie à ses côtés. Je crains de demeurer dans le malheur jusqu'à la fin de mes jours. Je crains de demeurer sous l'emprise d'un homme obsédé qui ne me donnera jamais de liberté. Je crains de me perdre, de m'effacer de ne plus être cette fille entêtée d'antan. Pourtant je n'ai pas le choix. C'est là, le prix à payer pour la liberté de mon fils. Nous commettons tous des erreurs mais jai limpression que je suis la seule à subir des retombées aussi violentes à chaque fois. De tous les psychologues quil y a dans Paris, il fallait que je tombe sur le plus fou dentre eux ! Pourquoi jai toujours le don de membarquer dans des histoires aussi rocambolesque. Je suis vraiment maudite.

Il est dix heure du matin. Je vais chercher Maëlys dans sa chambre, la sortant de son lit, en lui couvrant de câlin, je la réveille. Ma princesse aura Sept ans dans deux jours et je ne serai certainement pas là pour les fêter avec elle. Intérieurement, je décide de célébrer son jour avant l'heure, profitant des quelques heures qu'il nous reste. Pendant qu'elle prend son bain, je vais en cuisine concocter une variété de mets. Guillaume me rejoint, l'espace d'un instant, attiré par l'odeur des plats qui se répand à travers toute la maison. Il ne me parle pas mais je sais qu'au fond il en meurt d'envie. Notre complicité nous manque. Notre complicité lui manque. C'est ma dernière journée près d'eux et j'ai gardé espoir que juste pour ça, il fasse comme si de rien n'était en vain. Guillaume m'a rayé de sa vie. Il n'est peut-être plus un bon mari mais il sera toujours un bon père. Pour cela, je ne m'inquiète pas. Je sais que je laisse mes enfants entres de bonnes mains.

Une fois la table dressée, nous déjeunons en famille. Aucun mot n'est échangé, aucun son perçu si ce n'est celui du vent froid qui régnait en maître dans la pièce. Une maison qui autrefois fut le théâtre de scènes d'amour, de joie, d'harmonie est aujourd'hui un lieu aussi triste que celui d'une sépulture. Malheureusement j'ai bien l'impression que c'est sur cette ambiance morose que mon histoire avec Guillaume prend fin. J'ai gâché mon mariage mais je ne ruinerai pas la belle image que ma fille a de moi. Durant le reste de la journée, je lui montrerai combien je l'aime et combien elle est une petite fille précieuse et une formidable grande sur. Je n'ai jamais manqué de cajoler et protéger ma fille tout comme je n'ai jamais cessé de faire son éloge car mes enfants sont ce que j'ai de plus précieux.

Cette sensation de lourdeur sur le cur quand tu regardes ceux que tu aimes en réalisant que ton impuissance t'éloigne d'eux peu à peu. Tu les perds sans rien pouvoir faire. La vie te les arrache de la pire façon qu'il soit. Tu sais qu'ils seront toujours là mais tu ignores où, quand et comment. Quand tu es la raison de la destruction de ta famille, tu te demandes sans cesse si tu méritais d'avoir cette famille. Je me dis que parfois la vie m'a confié certaine chose pour me montrer que je n'étais pas prête à les recevoir. Tout ce que j'ai essayé de protéger je l'ai perdu. Et lorsque j'ai décidé de vivre dans l'insouciance, j'ai plongé ma vie dans la souffrance. « Annah tu es inutile », « tu ne sais rien faire de bon », au fond, peut-être qu'Harry avait raison. Il est le seul à avoir vu dès le début que je n'étais qu'une incapable.

Tendre déveine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant