"La six attend sa tarte aux pommes. Criais-je à travers la cuisine.
- Bien chef." Me répond dans l'instant Raoul.
Raoul travaille au café depuis la fin du collège en tant qu'apprenti. C'est lui qui m'a permit d'avoir ce poste de serveuse. Depuis il ne cesse de me surnommer chef. Il a toujours été là pour moi. Surtout depuis ...
Je récupère le plateau que Raoul m'a rempli de desserts et part servir la table six. Les clients affluent en nombre et semblent tous affamés. Je cours dans tous les sens. La voix du chanteur de The Cure m'aide à garder le rythme. Ricki, elle, ne cesse de me narguer, assise sur son tabouret. Elle sirote son smoothie à la banane, penchée sur les devoirs d'histoire pour demain. A chaque fois elle se débrouille pour les faire la veille pour le lendemain.
Je retourne vers le bar pour préparer la commande de smoothies pour la huit.
"Il faut que j'ai la moyenne à ce devoir. Exige Ricki. Si ne je l'ai pas alors mes soupçons se confirmeront.
- Et quels sont-ils ces soupçons ? Demandais-je.
- Que le prof me déteste pardi. S'exclame-t-elle comme si la question n'avait pas lieu d'être.
- Le prof ne te déteste pas. La rassurais-je en m'éloignant avec mon plateau débordant de smoothies.
- Parles pour toi." Me lance-t-elle à travers la pièce.
Je tourne la tête vers elle en riant. Un bloc me stoppe net dans mon élan. Dans mes mains le plateau de smoothies tangue dangereusement. Je tente bien que mal de le rééquilibre mais la catastrophe se produit. Le plateau m'échappe des mains et les boissons se déversent sur moi et sur la personne dans laquelle je viens de rentrer. Le smoothie froid coule sur mon tee-shirt. A mes pieds les verres se brisent.
Tout d'un coup le silence s'empare de l'assemblée. J'ai comme l'impression que la musique choisit ce moment précis pour s'arrêter. Encore sous le choc je relève lentement la tête vers ce fameux bloc qui s'est posté en plein milieux de mon chemin. Son tee-shirt noir est couvert de smoothie rose. Je n'ose pas levé les yeux plus haut.
"Tu me dois un tee-shirt." Me murmure sa voix près de mon oreille.
Mes joues ne perdent pas de temps et rougissent dans la seconde qui suit. Thomas me contourne et sans un mot de plus, se dirige vers les toilettes. La tête baissée, le désastre à mes pieds me donne envie d'exploser. Mais face à lui je ne suis, de toute façon, plus rien. Je m'excuse auprès des gens et lèvent les bras pour montrer qu'il n'y a pas mort d'hommes. Les personnes qui s'étaient levées pour admirer la scène se rassoient. La musique est remise et tout le monde retourne à ses occupations.
Je pars chercher un seau et une serpillère dans la remise. Je m'accroupis et commence à ramasser les plus gros morceaux de verres en prenant garde à ne pas me couper au passage. Tel Cendrillon j'éponge la flaque de smoothie.
Je tourne la tête vers la table habituel de Thomas. Il est trop loin pour que je parvienne à déchiffrer son regard. Mais ses yeux gris posé sur moi j'espère que lui arrive à lire la colère dans les miens. Rapidement il détourne le regard. La cloche de l'entrée vient de sonner.
Thomas se redresse sur son siège. Son visage se crispe et sur la table ses poings semblent se serrer. On dirait qu'il est prêt à bondir comme un animal sur sa proie. Je regarde dans la même direction que lui. Julien vient d'entrer. Il s'approche et se penche vers moi.
"Besoin d'aide ?"
Je me relève. Il fait de même. Julien me dépasse d'une bonne tête. Il fait à peu près la même taille que Thomas. Je me rappelle que quand on était petit c'est moi qui étais la plus grande puis les années ont passé et il m'a rattrapé pour mieux me dépasser. Mais ce n'est pas Thomas que j'ai en face de moi.
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Dis-le.
RomanceDans une de ses chansons Jacques Brel a dit : Il y en a qui ont le coeur si large qu'on y rentre sans frapper. Il y en a qui ont le coeur si frêle qu'on le brise d'un doigt. Il est le grand coeur. Je ne suis que le coeur frêle.