En ouvrant les yeux la chambre est encore plongée dans l'obscurité. Mon oreiller est trempé et j'imagine très bien mes yeux rougis par mes larmes de la veille. Le sommeil m'avait finalement emporté vers une heure du matin et à cinq heure du matin, comme me l'indiquait mon horloge posé sur ma table de nuit, j'étais déjà réveillée. Je me rallonge sur le dos, le regard dans le vide fixant mes étoiles luisantes. Je remonte ma couverture jusqu'au menton et tente de sombrer à nouveau dans le sommeil. Malheureusement chaque fois que je ferme les yeux je revois cette scène d'hier soir quand Julien était à deux doigts de m'embrasser. La colère et le désespoir se côtoit encore en moi.
Maintenant pleinement réveillée, je décide de me lever et d'aller courir. Me défouler sous la lumière du levé du asoleil m'aidera peut-être à ne plus ressasser cet incessant débat de sentiment en moi. Je retire mes vêtements de la veille que je n'avais pas eu le courage d'ôter hier soir avant de m'affaler dans mon lit. J'enfile mon pantalon de course, mon tee-shirt d'athlétisme et m'assois sur le bord de mon lit pour lacer mes baskets. Sur ma coiffeuse je récupère un élastique et en descendant les escaliers réunis mes cheveux en une haute queue de cheval la plus serrée possible pour qu'elle ne se défasse pas toutes les trentes secondes. Dans la cuisine je laisse un mot à maman pour lui dire où je suis partie au cas ou elle se lèverait avant mon retour, ce dont je doute. Je passe le seuil de la porte. L'air encore frais de l'heure si matinale me fait frissonner mais m'encourage à vite commencer à courir.
Je décide de ne courir que dans le quartier. Je ne cours dans le parc que l'après-midi. Sinon il m'arrive d'aller sur la piste du lycée mais comme je ne fais plus partie du club d'athlé je n'y ai plus d'accès légal. Et ce serait me risquer à y croiser Thomas. Aujourd'hui c'est bien la dernière personne que je veux voir. Même si je sais que je devrais l'affronter dans quelques heures au lycée.
Pour l'instant seule la pensée qui doit traverser mon esprit est celle de courir. Courir toujours plus vite. Dépasser ses limites pour ne sentir plus que l'adrénalite circuler dans ses veines. C'est cette sensation de puissance, d'invincibilité qui m'habite dans ses moments là. Alors rien ne peux plus m'arrêter.
Chaque fois, quand mon père était en mission et que je me mettais à courir, je ressentais cette force en moi et je l'imaginais à l'autre bout du monde. Je pouvais presque le voir courir dans son désert, dans son paysage de guerre. Ou au combat. Arme à la main, l'esprit concentré, veillant sur ses hommes pour qu'aucun ne perdent la vie. Je me pensais capable de lui transmettre malgré les kilomètres qui nous séparaient, toute mon invincibilité, tout mon courage.
Les lampadaires s'éteignent. Je regarde à l'horizon le soleil faire son entrée magistrale. Le bleu du ciel se mélange dans un dégradé de rose avec le soleil.
Après mon footing de près d'une heure je finis ma boucle et rentre à la maison. Les volets ne sont toujours pas ouverts, j'en déduis que maman n'est pas levée. Sur l'herbe devant la porte d'entrée je m'étire comme mon père me l'a appris. Je me sens dégoulinante de sueur, les cheveux de ma frange trop courts pour tenir dans ma couette sont collés à mon visage. Mes muscles sont en ébullition et je ne peux m'empêcher de sourire face à ce sentiment de fièrté d'acte accomplie.
Dans la cuisine je me remplis à ras bord un bol de céréales et fais couler le lait dessus. Je dévorre ce petit déjeuner avant de monter prendre ma douche. L'eau tiède retire toute la couche de sueur de ma peau et me détend les muscles. Je pourrais rester des heures sous la douche après avoir couru comme je pourrais passer des heures à courir.
En me plantant devant ma penderie un sentiment d'appaisement fait à présent place en moi. Je me munie d'un short en jean taille haute avec un petit haut blanc, j'enfile mes grandes chaussettes qui montent jusqu'aux genoux et mon long gilet gris. Comme il y a à peu près une heure je me rassois sur ce même bord de lit pour cette fois-ci lacer mes converses blanches. Après un passage rapide au maquillage, j'inspecte mon reflet dans le miroir. Satisfaite je prépare mon sac de cours, je vérifie au moins cinq fois que j'ai bien pris ma calculatrice pour le devoir de maths de trois heures de cet après-midi.
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Dis-le.
RomanceDans une de ses chansons Jacques Brel a dit : Il y en a qui ont le coeur si large qu'on y rentre sans frapper. Il y en a qui ont le coeur si frêle qu'on le brise d'un doigt. Il est le grand coeur. Je ne suis que le coeur frêle.