"Julien." Hurlais-je à travers le couloir vide.
De toutes ses forces, il ouvre la porte qui donne sur l'entrée du lycée. Elle claque derrière lui quand elle se referme. J'essuies les larmes qui coulent encore sur mes joues d'un revers de la main et me mets à courir pour le rattraper.
"Julien, écoute-moi s'il te plait." Le suppliais-je.
Il s'arrête enfin. Au milieu de la place. Mais il ne se retourne pas pour autant. Sa silhouette n'inspire rien de bon. Sa tête est rentrée dans ses épaules. Ses poings sont toujours fermés. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Même pas quand il s'est battu contre Thomas.
Je fais quelques pas vers lui. Suffisament près, je tends ma main vers lui et le pose sur son bras. Brusquement il retire son bras. Il se retourne. Sans me regarder dans les yeux, il attrape ma main et y dépose mon téléphone à l'intérieur.
"Finalement, je ne veux plus rien savoir. Ni sur lui, ni sur toi." Murmure-t-il d'une voix grave.
Je sens les larmes monter, encore une fois. Je ferme les yeux pour tenter de les retenir. Quand je les rouvrent, Julien ne me tient plus la main. Il n'est même plus devant moi. Je n'apperçois plus que son dos.
Derrière moi, j'entends la porte du lycée claquer. Julien n'est plus dans les parages alors Thomas peut sortir sans crainte. Ses pas se rapprochent. Je tourne la tête de son côté. Les larmes coulent à nouveau sur mes joues.
Thomas lève un instant la tête vers moi. Il n'y a plus aucune colère dans ses yeux gris. Je n'y perçoit que de la tristesse. Il a l'air aussi désolé que je suis dévastée. Mais tout comme Julien, je ne suis pas capable de dire quoi que ce soit pour le retenir. J'ai laissé partir Julien. Thomas me laisse partir.
Thomas se retourne et continue son chemin dans le direction opposée à la mienne. J'essaye de retenir mes sanglots mais je n'y parviens plus.
Quand le soir commence à vraiment tomber, je me force à marcher pour rentrer à la maison. J'aimerais me dire que passer près d'une heure, debout devant les portes de mon lycée, complètement pétrifiée par ce qu'il est arrivée, m'a fait réfléchir. Mais je n'ai été capable que de verser les larmes qui ne demandaient qu'à couler.
Je franchis la porte de la maison en me répétant que ma journée ne peux pas plus mal finir. Dans le salon, j'aperçois maman assise dans le canapé, devant une télé éteinte. Sans plus attendre je me dirige vers les escaliers pour aller me plonger sous mes couvertures.
Je n'ai fais qu'un pas sur les marches quand maman m'interpelle.
"Tu rentres tard.
- J'ai dût retourner chez Julien pour récupérer mon portable. Lui répondis-je en franchissant une nouvelle marche pour lui montrer que je n'ai vraiment pas envie de discuter.
- La maman de Ricki m'a appelé."
Soudain, je me rappelle que Ricki ne m'a pas donnée de ses nouvelles aujourd'hui. Ce qu'il s'est passé avec les garçons m'a fait oublié que je m'inquiétais pour mon amie. Je redescends sur la première marche de l'escalier.
"Ricki va bien ?
- Ricki va bien. C'est Raoul.
- Qu'est-ce qui se passe avec Raoul ? Demandais-je en m'avançant vers elle pendant qu'elle se lève du canapé pour me rejoindre dans l'entrée.
- Béa, ma puce. Commence-t-elle. Raoul a eu un accident. Il est à l'hôpital."
Ses mots me font l'effet d'un coup de massue. Maman s'avance vers moi les bras ouverts pour me consoler. Mais je ne veux pas de sa compassion. Elle ne sait pas que Raoul et moi avons eu un désaccord. Elle ne sait pas qu'il m'en veut. Elle ne sait pas qu'en plus, c'est lui qui avait raison. Je suis sortie avec Julien alors que j'avais encore des sentiments pour Thomas. Et ce n'est que maintenant que je m'en rends compte.
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Dis-le.
RomanceDans une de ses chansons Jacques Brel a dit : Il y en a qui ont le coeur si large qu'on y rentre sans frapper. Il y en a qui ont le coeur si frêle qu'on le brise d'un doigt. Il est le grand coeur. Je ne suis que le coeur frêle.