Deux semaines plus tard
C'était un dimanche comme les autres à Network City, une journée grisonnante et venteuse plutôt habituelle pour cette fin de mois de septembre. Contrairement à un jour de semaine, il y avait bien peu de monde dans ces rues où seuls, à cette heure, se baladaient des Lusers, tels des robots, allant accomplir, sans même avoir de jour de repos, sept jours sur sept et 18 heures sur 24, les métiers les plus pénibles et méprisés, mais toutefois indispensables au bon fonctionnement d'Eurasia. La plupart d'entre eux n'ayant pas les moyens de s'offrir les nouvelles Autodrives*, se déplaçaient à pied ou, quand le chemin résultait trop long, empruntaient le nouveau tram à suspension magnétique et à la conduite automatique dont l'abonnement mensuel leur était offert en compensation de leurs services. C'était donc pour nos chers Lusers le seul et unique privilège dont ils bénéficiaient.
En ce moment, sur les rails de cette métropole, l'une des rames au design neuf, dotée des équipements de sécurité dernier cri, était en train de parcourir une vingtaine d'arrêts aux paysages changeants avant d'atteindre son terminus au Sud, connu comme la zone la plus pauvre et ancienne de la ville. Au milieu d'une gare délabrée qui avait l'air abandonnée, le tram s'immobilisa et ouvrit simultanément ses portes, laissant sortir une vingtaine de personnes sur son quai pratiquement désert. Parmi elles, Nelia, semblant désorientée, un sac de voyage sur le dos, se figea en plein milieu de cette station aux murs de briques rouges. Elle était là, au centre de ce quai, dans ce quartier du Sud de la ville où elle n'avait jamais mis les pieds, mais dont elle avait entendu de nombreuses rumeurs. Une zone qui avait une mauvaise réputation, abritant généralement des bâtiments peu salubres et quasi en ruines, ainsi que des délinquants en cavale et des familles de Lusers qui n'y vivaient pas par choix, mais parce que c'était le seul district de la capitale qui leur était accessible. Toutefois, la réalité était toute autre. Contrairement à ce qui se disait, "La Ruine", comme on l'appelait, était très peu peuplée, voire certaines rues étaient inhabitées, car la majorité des Lusers n'avaient pas les moyens et vivaient dans de petits taudis plus abordables en périphérie ou dans des contrées éloignées de l'État d'Eurasia.
Après une longue minute de réflexion, elle décida de saisir son smartphone qui se trouvait dans la poche de son jean délavé et se mit à configurer son GPS avec l'adresse que Kae lui avait envoyée dans la matinée. Occupée à écrire, elle se figea soudainement, ressentant cette étrange impression d'être observée. L'air autour d'elle devint plus froid et difficile à respirer. Soucieuse, elle redressa lentement son visage, dont les joues avaient pris une teinte rougeâtre. Elle regarda autour d'elle pour vérifier si ce sentiment était bien réel, espérant que ce n'était pas le début d'une de ces crises de panique dont elle avait déjà été victime à plusieurs reprises cette année. À sa gauche, il n'y avait que des silhouettes de dos qui s'éloignaient au loin. À sa droite, sur le quai pavé de briques, une dizaine de personnes attendaient tranquillement, occupées à regarder leur smartphone, en attendant l'arrivée du prochain véhicule. Nelia scruta chaque visage, convaincue qu'elle n'avait pas rêvé, et son regard finit par croiser celui d'une jeune fille aux cheveux excessivement longs, à quelques mètres de là, qui semblait la fixer. Leurs regards restèrent fixés l'un sur l'autre pendant un bref instant. La fille, qui soutenait son regard de manière insistante, avait une chevelure châtain qui tombait sur son blazer et portait sur son épaule gauche un grand sac de voyage en cuir naturel. Appuyée contre l'un des murs de la station, où était autrefois taguée une peinture à l'effigie de Parker Collin, elle observait et analysait chaque personne qui sortait de la nouvelle rame de métro fraîchement arrivée. Elle maintint le regard oppressant de ses yeux émeraude jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle avait été surprise en train de le faire.
Ne voulant pas la mettre plus mal à l'aise, elle se dirigea précipitamment vers la sortie, mais fut arrêtée par un groupe d'individus qui semblaient heureux et surpris de l'avoir croisée. Elle leur parla avec un grand sourire, ils voulaient prendre une photo, mais elle déclina poliment et continua son chemin.
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DÉSINVOLTE : KAE, le début du changement - Tome 1 変え ( EN COURS )
Science Fiction"Le monde tel qu'il est actuellement, vous convient-il ? Approuvez-vous ce système qui ne fait qu'amplifier la haine, la rancœur, les injustices et qui détruit peu à peu notre humanité et nos relations ? Si l'on vous disait qu'ensemble, nous pourrio...