Voulant vite retrouver le chemin de la carte, elle leva son téléphone vers le ciel et garda la tête en l'air tout en marchant.
- Pas moyen de trouver du réseau, comme si...
À force de rester les yeux rivés sur son téléphone, elle finit par pousser quelqu'un et faillit trébucher.
- Oh excuse-moi, je suis désolée, mince, est-ce que ça va ? rapporta Nelia, tout en abaissant son regard sur celle qu'elle venait de malencontreusement bousculer.
- Oui, ne t'inquiète pas, déclara la personne qui se trouvait être la fille aux yeux émeraudes.
Nelia, perturbée par cette rencontre imprévue, ne savait que dire, mise à part que cette situation lui semblait étrange et non des moindres !
- Tu as l'air d'être vachement pressée, pourtant, on est pas en retard, ajouta-t-elle, un grand sourire aux lèvres.
- Hein, pardon !? Excuse-moi, mais est-ce qu'on se connaît ? fit-elle, les yeux ébahis, interloquée par ce qu'elle venait d'entendre.
- Oups... désolée, je suis tellement maladroite, j'ai dû t'angoisser... Oublie ce que je viens de dire, lui répondit la fille au sac en cuir.
Voyant dans son regard toujours autant de crainte, elle ajouta pour détendre l'atmosphère :
- En même temps, qui viendrait se promener un dimanche aussi tôt dans ce quartier ? Je pense que personne, à moins d'avoir une bonne raison !
- Oui, c'est vrai... acquiesça Nelia, toujours aussi méfiante.
- Tu es aussi là pour Kae, si je ne me trompe pas ?
- Euh... oui, je dois t'avouer que tu m'as fait peur ! Entre le regard que tu me lançais à la gare et ce que tu viens de me dire à l'instant, je t'ai prise pour une psychopathe, c'est stupide... Mais j'ai eu peur que tu t'en prennes à moi, indiqua Nelia d'un air hébété et toujours aussi peu confiante.
Constatant que Nelia n'était toujours pas rassurée, la fille aux yeux verts rétorqua avec une pointe d'humour :
- Si ça peut te rassurer, je n'ai pas pour habitude de tuer les gens que je rencontre pour la première fois- elle reprit d'un ton plus sérieux- Du coup, comme nous devons toutes les deux nous rendre là-bas, ça te dit qu'on aille ensemble jusqu'au point de rendez-vous ?
- Mmmmmh, je veux bien, mais je ne connais même pas ton nom.
- Effectivement, désolée, j'ai oublié de me présenter. Je m'appelle M... Cécilia, et toi Nelia, c'est bien ça ? - elle marqua une légère pause, puis continua - Avant que tu paniques, pour information, c'est marqué sur ton sac.
Nelia tourna son visage vers l'arrière et y trouva son nom écrit à l'indélébile. Elle reconnut l'écriture maladroite de son frère, qui avait dû l'y inscrire sans qu'elle ne s'en rende compte.
- Bon, maintenant que les présentations sont faites, je te propose qu'on y aille pour ne pas arriver en retard. Par contre, je ne sais pas où l'on doit aller, le réseau capte mal ici, renseigna Cécilia avec un visage un peu moins serein.
- Oui, j'ai le même problème que toi. Ici, la connexion est vraiment pourrie ! Mais normalement, on devrait y être au prochain croisement à gauche. Enfin, si je ne me trompe pas...
Les deux jeunes filles se remirent donc à marcher tout en discutant de tout et de rien. Leur conversation était assez fluide et détendue, comme si le malentendu du départ s'était effacé et qu'elles se connaissaient depuis toujours. Progressant dans la ruelle, Nelia se fit bousculer à son tour par un individu portant un pantalon large noir et un sweat de même couleur, dont la capuche couvrait sa tête. Sur son dos, il y était inscrit, en rouge sanglant, "死んじまえ" (Shin jimae)*. Sans même prendre la peine de se retourner ou de la regarder, il poursuivit son chemin comme si de rien n'était.
- Bordel, c'est si compliqué de dire pardon ! s'écria Cécilia afin de bien se faire entendre.
- Ne t'inquiète pas, ce n'est rien.
- Ouais, mais bon, des gens qui n'ont même pas la politesse de s'excuser quand ils sont en tort, ça me saoule !
- Je suis d'accord, mais de toute façon, ça ne sert à rien de t'énerver. Il a disparu, exposa Nelia en regardant droit devant elle dans cette ruelle vide.
Cent mètres plus loin, après avoir tourné et pénétré dans une allée encore plus étroite, faiblement éclairée par un lampadaire, elles se retrouvèrent nez à nez avec un énorme conteneur en acier bleu marine qui leur barrait la route.
- Bon bah, nous voilà arrivées au bout, tu penses que c'est ici ? demanda Cécilia.
- Je n'en ai pas la moindre idée...
- Il n'y a qu'un moyen de le savoir, elle voulut l'ouvrir, mais ne trouva aucune poignée à tirer ou à tourner.
Nelia s'approcha de ce gigantesque caisson métallique dont les portes étaient ornées d'un symbole aux caractères chinois, entouré de deux flèches dont elle ne comprenait pas la signification. Elle remarqua également un écran tactile fixé sur sa paroi. Cécilia, qui s'était également rapprochée, se mit à lire ce qui y était écrit et signala :
- Apparemment, il faut scanner le code QR que nous avons reçu.
Cécilia fouilla dans ses e-mails et quand elle le trouva, le scanna. L'écran devint noir et un nouveau texte apparut : "Veuillez poser votre paume sur l'écran." Elle regarda Nelia avec une certaine hésitation et prit quelques secondes avant de se conformer à ce qui lui était demandé. La main posée sur le dispositif, un très léger bruit mécanique se fit entendre et, d'un geste brusque, elle retira sa main.
- Aïe ! C'est quoi ce truc ? s'exclama-t-elle tout en frottant sa paume.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je ne sais pas trop, confia Cécilia avec une légère grimace, les yeux fixés sur sa main où était apparu un petit ω** noir au milieu de sa paume.
- On dirait bien... Nelia fut interrompue par le grincement strident de la porte frottant contre le sol, qui s'était entrouverte.
D'un pas incertain, elles s'approchèrent de l'entrée où aucun bruit ne provenait, et Cécilia, qui se trouvait en tête, entra la première. Nelia, qui la suivait de près, tenta d'entrer à son tour lorsque la porte se referma brusquement devant elle, la laissant seule dans cet endroit sombre et désert. Surprise, elle essaya de l'ouvrir en tirant de toutes ses forces sur les barres verticales qui recouvraient la face qui s'était ouverte, mais malgré ses efforts, elle ne parvint pas à faire bouger cette lourde cloison d'un seul pouce. Ne sachant que faire, elle décida de s'approcher à nouveau du dispositif tactile dont l'écran affichait à nouveau la même phrase : "Veuillez scanner votre QR code".
Elle fouilla parmi les nombreux fichiers contenus dans son téléphone et, dès qu'elle le trouva, le passa au scanner. Comme pour Cécilia, l'appareil lui demanda de poser sa paume sur l'écran. Sachant ce qui allait se passer, elle hésita un instant avant de finalement suivre les instructions. Elle approcha précautionneusement sa paume de l'écran et une fois en contact, elle sentit la vitre se réchauffer intensément, accompagnée du même bruit mécanique entendu précédemment. Nelia retira brusquement son bras et contempla avec fascination l'inscription tatouée sur sa paume, le symbole ω. Les questions fusèrent dans sa tête. Que signifiait cet oméga ? À quoi allait-il servir ? Elle fut interrompue dans ses réflexions par la porte qui s'entrouvrit de nouveau légèrement. D'un pas tout aussi incertain que la première fois, la jeune fille avança prudemment. La seule chose qu'elle pouvait distinguer était une faible luminosité jaunâtre, encore plus terne que celle de l'extérieur. Après s'être faufilée dans le sas, les portes se refermèrent aussi rapidement qu'elles s'étaient ouvertes, ne lui laissant aucun moyen d'échapper.
Vocabulaires :
* Shin jimae : Crève, salaud !
** ω : oméga
VOUS LISEZ
DÉSINVOLTE : KAE, le début du changement - Tome 1 変え ( EN COURS )
Science Fiction"Le monde tel qu'il est actuellement, vous convient-il ? Approuvez-vous ce système qui ne fait qu'amplifier la haine, la rancœur, les injustices et qui détruit peu à peu notre humanité et nos relations ? Si l'on vous disait qu'ensemble, nous pourrio...