Chap.19 : Gabriella

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Tap. Tap. Tap. Tap. Tap.

Pourquoi ne suis-je pas allée assouvir cet irrépressible besoin de découvrir si je souffre ou non de fabulations.

Tap. Tap. Tap. Tap. Tap.

Vagabonde aux larmes salées dont les plaies sont impunément dévoilées. Il est trop tard pour regretter, trop tard pour reculer.

Tap. Tap. Tap. Tap. Tap.

L'aiguille indiquant l'heure sur l'immense horloge qui orne le placo de la salle du restaurant a tout l'air d'être pétrifiée dans un espace temps que je suis tout bonnement incapable de supporter.

Tap. Tap. Tap. Tap. Tap.

Plusieurs alertes décochent simultanément les loquets crochetés aux quatre coins de mon organisme. Chaque point se déverrouille, un par un, toujours plus fort emportant la douleur beaucoup plus loin en frôlant encore et encore les entraves de mon accoutumance.

Tap. Tap. Tap. Tap. Tap.

- Il est vrai que nous pourrions accorder un budget plus important pour travailler des produits de qualités, bredouille l'homme qui me fait face.

Rondelet, le chauve à la barbichette grise a une haleine dont l'enrobage parfumé de vinasse me donne sévèrement la nausée. Respire dans ton col. Je me donne beaucoup de mal afin de ne pas vomir les deux cannellonis aux épinards que mon estomac peine à contenir depuis maintenant trente minutes.

Trente interminables minutes.

Je rumine, je ressasse sans pouvoir répondre à la moindre de leurs questions. Je savais que ce dîner n'était pas l'idée la plus ingénue qu'il m'ait été donnée d'avoir au cour de cette dernière décennie, mais arriver à un tel degrés d'emmerdement je risque de frôler le meurtre dont je plaiderai la folie, oui ! L'état neurasthénique dans lequel je m'enlise me donne la bougeotte et un coup pourrait probablement partir sans même que je ne puisse réfréner mon geste.

Et tu serais incarcérée dans une prison pour femme avec des jumeaux sur les bras .

Sombre idée exclue en parade avec mon impatience qui s'accentue. Je me fais violence et écoute les échanges de vieux perverts plus pathétiques les uns des autres. Je me demande à quoi ressemblent leurs femmes. Si elles sont le stéréotype même de celles entretenues avec un chien à la Paris Hilton ou un à la Mike Tyson, qu'elles ne promènent naturellement pas au risque de devoir refaire leur râtelier déjà bien trop superficiel pour leurs vieilles gencives en se tordant une cheville sur leurs talons aiguilles.

- Nous parlons d'un service cantinier messieurs ne soyez pas ridicules. Élaborer des menus en fonction des détails ethniques frôle l'absurdité ! déballe celui à sa gauche.

Saloperie de dindon.

Ce vieux machin n'a visiblement pas le temps de se regarder le matin dans sa salle de bain avant de parler de différences qui n'en sont pas. Ce vieux fachiste serait éliminer à la frontière Colombienne s'il osait ne serait-ce y faire qu'un pas. Ce genre de phénomène subordonné n'aime que son espèce de bons hommes aux bras longs comme la seine où leurs doigts crochus vous acèrent sur la place publique sans en débattre. La moindre incartade ne vous est permise sous peine d'être décapité sous la guillotine à la lame aiguisée. Heureusement pour moi, cette dernière ne sert qu'à couper le saucisson de nos jours, ou mon châtiment n'aurait tardé.

- Nous parlons de produits frais Edwige, réplique alors Damian, et non d'origines. Ne sortez pas les choses de leur contexte. Nous sommes ici pour trouver la demi-mesure et investir tout en étant plus responsables. Mieux consommer pour mieux produire. Ne pensez-vous donc pas que des employés soignés ne mettent pas plus d'investissement dans les tâches leur étant confiées ?

Locamente Tuyo ♤ Tome 2 ♤ ( EN COURS )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant