Chapitre 5

29 5 1
                                    

Mes yeux s'ouvrent difficilement, ils me brûlent atrocement dû au nombre de larmes que j'ai fait couler hier. Je me sens à la fois fatigué mais libéré également. Je me remémore petit à petit les événements de la veille : moi essayant de sauter de mon balcon du 7ème étage, Ezra m'en empêchant et me prenant dans ses bras. Il m'a même porté sur mon lit et je me suis endormi dans ses bras.

Je réalise qu'il n'est d'ailleurs pas dans mon lit, je me redresse en l'appelant mais celui-ci ne répond pas. La panique prend le dessus et je bondis hors de mon lit pour courir vers le salon. Je me calme lorsque je le vois sur sa plateforme de charge, celle-ci venant tout juste de se terminer. Sa tête se redresse et ses yeux s'ouvrent comme à son premier jour.

-Bonjour Swann, ton cœur bat vite.
-Oui pardon j'ai...j'ai paniqué quand je t'ai pas vu.
-Désolé je ne voulais pas t'effrayer, ma batterie était faible.
-Oui pas de soucis...

Je viens m'asseoir sur mon canapé et me frotte les yeux qui me font toujours mal. Ezra revient en me tendant un linge humide.

-Tu devrais humidifier tes yeux, le froid de l'eau aide à les faire dégonfler.
-Merci...

Je prends celui-ci et ferme les yeux pour le mettre dessus. Je reste un moment ainsi avant de le retirer. Il est toujours à mes côtés à attendre. Un long silence se met en place pendant que je lui redonne le linge.

-Tu veux parler d'hier ?
-A quoi bon tu as tout vu...
-Mais tu pourrais avoir l'envie d'en parler, ça fait toujours du bien.

Je reste un moment sans rien dire et il vient prendre place auprès de moi sur le canapé.

-C'était la première fois ?
-Non pas vraiment, quand j'étais au collège j'ai avalé plusieurs médicaments, c'est ma mère qui m'a vu et a appelé les secours mais à peine le lavage d'estomac fait j'étais déjà dehors limite.
-Tu n'as pas vu un spécialiste ?
-Un psy ? Non, je ne me vois pas parler de ma vie à un ou une inconnue je ne suis pas à l'aise avec ça.
-Pourtant je suis un inconnu.

Ma tête se tourne vers lui et nos regards se croisent pendant un moment, ses yeux sont vraiment spéciaux.

-Non plus maintenant.
-Et il y a eu d'autres tentatives ?
-Quelques fois j'y pensais sans franchir le cap, je veux juste que...que tout ça s'arrête...que tout ce que je ressente, ce que je vis, ce que je pense, cessent. J'en peux plus...

Il hésite un moment avant de venir caresser mon dos dans un geste réconfortant. Je renifle légèrement pour chasser le début de sanglot qui revient.

-Tu es la première personne à qui j'en parle.
-Tu n'as pas d'amis ?
-Si bien sûr mais...j'ai du mal à en parler, ils me voient comme le fils riche qui a de la chance, puis mes problèmes ne sont pas les leurs.
-Ce sont vraiment ce qu'ils pensent ou des déductions ?
-...Des suppositions.
-Ce n'est peut être pas vrai alors.

Je hausse les épaules en m'affalant sur le canapé.

-J'en sais rien, de toute façon ça ne servirait à rien je les dérangerais juste.
-Parler à des proches peut te soulager.
-Peut-être.

Il reste silencieux en me regardant.

-Bref.
-Je ne comprends pas pourquoi tu continue de côtoyer ta famille, celle-ci semble être une source d'angoisse et d'anxiété qui nuit à ta santé.
-C'est ca la famille, parfois elle est toxique mais on doit faire avec.
-Personne n'est obligé de vivre avec ça, ne dit-on pas qu'une famille se choisit ?

Je souris légèrement et tourne mon regard vers lui.

-Pour un androïde, tu es vachement humain.
-Es ce mal ?
-Non, je pense que je préfère ça à une machine qui me répond comme dans les vieux films.
-J'ai cru comprendre que l'existence de mon "espèce" suscitait bon nombre d'avis négatifs.
-Parce que les gens ont peur.
-De quoi ?
-Que vous nous remplaciez, que vous disjonctez et tuez tout le monde, on a beaucoup vécu avec des films nous prédisant ça surtout les vieilles générations de 2010 je crois.

Il semble réfléchir un moment, ou peut être que je veux mettre trop d'émotions humaines sur lui.

-Enfin bref, je suis encore en vie donc bon, je vais prendre une douche je reviens.
-D'accord.

Je me redresse et prends rapidement des changes avant de me diriger vers la salle de bain, j'appuie sur mon miroir qui s'illumine sur les côtés.

-Artemis, lance ma playlist.
-Playlist "douche" en cours.

Je pose ensuite mes affaires avant de me déshabiller et de faire couler l'eau sur mon corps. L'eau chaude apaise mes muscles un moment et petit à petit j'augmente la chaleur, toujours l'impression que ce n'est jamais assez chaud.
Une fois fini, je sors et observe mon reflet sur mon miroir. Mes taches de rousseurs sont presque invisibles au vu de ma peau devenue rouge qui accompagne mes yeux bleus bouffis.

-Artemis, lance un scan.
-Scan en cours...
Poids : 56 kilos, taille : 1m70. Souhaitez vous un tuto pour vos cernes et vos yeux ?
-Non ca ira, tu peux t'éteindre.

Je m'habille tranquillement avant d'éteindre totalement le miroir et de rejoindre Ezra qui préparait le repas.

-Tu as trouvé de quoi faire alors ?
-C'est compliqué, mais j'ai fait des lentilles accompagnées de restes de poulet, mais il faudrait vraiment refaire ton inventaire.
-Ouais je sais...j'attends la bourse pour faire des courses, en attendant je vais aller au marché récupérer des invendus, peut être que ça pourra le faire.

Il acquiesce puis je m'assois pour manger, il reste débout à nettoyer ce qui je dois avouer me fait de la peine. Je sais que ce n'est qu'un robot qu'il ne ressent ni fatigue ni douleur ni faim, mais le voir faire tout à ma place...Peut être que Liam avait raison, je l'exploite ? Et si il ressentait vraiment quelque chose ? Je suis un monstre ? Dois-je lui dire de partir ?

-Swann ?
-Mmh ?
-Tu semble dans tes pensées, le repas ne va pas ?
-Oh si si pardon...dis...tu ressens des...trucs ?
-Mes capteurs sensoriels peuvent ressentir le toucher oui.
-Non pas ça, des sentiments.
-Négatif, je ne ressens aucun sentiment humain.
-Tu es sûr de toi ?
-Bien sûr, pourquoi cette question ?
-Comme ça...

Je continue mon repas en le regardant quelques fois.

-Assis toi quand même, reste pas debout comme ça...

Il obéit directement, la première fois qu'il est venu j'avais peur de lui. Puis plus le temps passe, plus j'ai peur pour lui.

EzraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant