Chapitre 11

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La voix de Ezra essaie de me tirer de mon sommeil lourd mais mon corps veut en décider autrement, ce n'est que en sentant sa main venir caresser lentement mes cheveux que mes yeux s'ouvrent pour découvrir son visage.

-Il est neuf heures Swann...
-Oh merde !

Je me précipite pour attraper mes affaires et me changer au plus vite, l'adrénaline me faisant oublier toute pudeur, ce qui ne dérange pas Ezra qui prépare d'avance mon sac de cours. Je refuse de prendre mon déjeuner mais n'écoutant pas mes ordres il me glisse une pomme dans mon sac avant de me laisser partir en courant. Je ne sais pourquoi je me ne me suis pas réveillé ou pourquoi mon réveil ne s'est pas déclenché mais je continue de courir comme si ma vie en dépendait.

Une fois dans l'école, j'arrive à bout de souffle devant la porte de ma professeure qui me refuse l'entrée, pour à peine 30 minutes de cours je peux comprendre. J'en profite tout de même pour aller faire justifier mon absence afin de ne pas perdre ma bourse puis me dirige vers la classe de mon professeur de dessin. Je toque légèrement et attends l'autorisation pour l'ouvrir.

-Swann ? Mais nous n'avons cours qu'à seize heures.
-Je sais mais j'ai retravaillé sur le devoir de la dernière fois et j'aimerais vous le montrer.
-Ah, vas-y.

Je fouille dans mon sac et une fois trouvé je le lui donne. Il analyse celui-ci et un petit sourire se dessine sur ses lèvres.

-Et ba tu vois quand tu veux, là on ressent ta patte, ton style, c'est ça que j'attendais.
-Merci...
-Maintenant je veux cette qualité à chacun de tes travaux, d'accord ?
-Je vais faire de mon mieux, merci monsieur.

Il me salue gentiment puis je pars en avance à mon prochain cours le sourire aux lèvres.

Une fois la pause commencée je m'installe avec mon plateau repas sur une table seul comme à mon habitude, même si Ezra ne mange pas ça fait plaisir de l'avoir à ma table, je m'en rends bien compte quand vient l'heure du midi. C'est dommage qu'il n'ait pas une sorte de téléphone intégré, j'aurais pu lui parler au lieu de m'ennuyer tout seul ici...

En parlant de portable, le mien se met à vibrer. Je soupire longuement en devinant d'avance que ce n'était pas une bonne nouvelle, j'en reçois jamais. Je le saisis et lit le nouveau message que venait de m'envoyer ma mère.

Celui-ci me prévenait qu'ils fêteraient l'anniversaire d'Hélio chez eux, dans quelques jours.

Je n'ai tellement pas envie de revivre ça encore une fois, surtout après la dernière scène de ménage. Mais mon neveu ne mérite pas que je lui fasse payer l'attitude de cette famille désastreuse. L'ennui, c'est que j'ai aucun argent pour lui faire de cadeau.

L'idée de venir sans rien est clairement impossible, mais je n'ai rien chez moi à bricoler ou même à tout simplement offrir. Ce problème me reste dans la tête toute la journée, si bien qu'à mon retour ce fût la première chose que j'annonce à Ezra.

-Pourquoi pas lui faire un dessin ? Tu as tout ce qu'il faut pour et je suis sûr qu'un cadeau ayant demandé du travail et de l'affection lui fera plus plaisir que n'importe quel autre.
-Oui c'est vrai tu n'as pas tord. Merci !

Comme à son habitude il me sourit, je me dirige donc vers mon bureau et prépare tout ce qu'il faut pour commencer. Le problème, c'est que je n'ai aucune idée. Je me mets donc à fouiller dans les photos de mon portable en quête d'idées. Je rassemble rapidement dans une petite liste ce qu'il aime et essaye de créer un brouillon pour inclure tout ce qu'il adore dans le dessin sans que ça paraisse désordonné.

Hélio aime la couleur violette, je vais donc créer un paysage avec en majorité cette teinte. Je sais qu'il préfère la nature à la ville et décide donc de dessiner ce type de paysage en incluant des perroquets, son animal fétiche.

Dans le milieu de la feuille, il y aurait lui, jouant du violon avec un air apaisé. J'essaie de faire retranscrire le plus possible sa personnalité à travers ce bout de papier et commence à créer sur la vraie feuille cette fois. Le temps passe si vite que je n'entends même pas Ezra m'appeler pour le dîner, l'obligeant à venir me tapoter l'épaule pour le rejoindre.

Pendant que je m'assois, je demande à la télé de s'allumer pour démarrer un bruit de fond, une vieille habitude que j'avais seul et que je continue d'avoir malgré la présence de mon camarade. Quelques chaînes d'infos informent que de plus en plus de personnes se mettent à acheter des androïdes, nous avons même le droit à un rapide reportage sur leur construction ainsi qu'une interview sur le lanceur de tout ceci, âgé maintenant de 89 ans. Mais rapidement le sujet change pour montrer les boutiques de robot vandalisées, certains racontent que leurs achats se sont fait détruire dans la rue.

Ne voulant pas déclencher ne serais-ce qu'un soupçons de peur chez Ezra je change directement de chaîne pour esquiver le sujet.

-Ne t'inquiète pas je ne te laisserais pas sortir tout seul.
-Je n'ai pas peur.
-Oui je sais...mais tu ne sortiras pas seul quand même, y'a des gens mauvais dans les rues.
-Sont ils des personnes mauvaises parce qu'ils ont peur ?
-Avoir peur ne justifie pas la violence, on peut avoir peur, ne pas être d'accord et rester à l'écart plutôt que de venir les tuer tu comprends ?
-Nous ne mourrons pas, nous ne sommes pas vivants.

Je marmonne faiblement en continuant de manger.

-C'est pareil.
-Les humains meurent, mais nous, nous pouvons être réparés, réinitialisés, si notre carte mémoire n'est pas défectueuse nous pouvons changer de corps sans perdre nos informations sauvegardées, contrairement aux humains.
-Ouais j'ai capté...

Face à mon ton blasé, il me regarde avec sa tête l'air perdu.

-Le fait que je ne sois pas vivant te déplaît-il ?
-Non, c'est le fait que tu te décris comme un ordinateur, un portable ou n'importe quoi d'autre qu'un objet.
-Mais c'est ce que je suis.
-Non Ezra.

Il reste dans le flou le temps que je finisse mon assiette.

-Tu es bien plus qu'un objet pour moi.

EzraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant