Chapitre 21

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Depuis mon récent déclic, les idées ne cessent de surgir dans ma tête. Je suis tellement pris par celles-ci que j'en oublie presque que je suis en cours.

-Swann, c'est ton tour.

Je panique en descendant rapidement de mon nuage, je regarde aux alentours pour trouver un indice sur ce à quoi on m'interroge avant de voir les élèves tenir leurs dessins dans leurs mains. C'est vrai, on doit présenter nos dessins récents aujourd'hui. Mes mains agrippent rapidement mes travaux et je m'avance ensuite devant la classe. Le stress monte peu à peu, je déteste avoir les regards rivés sur moi comme ça. Je ne compte plus le nombre de cauchemars que j'ai fait dans cette position.

-Alors euh..hum...je...je me suis entraîné sur plusieurs méthodes et sur différents thèmes.

Je me retourne pour tenter d'accrocher mes dessins mais sous le stress je fais tout tomber sur le sol, déclenchant les rires de mes camarades qui ne fait que serrer mon cœur et mes tripes. Je lâche un regard désespéré envers mon professeur qui me fait signe de respirer. Je tente cette technique et remet mes dessins en place.

-Alors...sur le premier, j'ai tenté l'aquarelle, le deuxième est un dessin fait sur tablette et pour le troisième j'ai voulu essayer de dessiner uniquement avec des éléments naturels, j'ai utilisé des fleurs ou des fruits pour développer les pigments voulus.

J'explique ensuite calmement ma façon de procéder en décortiquant l'histoire derrière chaque dessin. Quelques-uns m'écoutent à peine ce qui ne me dérange pas, je préfère largement ça. Une main se lève et je peux reconnaître la fameuse fille dont c'était l'anniversaire il y a quelques semaines, cette soirée horrible ou mon estomac tout entier était remonté.

-Euh oui ?
-Excuse moi hein mais, tu fais encore des erreurs qu'on est plus censé faire maintenant, les corps sont déformés, en particulier quand tu fais du réalisme. Et ensuite personnellement ton style est commun à tout ce qu'on a déjà vu avant.

Je ne sais quoi répondre sur le moment, ma tête a envie de crier "Et alors toi tu dessines toujours la même chose aussi et on dit rien" ou encore "Moi au moins j'essaie d'évoluer" d'autres phrases encore me viennent en tête, mais rien ne sort. Je reste muet.

-Ouais je suis d'accord.

C'est le coup de poignard en plus, il fallait que les autres élèves se mettent de son côté. Mon cœur se brise petit à petit et mes dents viennent mordre l'intérieur de mes joues violemment pour forcer mes larmes à rester là où elles sont. Le professeur me donne ensuite plusieurs conseils que je n'arrive pas à prendre bien, pour moi c'est simplement des critiques en plus. Je ne sors toujours aucun mot et remballe mes affaires une fois fini pour rejoindre ma place. Je cache mes larmes avec mes cahiers jusqu'à la fin du cours. Cette fois j'attends que tout le monde s'en aille avant de commencer à partir.

-Swann attend deux minutes s'il te plait.

Eh merde. Je sèche rapidement mes larmes et rejoint le professeur, la gorge nouée.

-Je voudrais pas que tu prennes mal les conseils qu'on te donne, si on fait ça ce n'est aucunement pour te juger mais pour que tu progresses d'accord ?

Impossible pour moi de parler, je ne fais que hocher la tête. Il continue pendant plusieurs minutes à me dire que je vais réussir, que il me faut juste du temps. Mais mon cerveau s'est déjà réfugié dans sa bulle, le protégeant des remarques extérieures. Une fois son speech fini, j'enfile mon casque audio et augmente le volume pour ne plus entendre personne.

Mes pas se font lourd jusqu'à ma porte d'entrée, à peine ma clé mise dans la serrure Ezra m'ouvre comme à son habitude. Je le salue à peine et me réfugie dans ses bras immédiatement. C'est devenu presque un rituel maintenant, ses bras sont devenus mon foyer et à chaque fois que je me sens mal je m'y plonge dedans.

-Mauvaise journée ?
-Ouais...

Sa main vient caresser mes cheveux avec lenteur. Attendant que mes pleurs cessent petit à petit. Une fois le calme retrouvé, je me dirige vers mon bureau pour recommencer mes dessins critiqués plus tôt. Même si la motivation est clairement partie, j'essaie d'écouter leurs "conseils" plutôt que ma tête qui me dit de tout jeter. Je passe plusieurs heures dessus et Ezra vient m'apporter un verre d'eau, regardant ce que je faisais. Il fait toujours ca quand je dessine, m'observant comme si ce que je créais était intéressant.

-Tu veux essayer ?

Il me regarde, un moment perplexe. C'est sortit si naturellement de ma bouche et ca semblait moins bizarre dans ma tête.

-Je ne suis pas sûr de pouvoir.
-Tu peux toujours tenter, c'est pas toi qui me dit qu'il faut toujours essayer ?

Il me sourit un moment et s'assit à mes côtés, cherchant d'abord un modèle avant de se mettre à dessiner sur sa feuille. Je l'observe un moment et tout semble si mécanique, il ne doute pas une seule seconde et finit en quelques minutes par me faire le portrait craché de Tobias et Elias. C'est un portrait réaliste mais cela ressemble plus à une photocopie qu'un dessin.

-C'est...vachement bien réussi, mais le dessin ce n'est pas juste recopier ce que tu vois, il faut que tu mette un peu de toi dedans tu vois ?
-...Comment je peux me mettre moi-même dans un dessin ?
-Et bien il faut te trouver un style, déjà ce que tu préfères comme matériel, ensuite tu trouveras en essayant. Certains mélangent les styles, d'autres utilisent les couleurs pour se démarquer, d'autres ont un style plus marqué par exemple en dessinant sous des formes géométriques ou...enfin bref y'a pleins de façon, mais je suis sûr que tu trouveras.

Il regarde un moment son dessin avant de redresser la tête vers moi.

-Je pense pas que je sois créé pour faire ca.
-Tout le monde peut changer, tu crois que mes parents m'ont "créé" pour que je devienne dessinateur ?
-Mais tu es humain, je suis un androïde.

Je perds un peu mon sourire, parfois j'aimerais vivre dans le déni et me dire que tu es humain, ça me laisserait croire que tu apprécies réellement ma compagnie.

EzraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant