3. Virus (Wolfstar) 🦉

136 19 10
                                    

(ça m'avait manqué x)

média : saagai (deviantart, tumblr)

tw : culpabilité, angoisse

Impossible de décrire où j'ai passé la nuit. Je sais que je ne dormais pas, que je me suis fait cette blessure à la jambe. Et au torse. Et au bras... Mais si j'essaye de fouiller dans ma tête, c'est le trou noir. Je n'essaye pas. Ça me donne la migraine.

Les gars me le raconteront. Peter est plutôt silencieux même s'il se plait à décrire les endroits explorés dans les moindres détails - quand personne ne monopolise la parole - et James parle surtout de lui-même... Mais Sirius se souvient toujours de ce que le loup à fait.

Ce matin là - qui est sans doute un après-midi, en fait - mon ventre me réveille. Après une pleine lune, il n'y a que la faim pour dépasser la fatigue.

Mais dès que mes yeux s'ouvrent, deux visages réduisent mon champ de vision. Le premier est celui de James, quasiment collé à mon oeil dans l'idée de me réveiller par la force de son regard. Le second, la mine gênée de Peter.

Bizarre que Sirius n'accompagne pas James dans son exploration de mes sourcils. Ils sont toujours trois quand j'émerge, d'habitude.

Pas le temps pour les questions, Mme Pomfresh pousse James sur un coté et tire des rideaux vert autour de mon lit. J'ai à peine réalisé que j'étais dans l'infirmerie. Je suis complètement sonné. Plus que je le suis d'habitude. Mais j'ai moins mal, à croire que je me suis moins acharné sur moi-même.

Elle soigne les égratignures superficielles d'un coup de baguette et fait les pansements sans un mot. Quand elle a finit, elle me prend la main. Je me fige. Ça, elle ne fait pas ça d'habitude.

« Écoute, Remus. Je te connais depuis six ans maintenant, et, si je ne le dis pas ce n'est pas que je ne le pense pas : tu es une bonne personne, tu ne mérite aucune des horreurs qui te sont arrivées ou qui t'arriveront et tu ne dois pas te sentir coupable d'exister.

- Je... eu... merci. »

Je me sentirai touché quand l'inquiétude sera passée, j'imagine. Pour le moment je me demande si je n'ai pas chopé une maladie mortelle ou...

Dans toute cette histoire de loup-garou, la douleur de la transformation et des blessures ne sont rien comparées à l'idée que j'ai pû faire souffrir quelqu'un. Mes yeux s'écarquillent et je me redresse en sursaut, peu importe que Mme Pomfresh essaye de me maintenir en place. Inutile de demander quoi que ce soit de plus, je ne me souviens de rien mais n'empêche que je connais toutes les réponses.

Je me lève sans prêter attention aux blessures qui me lacèrent les jambes ni au fait que je suis torse nu et que n'importe qui peut me voir alors que je m'efforce de cacher mon corps, d'habitude. Je m'en fou. Je n'accorde pas non plus une seconde aux paires de bras de James et Peter qui s'étendent pour me retenir. Il y a un lit encadré d'un rideau vert, similaire à ceux qu'on prépare pour moi d'habitude. Je ne vois que ça. Quand j'écarte les draps je vois le visage connu de Sirius. Il dort comme un bébé, mais je connais. Je connais tout ça.

Je sais que son teint n'a jamais été aussi pâle, son drap trop droit trahi son immobilité alors que je sais qu'il bouge beaucoup, quand il dort. Je sais qu'il ne boutonne jamais entièrement sa chemise. Qu'est-ce qu'il cache ?

Qu'est-ce que je lui ai fait ?

« Moony... commence Peter en posant une main sur mon épaule que je repousse avec violence.

- Je savais que je n'aurai jamais dut accepter, que c'était imprudent. Je savais bien que j'allais finir par vous faire du mal !

À cause du choc, je n'arrive même pas à pleurer. 

- Ce n'est pas de ta faute, il reprend. 

- Bien sûr que c'est de ma faute, putain ! Tu crois peut-être que c'était à Sirius de faire attention ? Mais non ! C'est ma responsabilité. C'est moi le monstre. 

- T'es pas un monstre, Moony. »

Je tressaille et rassemble tout mon courage pour regarder Sirius qui a ouvert les yeux et qui plante son regard dans le mien. Je sais pas si je dois le serrer dans mes bras ou m'échapper le plus loin possible de lui, pour ne pas avoir à l'affronter. J'ai honte de lui avoir fait ça. Il a pas l'air de m'en vouloir, l'inconscient. Il ne se rend pas compte de ce que c'est que de vivre avec un loup enragé dans la tête. De devoir lui offrir notre corps tout les mois jusqu'à la mort. 

« Tu réalise pas encore. C'est très grave. Je t'ai fait très mal. Et tu aura encore plus mal maintenant, à cause de moi, pendant toute ta vie. Je... Je t'ai tué.

- Je suis pas mort, Moony. Je suis juste un loup-garou. 

- Mais tu pourrais en mourir ! 

- Oui, comme je pourrais mourir de n'importe quoi d'autre !

- Tu ne dira plus ça après ta première transformation ! Tu me maudira, t'aura envie de m'étriper, tu n'aura jamais autant de rage contre personne que contre moi et tu feras des cauchemars dans lesquels je te mords et... seigneur, dis moi que je n'ai fait que te mordre !?

- Tu n'as fait que le mordre, Remus. Intervient James.

C'est déjà trop. Pourquoi ils ne comprennent pas ? Pourquoi ils ne m'en veulent pas ?

Je vais être renvoyé de l'école, je réalise. Après un truc pareil Dumbledore ne me tolérera plus. 

- Moony. Je ne t'en veux pas. Je suis pas heureux, c'est clair, et j'avais pas prévu ça, mais je t'en veux pas. Je peux vivre comme ça. J'aurai jamais envie de te faire du mal, je sais que tu n'es pas un monstre, que tu n'as pas fait exprès, que tu n'a pas voulu me faire de mal non plus. Je ne suis pas en colère contre toi. C'était un accident. Si j'en fais des cauchemars tu n'en sera pas le méchant. »

Je sens des larmes couler sur ma peau. Je pourrais jamais me le pardonner.

« Tu n'es pas Greyback... il continue, plus bas, pour que James et Peter n'entendent pas. 

- Qu'est-ce qu'on a de différent, hein ? On piétine la vie des autres à cause de notre maladie et on leurs transmet le virus, pour toujours, jusqu'à ce que ça devienne un morceau de leurs identité et que... 

- Stop ! Remus. Stop. Tu n'as rien avoir avec lui. Tu es quelqu'un de bien.

- Putain mais ça ne veut rien dire, ça ! Il n'y a pas de gentil ou de méchant. N'importe qui peut devenir monstrueux. Dire que t'es "quelqu'un de bien" c'est pas une protection qui t'empêche de détruire la vie des autres ! On est tous∙tes un peu des connards∙asses et un peu des anges. 

- Justement. Je sais que tu es beaucoup plus un ange qu'un connard. Je te connais... Et... je t'aime trop pour t'en vouloir. Je sais que tu t'en veux déjà assez pour deux. C'est pas du tout la même chose que pour toi. Tu n'as pas fait exprès, tu n'avais pas d'intentions néfastes. Je sais que ce n'est pas de ta faute. Et j'ai besoin de toi, je veux pas que tu te sente coupable. S'il te plait. Ce qui est fait est fait. »

Mais je sais que j'ai détruit sa vie. Je sais qu'à l'avenir on s'y fera, qu'on peu surmonter ça, mais je me déteste encore plus qu'après ma morsure, qu'après les insultes que j'ai entendues sur les loups-garous, qu'après les fois où j'ai dû le dire. Je m'en veux d'incarner le stéréotype qui dit que nous sommes un danger pour les autres. Ça me rapproche de Greyback. Se sentait-il comme ça, la première fois qu'il a mordu quelqu'un ? On disait peut-être de lui aussi que c'était "quelqu'un de bien" ? 


« Peut-être. » Dira Sirius des années plus tard dans notre appartement. 

Il est appuyé contre moi et regarde la lune depuis la fenêtre, tant qu'elle n'est pas pleine. 

« Mais c'est si tu laisse ça te ronger que tu deviendra comme lui. Il faut que tu lutte pour continuer de t'aimer malgré tout si tu veux rester toi-même. Ne te résumes pas à cet accident. Tu n'es pas lui. Pas parce qu'il est méchant et toi gentil mais juste parce que vous n'êtes pas les mêmes personnes et qu'il y a mille de façons d'être loup-garou. Ça dépend des cas. Mais dans mon cas tu es pardonné depuis longtemps. Tu vois bien : je ne suis pas mort et je ne t'en veux toujours pas. »

les apocalypses arrivent à tout les mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant