Ragen étouffait. Elle n'avait pas ressenti un tel manque d'oxygène depuis ses premiers jours au Gouffre de Staumos, lorsqu'on l'envoyait copier des ouvrages ou quérir une information dans l'une des galeries les plus profondes et exiguës de la bibliothèque. Elle se revoyait à demi accroupie dans les tunnels, suffocant entre les parois trop serrées pour sa cage thoracique. Elle tentait de se tenir le plus loin possible de la chaleur que dégageait sa lampe à huile, tout en tirant assez profit de sa lumière pour déchiffrer les inscriptions. Féodor était sa nouvelle lampe à huile, et la caisse ses nouveaux tunnels. La chaleur que dégageait leurs deux corps accolés, pris au piège dans leur cercueil de bois, était insoutenable.
Malgré son envie de crier et de se débattre, Ragen resta silencieuse et immobile. Elle n'aurait pas su dire depuis combien de temps ils étaient enfermés là-dedans, dans le noir total. Des heures, probablement. Ni elle ni Féodor n'avait dit un seul mot depuis que le vieil homme les avait enfermé là. Le silence avait été synonyme de sécurité au début. A présent, il était angoissant.
Ragen imaginait se faire tirer de là par les cheveux, et passer au fil de l'épée sans autre forme de procès. Elle s'imaginait vendue comme esclave par leur « sauveur ». Elle s'imaginait échangée aux autorités Aqabiennes contre une rançon. Les pires atrocités s'enchainaient dans son esprit, que toute lucidité avait fui au fur et à mesure de sa lente asphyxie.
Des pas résonnèrent sur le plancher. Le visage de Ragen se crispa. Son souffle était saccadé. Sa propre respiration lui paraissait assourdissante, alors même qu'elle tentait de se faire le plus silencieuse possible. Soudain, la planche au-dessus d'eux se souleva, et de l'air frais s'engouffra dans la caisse.
Ragen et Féodor inspirèrent à pleins poumons. Le jeune homme s'extirpa du coffre en grimaçant, et Ragen sentit son sang gagner à nouveau ses membres engourdis. Méfiante, elle jeta un œil à l'extérieur, puis sortit timidement.
Devant eux, le vieil homme souriait.
– Eh bien, je ne sais pas ce que vous leur avez fait, mais ils étaient bien décidés à vous trouver !
Il ne prenait aucune précaution de discrétion, et parlait d'une voix forte. Ragen jeta un œil vers l'arrière du chariot.
– Nous ne sommes plus à Kniga, devina-t-elle.
A l'extérieur, un paysage rocailleux s'étendait, parsemé de végétation. Le soleil déclinait, et projetait les ombres des rochers et des arbres sur une file de chariots qui avançait au pas. Etrangement, le plancher ne tremblait pas sous leurs pieds.
– Je n'avais pas remarqué que nous nous étions mis en marche, s'étonna Feodor. Nous sommes loin de la ville ?
– J'ai pu acheter des suspensions mécaniques de bonne qualité à Kniga, expliqua le vieil homme. Vos artisans font des merveilles. Mon dos leur en est reconnaissant. Ma bourse un peu moins.
Il marqua une pause, et détailla le visage de ses deux passagers.
– On a passé les portes de la cité il y a environ une heure, reprit-il plus sérieusement. Nous sommes encore à portée, et je vous conseille de rester dedans encore un petit moment. Si on vous pose la question, vous dites que c'est Adelberto qui vous a engagé pour l'aider. Vous pouvez m'appeler Adel.
Il tourna les talons et se dirigea vers l'ouverture. Au moment où il allait mettre pied à terre, Ragen l'interrompit :
– Adel !
Le vieil homme se retourna.
– Merci, dit-elle. Merci pour ce que vous avez fait.
Le vieil homme sourit, puis descendit du chariot pour regagner sa place de conducteur.
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Les parias (fanfic Game of Rôles)
AdventureL'histoire se déroule dans le monde d'Aria créé par FibreTigre. Feodor et son ami Vassili sont deux jeunes habitant du quartier le plus pauvre de la cité mécanique de Kniga. Leurs caractères sont diamétralement opposés, et pourtant, ils sont insépar...