Chapitre 4

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Féodor tira une longue bouffée sur le tuyau relié au narguilé posé devant lui. La fumée brûla ses poumons, et il sentit instantanément les effets relaxants du thoum relâcher ses muscles. Il pencha la tête en arrière, puis expira une longue traînée vaporeuse qui se répandit dans l'air.

Assis sur un tapis troué, Vassili avait les mains jointes devant son visage. Au-dessus de lui, tel un soleil, le grand cristal dardait des rayons de lumière jaune à travers une fenêtre, qui venaient danser avec le nuage de fumée blanchâtre.

– On n'y arrivera jamais, déclara Féodor en lui tendant le tuyau du narguilé.

Le regard dans le vague, Vassili le saisit machinalement et tira une bouffée.

– Non mais sérieusement, insista Féodor d'une voix anxieuse. On ne va pas réellement le faire. Je veux dire, c'est du suicide. Je n'ai jamais rien volé de ma vie, moi. Vassili ! Tu m'écoutes ? Vassili !

L'intéressé cligna des yeux comme s'il reprenait ses esprits. Il chassa la fumée qui lui caressait le visage, et riva son regard dans celui de son ami.

– Est-ce qu'on a vraiment le choix ?

– Bien sûr qu'on a le choix ! explosa Féodor. Je n'ai pas accepté leur offre, et toi non plus !

L'interpellé restait songeur. Il pesait le pour et le contre.

– De toute façon, il ne s'agit pas de « voler ».

– Le principe reste le même. S'introduire quelque part et en ressortir avec quelque chose, c'est du vol.

Vassili leva les yeux au ciel, pensif. Il s'était déjà introduit en douce dans beaucoup d'endroits. Mais jamais dans des bâtiments officiels, et encore moins dans des bâtiments dont l'autorité ne relevait pas de Kniga. Il risquait gros sur ce coup. Les lois d'Aqabah avaient la réputation d'être bien moins permissives que celles de la cité mécanique. S'il se faisait attraper au sein de l'ambassade, il risquait gros.

D'un autre côté, des études financées à l'Académie d'Alchimie. Son rêve depuis toujours. C'était une opportunité unique.

– Ecoute, Vassili : rien ne t'oblige à faire ça, reprit calmement Féodor. S'introduire par effraction dans une ambassade est quelque chose de très grave. Si tu te fais choper à l'intérieur, les lois de Kniga ne te seront d'aucun secours. Ni avocat, ni même peut-être procès. On raconte des choses terribles en ce qui concerne les criminels, là-bas.

– Rien ne t'oblige à m'accompagner, Féodor.

Ce dernier resta coi. Il n'avait aucunement l'intention de suivre Vassili dans ce projet insensé. Il voulait simplement que son ami y renonce tout bonnement.

La fumée blanche baignait complètement la pièce à présent, et Féodor avait du mal à distinguer nettement le visage de son ami. Le thoum avait probablement sa part de responsabilités.

– De toute manière, reprit Vassili, la guilde m'a donné trois jours pour leur fournir une réponse. Après quoi, l'offre ne sera plus valable. J'ai encore trois jours de réflexion.

Féodor soupira, puis tira une nouvelle bouffée sur le narguilé.

En effet, tu as trois jours pour te décider, pensa-t-il, et moi j'ai trois jours pour te convaincre de renoncer.

Le thoum montait à présent à la tête de Féodor. Les effets de la plante, mêlés à la fatigue de sa journée de travail, ne tardèrent pas à le faire somnoler. Il s'installa un peu plus confortablement contre la pierre froide du mur sur lequel il était adossé.

Lorsqu'il se réveilla, il sentit grandir en lui une sensation de malaise. Vassili avait disparu. Le silence environnant était pesant. Il faisait nuit dehors, Féodor en était certain. Malgré la lueur constante du cristal jaune au-dessus du quartier des indigènes, chaque habitant avait développé une horloge biologique sans faille. Féodor estimait qu'il était environ trois heures du matin. Il s'étira et se leva. Il comprit alors ce qui clochait.

Les parias (fanfic Game of Rôles)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant