Chapitre 29 : Autodestruction

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L'avion allait bientôt atterrir. Dans les haut-parleurs, une voix chantante demanda à tous les passagers de rabattre leurs tablettes et de se préparer pour l'atterrissage. Estelle, la tête tournée vers le hublot, observait le paysage de Géorgie se rapprocher et grossir de plus en plus à mesure que l'avion ralentissait et se préparer à regagner la terre ferme d'Atlanta. 

Quelques instants plus tard, elle se retrouvait avec son bagage à la main, sortant de l'aéroport aux côtés de son père et de Bradley, qui étaient occupés à héler un taxi pour les amener jusqu'à l'hôtel où ils avaient réservé une chambre. Estelle ne se souvenait même plus comment elle était arrivée là. Elle se souvenait être descendue de l'avion, mais toutes les actions qui avaient suivies - récupérer sa valise, passer les portiques de sécurité - avait disparu de sa mémoire. Ces derniers jours, cela lui arrivait assez régulièrement. Certains détails de ses journées s'effaçaient de son esprit, sûrement parce que la plupart du temps, elle tentait de faire taire le monde autour d'elle, de faire taire la douleur et la peine qui se rappelaient à elle à chaque seconde qui passaient. C'était comme si elle était anesthésiée - malheureusement, à certains moments, elle devait sortir de sa léthargie et interagir avec le monde, avec Bradley, avec son père. Ces moments-là étaient les plus pénibles, car peu importe où elle regardait ou ce qu'elle entendait, tout les lui rappelait. Comme si le monde entier, dans les moindres détails, la forçait à se souvenir - à se souvenir d'eux. Et ça faisait un mal de chien. 

Finalement, ils réussirent à grimper dans un taxi. Elle entendit Bradley lui dire quelque chose, mais son esprit réagit trop lentement, et elle fut incapable de comprendre quoique se soit. En le voyant prendre ses valises et les mettre dans le coffre du véhicule, elle comprit qu'il lui avait dit de grimper directement, et elle s'exécuta machinalement. Autre chose récurrente de ces derniers jours : Bradley avait prit l'habitude d'effecteur à sa place des tas de tâches qu'habituellement, elle faisait elle-même. Estelle devinait qu'il faisait ça pour lui laisser l'opportunité de se reposer et de se remettre, et peut-être aussi car il se sentait un peu - beaucoup - démuni face à son comportement et à sa douleur. Estelle se doutait donc bien qu'en en faisant le plus possible pour elle, il faisait aussi son possible pour préserver un  tant soit peu la normalité de leur relation tout juste commencée.

 Ils arrivèrent à l'hôtel quelques minutes plus tard, mais dans son esprit embrumé, Estelle fut incapable de dire si le trajet avait été long ou court. Elle s'était contentée d'essayer de penser à tout sauf aux parents de Pierre et Isa, que Bradley, son père et elle avaient convenus de rencontrer ce soir pour manger en leur compagnie. Estelle savait déjà que voir leurs visages familiers, qui l'avaient tant de fois accueillis chez eux avec Isa et Pierre, allait être pénible, et d'une souffrance atroce. Car là-bas, dans la maison où ses deux amis avaient grandis, tout lui rappellerait leur absence, et qu'elle n'avait rien à faire là-bas sans eux. 

La chambre d'hôtel de Bradley et Estelle était située en face de celle de Maverick. Spacieuse, claire et impersonnelle, elle ressemblait à toutes les suites d'hôtel du même genre. 

"- Enfin arrivés ! s'exclama Bradley en se jetant sur le lit, laissant les valises près de la porte. Tu es fatiguée ? lui demanda-t-il ensuite, la sortant de sa torpeur. 

- Un peu", avoua-t-elle. 

Son petit-ami tapota le lit, l'invitant à venir s'allonger avec lui. Estelle retira ses chaussures et sa veste et grimpa sur l'immense lit pour venir se loger dans les bras de son pilote préféré. Elle nicha sa tête au creux de son cou, dans l'espoir de s'endormir et d'échapper au cauchemar de sa nouvelle réalité. La réalité sans elle, sans eux. Mais elle ne réussit pas à s'endormir, peu importe combien elle le voulait, et malgré les caresses tendres de Bradley dans ses cheveux et dans son dos. Et malgré tous ses efforts, elle ne parvint pas à arrêter de penser à eux, et au fait que plus jamais elle ne les reverrait, que plus jamais ils ne répondraient à ses messages, que plus jamais elle ne leur parlerait, ne rigolerait avec eux - que tout était fini, pour toujours. Et elle pleura à chaudes larmes - ce qui semblait être l'une des seules activités occupant ses journées ces derniers jours - trempant la chemise de Bradley qu'elle agrippait comme pour échapper à la souffrance. Et le blond, impuissant, ne put qu'embrasser ses cheveux bruns, resserrer son étreinte et lui murmurer des paroles rassurantes pour la rassurer un minimum. C'était tout ce qu'il pouvait faire, et savoir que ça n'enlevait rien à sa souffrance lui brisait un peu plus le cœur. 

Fly Me Away [Top Gun]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant