𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟭𝟯 ▶ 𝗥É𝗔𝗟𝗜𝗧É

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Tout se bousculait. Comment ça, à elle ? Beugue du système, redémarrage, toujours pas.

Ses joues brûlaient comme des flambeaux. Elle fixait le sol avec des yeux perdus.

Maja ? Ça va ?

Oui... Oui. répondit Alix d'un ton volatile.

Elle s'allongea sur le lit en plaçant sa tête sur les genoux de Camilo. Les doigts croisés entre eux, posés sur son ventre. Elle réfléchissait. Alma avait vraiment eu cette idée ? Était-elle idiote ou simplement trop clairvoyante ? Elle pensait pourtant bien cacher ses rougissements. Camilo en revanche, c'était une autre histoire. Elle ne savait si ses ressentis étaient partagés ou non, mais Camilo semblait adorer les séances de vol. Littéralement. Elle soupira en fermant les yeux.

À quoi tu penses ?

Sa voix était tout près. Alix rouvrit les yeux. Deux billes vertes la fixait.

À pourquoi ta grand-mère souhaite nous promettre.

Je ne comprends pas le français, Maja.

Tu ne fais juste pas d'efforts. ricana Alix.

Camilo poussa un cri semblable a un râle.

Tu me fais mal aux jambes.

― T'es sûr y'a qu'aux jambes ?

― Qu'est ce que tu insinues ?

― J'en sais rien, qu'en penses tu ?

J'en pense que tu me fais mal au jambes.

Alix se redressa en riant. Elle posa tout de même sa tête sur l'épaule de Camilo. Elle sentait sa chaleur contre elle. Il était bouillant. Son parfum embaumait son espace. Un mélange de miel, de canelle, et un léger reste d'épice pour la garniture des Arepas de Julieta.

Tu sens bon.

¿ Qué ?

― J'ai dit que tu sentais bon.

― Ah.

Il rougissait à vue de nez. Alix ne put s'empêcher de le trouver vraiment mignon comme ça, tout rouge. Tout gêné. Elle ferma les yeux. Cette scène lui rappelait étrangement une histoire que lui avait raconté sa mère. Celle de son oncle. Ce jour là elle était petite, Alix. Elle ne souvenait pas vraiment de tout les détails.

L'oncle Valin, qu'à cette époque on ne surnommait pas encore Valin le boiteux, travaillait comme cheminot sur les quais de Paris. Un matin qu'il était arrivé comme un fleur un peu plus tôt que d'habitude, il avait trouvé un train tout cabossé arrêté sur les rails. Son esprit de petit malin lui avait soufflé que ce n'était sans doute pas normal, et il était allé demander des renseignements à ses collègues qui étaient de nuit.

Il s'était avéré qu'en fait, un accident était survenu sur les voies, et que ce train était arrivé comme ça, tout cabossé, à la gare. Il était allé voir le conducteur, qui tremblait encore sur sa chaise. La seule information qu'il pu récupérer de lui était qu'il y avait encore quelqu'un à l'intérieur, mais que l'état du train empêchait toute intervention. Valin s'était proposé, fou qu'il était, pour aller récupérer le passager. C'était un jeune homme, plus vieux que Valin, mais jeune quand même, qui, à l'intérieur du train, était plongé dans un état presque comateux. Lorsque l'oncle Valin l'avait pris dans ses bras pour le sortir, le sol s'était effondré, et Valin avait eu cet accident, qui ferait qu'on le surnommerait Valin le boiteux. Mais il avait au moins réussi à sauver le passager, qui s'appelait Mathieu Sorbier.

De fil en aiguille, les deux hommes s'étaient rapprochés. Mathieu était un homme d'honneur. Il avait un dette envers Valin, et comptait bien la payer. Mais Valin refusait toujours, et s'arrangeait pour qu'il reste dîner, dans sa maison immense des quartiers de Paris.

Alix se rappellerait toujours du rire de Sandra quand sa mère lui avait raconté que son tonton sniffait le cou de Mathieu comme si son parfum était de la drogue. Puis, quelques années plus tard, ils s'étaient mis ensembles. Cette histoire était inscrite sur une photo. Cette fameuse scène où les deux hommes dormaient, main dans la main, l'un reposant tranquillement dans le cou de l'autre, avec un sourire au lèvres.

Mais Alix n'aurait sans doute jamais la chance d'une histoire pareille. D'après elle, elle finirait sûrement vieille fille au fond du village d'Encanto, entourée de ses fidèles prototypes. Mais il y avait Camilo. Camilo... Elle ne se voyait plus sans lui. À un moment, elle avait cru être malade. Son odeur sur ses vêtements, la sensation de ses cheveux dans le creux de son cou... Tout chez lui la rendait dingue. Et il le savait cet abruti. Elle en était certaine.

Elle soupira. La réalité lui semblait bien terne. Camilo faisait-il partit de la réalité, en fin de compte ? Elle s'amusait tellement avec lui... Tout ça lui semblait irréel.

Tu te vois comment, plus grand ? lança-t-elle.

De quel point de vue ? Le mien, ou celui de l'honneur familial ?

Je m'en fou de ta famille, cette fois. Je veux juste ton point de vue.

Camilo réfléchit. Alix remarquait qu'il plissait les yeux, lorsqu'il faisait ça. Il mordillait sa lèvre, aussi. Quel joueur...

Je veux me marier avec la femme que je voudrais, qui m'aimerait aussi. Vivre tranquillement, continuer mes farces, et passer du bon temps.

Elle hocha la tête. L'image de Camilo entouré de ses enfants lui vint en tête. Un grand dadais avec un sourire angélique, et des enfants tous aussi beaux. Elle secoua la tête en rougissant. Non, non, elle ne devait pas y penser. Cet avenir appartenait à Camilo, elle n'avait pas le droit de l'imaginer pour lui.

Et toi ?

Moi ça dépend. Soit je finis vieille fille entourée de mes prototypes, soit je me marie et j'aurais peut-être des enfants.

J'espère que tu auras des enfants !

Les gosses, c'est chiants. Ceux d'Encanto sont juste bien élevés. T'aurais vu la tête qu'ils avaient en banlieue...

Elle partit dans un grand éclat de rire. Camilo la regardait rire avec un mince sourire sur les lèvres. Qu'est-ce qu'il donnerait pour juste pouvoir, pendant un instant, la serrer dans ses bras sans avoir l'impression de se faire méchamment friendzoner... En plus, il n'avait aucune idée de si ses sentiments étaient réciproques. Peut être s'imaginait-il des histoires, et qu'Alix partageait son ressenti... Quoique, il serait tellement déstabilisé qu'il ne préférait pas y penser.

Un éclat de voix les fit sursauter. Leurs regards se croisèrent, et, entendus, ils glissèrent dans le toboggan à la vitesse d'un éclair.

Quoi qu'il se passait, ça sentait mauvais. Très mauvais.

𝘓𝘈 𝘔É𝘊𝘈𝘕𝘐𝘘𝘜𝘌 𝘋𝘜 𝘊𝘖𝘌𝘜𝘙 || 𝗖𝗮𝗺𝗶𝗹𝗼 𝗠𝗮𝗱𝗿𝗶𝗴𝗮𝗹 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant