SIBÉRIE

4. Substitution

« Et c'est ce qui me tue, c'est de vouloir te pardonner, de vouloir accepter ce qui ne peut l'être. »

Z

Je n'avais pas tout de suite parlé de la lettre à ma soeur, et plus grave encore, je ne l'avais pas tout de suite lu non plus. Les choix ce n'était pas vraiment ma spécialité, souvent les gens les faisaient pour moi, c'était plus simple comme ça. On ne pouvait pas me reprocher ce que je n'avais pas choisi, ce n'était donc jamais vraiment ma faute. La lettre était ainsi restée dix-neuf jours sur ma commode, bien en évidence aux yeux de tous, pour que ma soeur ait le choix de l'ouvrir, sans que je n'ai à lui demander clairement.

Elle ne l'a jamais ouverte, pour des raisons qui étaient complètement valables, et moi j'ai dû l'ouvrir, pour des raisons beaucoup moins valables. De même je ne pouvais pas en vouloir à Serr, ni à Shams, puisque j'avais fait un choix, plusieurs mêmes. Pour résumé, on pouvait dire tout cela était de ma faute, et que je n'avais pas vraiment aidé mon cas en fermant cette portière. Rien n'a été arrangé non plus quand je suis restée clouée par la peur au sol.

Les yeux du dealeur emplis de surprise, et de colère, me jaugèrent une seconde avant de tenter de fondre sur moi. C'était sans compter sur Ezra, qui lui flanqua un coup violent dans le tibia. Cela le fit chanceler, laissant assez de temps à mon binôme de se glisser de nouveau derrière son volant défraîchi. L'information du danger mortel qui me guettait monta à mon cerveau, enfin je me relevais en une fraction de seconde.

Désirant éviter de me jeter dans les bras de mon potentiel assassin, je me mis à courir à contre-sens, manquant par la même occasion de me prendre le poteau. Mon cœur sonnait dans mes tympans, comme un écho à l'orage qui avait éclaté. Si je devais prendre une balle dans le dos, j'acceptais mon destin, je l'avais choisi, tout ce bordel sans nom avait été créé de mes propres mains. Un cri rauque transperça la nuit, je jetais un regard alerte derrière moi, Ezra venait de tenter de l'écraser ! Secouant la tête exaspérée, j'accélérais la cadence, cet homme faisait seulement son travail, pas très éthique, même pas du tout, mais rien qui ne le différenciait de nous.

J'aurais pu cracher mes poumons sur le trottoir tellement continuer de courir m'était difficile, le sport étant encore un autre domaine qui ne relevait pas de mes compétences. Et si un miracle n'arrivait pas bientôt, genre très bientôt, mes jambes me lâcheraient, et ce ne serait qu'une question de temps avant que notre assaillant ne me tombe dessus. Des pneus crissèrent, si proche de moi, que je me voyais déjà me faire percuter. Ma tête se tourna à ma gauche pour y découvrir avec plaisir Ezra qui arrivait. 

— Monte, putain tu cours pas là tu marches  ! cria - t - elle alors que je pouvais entendre la pluie d'insultes de l'homme plus loin.

Elle s'arrêta brusquement, provoquant fumée et dérapage, avant de m'ouvrir. À peine la portière ouverte, je m'y engouffrais précipitamment, et aussitôt avais-je rejoint l'habitacle que des coups de feu retentirent. Mon corps fût douloureusement plaquer contre le siège grinçant quand elle redémarra à toute allure. Je ne pus m'empêcher de regarder anxieusement derrière nous, l'homme hors de lui avait rejoint sa voiture, et après quelques minutes de flottement, il se mit à notre poursuite.

Ma main tremblante s'accrocha avec force à l'accoudoir, alors que je me replaçais, cette voiture ne pourra pas tenir bien longtemps. Mon souffle ne s'était pas encore remis, et vu comment Ezra bifurquer à toutes les intersections, il n'était pas prêt de se remettre de sitôt. Je n'osais rien dire, même après vu les nombreux feux rouges grillés, des piétons qui avaient manqué de peu de se faire écrabouiller, parce que d'après mes nombreux vifs coups d'œils au rétroviseur, nous commencions à prendre de l'avance.