« Parfois je me demande si demain suffira, quand tout ce que je veux c'est ne plus avoir à vivre aujourd'hui. »Z
Malek farfouillait des papiers entassés sur son bureau. Je m'abaissais pour prendre le premier carton qui se trouvait sur mon chemin. Surprise par le poids, je me relevais avec difficulté.
- Il pèse une tonne, y a quoi dedans ? M'exclamais - je.
- Des lettres, me répondit - il absent, beaucoup trop de lettres.
- Des lettres ?
Il se tourna, et me sourit, d'un sourire doux qui venait du coeur. Ses mains vinrent s'emparer du carton pour le reposer. Son corps s'immobilisa pour réfléchir quelques instants, puis il s'échoua sur le lit. Je le rejoignis instinctivement tandis qu'il était transporté par ses pensées. Mon regard se reposa sur le bureau, là où sûrement une des lettres s'y trouvait.
- Je ne savais pas qu'on s'écrivait encore des lettres, commentais - je curieusement, et je crois n'en avoir jamais écris une d'ailleurs.
- C'est des lettres sans destinataire, expliqua - t - il, enfin il y en a un, il peut simplement pas les recevoir.
Je l'imaginais assis derrière son bureau à coucher des pensées sur papier qui ne recevront jamais aucune réponse. Cette chambre semblait être son sanctuaire. Elle était toute à son image, des vinyles trainaient sur les étagères. Des plantes reposaient sur le rebord de la fenêtre. Quelques dessins étaient exposés habillant les murs gris. Même ses vestes étaient rangés bien soigneusement sur le portant de la porte. Le peu qu'elle m'avait accueillie, je m'y étais bien sentie.
- Est - ce que Shams t'en a déjà écris une ? Lui demandais - je timidement.
- Il n'était pas du genre à écrire des lettres, répondit - il souriant légèrement. Mais il m'a amené un jour dans une papeterie qu'il avait découvert « par hasard ». Shams savait que j'adorais écrire sans même que je lui en parle. Mes doigts étaient toujours tachés d'encre. Et j'avais beaucoup de carnets qui traînaient à la maison.
- Tu ne le fais plus ?
Il regarda ses doigts immaculés en réfléchissant profondément.
- Non, et ce n'est même pas que je n'ai plus envie. Je n'y arrive juste plus. Plus aucun mot ne veut sortir on dirait. Ce n'est pas grave de toute façon les passions sont voués à s'éteindre un jour ou l'autre.
Ses paroles me serrèrent le cœur, j'étais sûre que sa passion n'était pas morte, loin de là. Juste écrasée par ce qu'il lui arrivait.
- Mais et les lettres alors ? Me souvenais - je. Tu les écris bien.
- Elles sont simplement le moyen que j'ai trouvé pour ne pas devenir fou, expliqua - t - il en haussant les épaules. J'avais besoin de parler à Shams, et d'une certaine manière ces lettres me le permettent. Ça va te paraître dingue, mais je suis sûr qu'un jour il pourra les lire. Alors chaque soir je lui écris.
Il ricana tristement en secouant la tête.
- S'il était là tu peux être sûre qu'il se moquerait de moi, ajouta - t - il.
- Si j'étais lui, j'aurais été heureuse de savoir que l'homme que j'aime m'écrivent tous les soirs alors que je ne suis plus là.
Mais c'est vrai que Shams trouverait ça incroyablement niais et naïf. Il était plus terre à terre. Pour lui à la mort on rejoignait simplement les vers et le néant. Si on était chanceux on vivait dans la mémoire de nos proches, sinon nous n'étions que d'insignifiants moments de l'histoire de l'humanité. Ezra me dit souvent que j'étais une âme sinistre et pessimiste, mais en comparaison avec mon frère j'étais un soleil éclatant.
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SIBÉRIE
RomanceZahr n'y arrive plus, elle ne peut plus vivre sans savoir ce qui est arrivé à son frère. Et elle est bien décidée à découvrir toute la vérité, aussi sombre soit elle. Pour cela, elle n'a pas le choix, elle doit suivre ses pas. Et même si cela veut...