« Ne m'en veux pas, je me suis juste perdu en route. »
Z
Des cris silencieux, des regards incompris, et surtout ce silence qui nous étouffait. Un foyer aux fondations instables qui ne semblait pourtant ne jamais vouloir s'effondrer. Ma soeur s'était pourtant levée chaque matin, avait porté ses responsabilités dont personne ne voulait, sans jamais s'en plaindre. Évidemment, elle nous avait souvent crié dessus, nous avait reproché une centaine de détails qui paraissaient ne pas compter, et pleurer les soirs où tout semblait vain. Je regrettais toutes ces fois où sa gorge avait brûlé par ma faute, ces longues nuits où elle s'est inquiétée parce que je ne rentrais pas, ce jour où je lui ai hurlé qu'elle ne valait pas mieux que ma mère. Mon ventre se tordait quand je repensais à cette jeunesse qu'on lui avait dérobé, tout en lui reprochant d'être quelqu'un qu'elle n'avait jamais demandé à être. Aujourd'hui je me rendais compte d'une réalité : alors que j'avais Shams avec moi durant ces années, elle avait été profondément seule. Si le départ de ma mère l'avait attristé, ce qui me parut incompréhensible à cette époque, c'était parce que c'était l'unique personne à en comprendre les conséquences.
L'accident avec mon père fut le seul moment où je la vis baisser les bras, la rare fois où elle avoua ne pas savoir quoi faire. Mon frère s'en occupa, et moi, j'étais restée à ne rien faire. Le poids de mes regrets n'avaient cessé de s'alourdir depuis, avec cette désagréable impression de ne faire que les mauvais choix. Dans les couloirs de cet hôpital alors que je la rejoignais, la culpabilité de ne pas avoir été la avant, de ne pas lui avoir tenu la main pendant les heures d'attente si douloureuses, me rongeait. Je retrouvais Sol qui faisait les cents pas nerveusement devant la salle de travail. Il se frottait nerveusement la tête, l'air hagard, lorsqu'il me vit une vague de soulagement passa sur son visage froissé par l'angoisse.
- Qu'est - ce que tu fous là ? L'interrogeais- je consternée qu'il ne soit pas déjà à ses côtés.
- Zahr, enfin ! Se réjouit- t - il. Elle ne veut pas de moi avec elle, je t'en prie rejoint la vite, je déteste la savoir seule.
L'envie de lui hurler dessus qu'il était un incapable de ne pas avoir forcé pour rentrer malgré tout me vint. Toutefois il était déjà mort d'inquiétude, je n'allais pas en rajouter une couche en plus. Ma main se posa rassurante sur son épaule, je lui assurais qu'il sera prévenu des moindres détails. Ma soeur grimaçant douloureusement m'accueillit, quand elle m'aperçut, un soupir lui échappa. Sans perdre une minute de plus, je saluais vaguement les infirmières qui s'affairaient déjà autour d'elle, et vins lui attraper la main fermement en me postant à sa droite.
- Désolée d'avoir prit si longtemps, lui soufflais - je en l'embrassant doucement sur la tempe, mais je suis là maintenant. On va faire ça ensemble, tout ira bien.
Ses paupières se fermèrent alors qu'elle gémissait de douleur, je n'osais lui demander si on lui avait administré la péridurale. Son teint était rougis tant par la lourdeur de l'air de la pièce que la souffrance du travail, et ce fut étrange de la voir ainsi, presque surréaliste. Nous y étions, elle allait vraiment donner la vie cette nuit.
- Mon dieu, Zahr, j'ai si peur et si je n'y arrive pas ? S'affola - t - elle en enfonçant ses ongles dans ma peau.
- Shera, on va respirer ensemble d'accord ? Tant qu'on respire, on y arrive, aller respire avec moi, lui demandais - je en jetant un regard à la sage femme qui venait de faire son entrée.
La panique l'a submergea un peu plus, l'étreinte sur ma main se resserra davantage, j'avais l'impression qu'elle allait craquer d'une seconde à l'autre. J'inspirais et expirais lentement, elle se calqua à ma respiration, et son cœur ralentit enfin la cadence. Ses yeux se rouvrirent, et son souffle se fit plus rauque encore. La sage femme releva la tête d'entre ses jambes et nous informa que c'était éminent.
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SIBÉRIE
RomanceZahr n'y arrive plus, elle ne peut plus vivre sans savoir ce qui est arrivé à son frère. Et elle est bien décidée à découvrir toute la vérité, aussi sombre soit elle. Pour cela, elle n'a pas le choix, elle doit suivre ses pas. Et même si cela veut...