Deux semaines pour redécouvrir Noël

Chapitre 1

Cliente : Passe une bonne soirée, Mia.

- À vous aussi madame Dorrell !

Elle m'adresse un dernier sourire puis referme la porte du cottage derrière elle. Je commence à nettoyer la table qu'elle a quittée. Madame Dorrell s'installe toujours à cette table lorsqu'elle vient commander un café. Et ce, depuis les vingt dernières années, c'est-à-dire depuis l'ouverture du cottage.

La table propre, je la délaisse pour aller à la rencontre d'un énième client.

Client : Comment vont les affaires, Mia ?

- Très bien, Steve. J'ai toujours la visite des clients habituels et, puisque les vacances approchent, j'ai déjà reçu quelques demandes de réservation.

Steve : Oh, c'est vrai ! Les vacances de Noël approchent.

Je soupire de lassitude à ce rappel.

- Ne m'en parle pas.

Ses yeux sondent mon visage avant qu'il n'affiche un sourire triste.

Steve : Alors tu ne fêteras pas Noël cette année.

- Non. Et je ne veux pas en parler.

Ayant déjà eu cette discussion au cours des quatre dernières années, Steve sait qu'il ne sert à rien d'insister.

Noël n'a plus la même signification à mes yeux.

Je le laisse à son journal pour retourner derrière le comptoir.

Client : Excusez-moi, je cherche la propriétaire de cet endroit. Savez-vous où je pourrais la trouver ?

Je relève les yeux de mon livre de compte pour les poser sur le nouvel arrivant.

Celui-ci est un homme que je n'avais jamais vu auparavant. Son visage, rougi par le froid, est souriant.

- C'est moi, Mia Campbell. En quoi puis-je vous aider ?

Client : J'aimerais réserver l'ensemble du cottage du 23 au 27 décembre.

Oh, c'est inattendu. Mais c'est une bonne affaire.

Client : Je voudrais y organiser une fête de Noël.

Mon visage, jusque-là accueillant, se ferme.

- Je n'accepte aucune célébration liée à Noël. Il vous faudra trouver un autre lieu.

Voulant clôturer cette discussion, je repose mon attention sur mon livre de compte mais, rapidement, je suis de nouveau interrompue. Par le même homme.

Client : Est-ce pour des raisons religieuses ?

- Non.

Client : Alors... est-ce parce que vous ne fêtez pas Noël ?

- C'est ça. Maintenant, à moins que vous ne vouliez réserver le cottage pour une autre raison, je vous prierai de me laisser retourner à mon travail.

L'homme quitte les lieux sans demander son reste.

Aussi alléchante que soit cette opportunité, il est hors de question que Noël soit fêté ici.

*****

Le lendemain, à la même heure, l'homme passe une nouvelle fois les portes du cottage. Il vient directement à ma rencontre.

- Êtes-vous ici pour me faire la même demande ?

L'homme : Oui.

Je me détourne de lui, ne voulant pas perdre mon temps, mais il attrape doucement mon bras.

L'homme : S'il vous plait, c'est vraiment important !

Je souffle et lui fais face à nouveau. Il me lâche puis se présente.

L'homme : Je suis Tom Larson, directeur d'un orphelinat aux portes de la ville. Votre cottage est le seul de la région à réunir tous mes critères de recherche. Vous avez juste assez de chambres pour accueillir les enfants, vous mettez à disposition les cuisines pour les repas, vous avez un grand jardin et vous n'êtes qu'à quelques minutes à pied de la ville. C'est l'endroit parfait pour notre séjour.

- Je suis certaine que d'autres cottages de la région réunissent ces critères.

Tom : Mais aucun n'entrerait dans mon budget. Il m'a fallu économiser pendant cinq ans pour pouvoir offrir aux enfants un Noël hors de l'orphelinat.

J'ai un moment d'hésitation à la mention des enfants mais, non, fêter Noël est au-dessus de mes forces.

- Je suis désolée, mais cela ne sera pas possible.

Je le laisse en plan avant qu'il ne puisse argumenter davantage. Et, comme hier, il quitte les lieux sans demander son reste.

*****

Dans la semaine qui suit, Tom Larson se présente au cottage tous les jours sans faute, demandant à nouveau à louer le cottage.

Il ne lâche rien celui-là.

Huit jours après sa première visite, Tom réapparait alors que je ferme la partie café du cottage.

- Combien de temps comptez-vous me harceler pour votre demande ?

Tom : Combien de temps comptez-vous me refuser ma demande ?

Je soupire d'ennui.

- Pourquoi êtes-vous si insistant ?

Tom : Parce que j'ai promis aux enfants un Noël loin de l'orphelinat. Pourquoi refusez-vous ?

Une question pour une question, on dirait.

- Parce que je ne fête plus Noël. C'est une fête qui rend les gens complètements fou et égoïste.

Il me dévisage.

Tom : Ce n'est pas le cas. Noël est l'occasion d'offrir et de partager. Un moment de joie et d'amour ! Se laisser porter par la magie de Noël.

Il dit ses mots avec enthousiasme. Je grimace à l'image qu'il dépeint de cette célébration.

- Non. Noël monte à la tête des gens et les poussent à être mauvais. La magie de Noël n'est rien d'autre que des conneries. Il n'y a aucun véritable partage !

Un court silence s'abat entre nous avant qu'il ne reprenne la parole.

Tom : Et si vous me laissiez une chance de vous prouver mes paroles ?

- Vous laisser une chance ? Alors quoi, vous voulez me faire changer d'avis ?

Tom : Oui. Laissez-moi vous montrer la magie de Noël. Vous montrez comment cette période est remplie de joie et de partage.

J'hausse un sourcil.

- Pourquoi ferai-je ça ?

Tom : Parce que si je n'y arrive pas, je me résignerai et je partirai.

Je prends le temps de réfléchir à son offre.

Qu'ai-je à perdre ? Rien. Au contraire, cela le fera disparaitre pour de bon.

- Comment comptez-vous faire ça ?

Tom : Je ne sais pas encore. Mais je trouverai. Je vous demande seulement de me donner deux semaines.

- Deux semaines ?

Tom : Laissez-moi deux semaines pour vous faire aimer Noël. Si je n'y parviens pas dans ce laps de temps, vous avez ma parole que je partirai.

Le sérieux dans sa voix ne me permet pas de douter de lui.

Deux semaines ? Je peux supporter ça tant qu'on me laisse tranquille ensuite.

- D'accord. Vous avez deux semaines.

Son visage s'illumine de joie.

Faîtes que ces deux semaines s'écoulent vite.