Chapitre 15

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Ce samedi matin et comme tant d'autre, Madame Dorrell et Steve, les deux plus anciens clients du café, sont installés à la même table. Je prends place sur une chaise face à eux. Ils mettent fin à leur discussion pour tourner toute leur attention sur moi.

- Je ne sais plus quoi penser. Et... et vous étiez amis avec grand-mère, vous la connaissiez mieux que quiconque alors... qu'est-ce que vous pensez qu'elle voudrait ? Est-ce qu'elle aurait détestée Noël ?

La main de madame Dorrell se pose sur la mienne.

Madame Dorrell : Ta grand-mère ne détesterait jamais Noël. Rien au monde n'aurait pu impacter l'amour qu'elle portait à cette fête. Elle aurait été en colère contre l'homme l'ayant agressée, mais jamais elle n'aurait laissé cet... horrible événement se mettre entre elle et sa passion pour les fêtes.

Steve : Mia, tu as tout à fait le droit de détester Noël après ce qui est arrivé. Cependant, assure-toi de détester cette fête pour les bonnes raisons.

- Noël m'a pris ma grand-mère.

D'une façon ou d'une autre, ces mots n'ont plus la même ferveur que dans le passé.

Est-ce réellement Noël qui m'a pris ma grand-mère ?

Steve : Penses-tu que l'homme ayant agressé ta grand-mère aurait pu avoir un autre comportement si cela n'avait pas été Noël ?

- Il voulait les cadeaux que transportée ma grand-mère. Il ne l'aurait pas attaqué si elle n'avait pas eu ces courses avec elle.

Madame Dorrell : Penses-tu ? Crois-tu qu'un tel homme n'aurait jamais agressé ta grand-mère si cela avait été un autre jour ? Si cela avait été des articles différents dans ces sacs ?

Ses questions me poussent à réfléchir à la situation.

L'homme l'a-t-il agressé spécifiquement pour les cadeaux ? Ou était-ce simplement un vol lambda comme un autre ? Est-ce que grand-mère était juste... au mauvais endroit au mauvais moment ? L'homme voulait juste... voler, peu importe son butin et la période durant laquelle il opère ?

- Je n'avais jamais... je n'avais jamais vu les choses comme ça ! Pourquoi ?

J'étais en colère et déçu de moi-même.

La pression sur ma main se fait plus ferme.

Madame Dorrell : Parce que tu n'étais pas prête. Tu avais besoin de temps pour aborder le sujet de façon plus objectif. Il ne sert à rien de t'en vouloir, Mia, ta réaction est normale.

Steve : Elle est morte le jour de Noël de l'agression d'un homme qui lui a volé ses cadeaux de Noël. Il est parfaitement compréhensible que tu aies associé Noël à la cause de ta douleur.

- Grand-mère détesterait l'idée que je puisse avoir haï Noël pendant des années. J'ai banni cette fête de ma vie ! Après tout le temps qu'elle a passé à me transmettre son amour de Noël !

Ma tête tombe entre mes mains.

Toute ma vision des événements et les conséquences qui en ont résulté s'évaporent dans un écran de fumée alors que je réalise certaine chose.

Merde ! J'ai haï Noël parce que j'ai été assez conne pour penser que cette fête pousserait quelqu'un à devenir violent. Comme si ces horribles personnes avaient besoin de l'excuse d'une fête pour être violent ! Que ce soit Noël ou non, grand-mère aurait eu autant de chance de se faire agresser en sortant des courses que n'importe quel autre jour de l'année.

Mais, alors que ses vérités me sautent aux yeux, je réalise une vérité encore plus dure à encaisser.

Non... j'y avais pensé à l'époque. Je m'étais dit que Noël n'était peut-être pas à l'origine de la violence de l'homme. Mais... je ne voulais pas le reconnaitre. Non. Parce qu'alors... je n'aurais eu aucune excuse pour haïr Noël. Et je voulais une excuse pour détester Noël.

- Je crois... je crois que j'ai besoin de lui parler.

*****

- Salut, grand-mère.

Assisse dans la neige, mes yeux ne quittent pas les mots gravés dans la pierre tombale face à moi.

Sophie Campbell. Femme, amie et grand-mère merveilleuse.

- Cela fait déjà quelques semaines que je ne suis pas venue, n'est-ce pas ? Le mois de décembre est toujours si mouvementé. J'ai passé les deux dernières semaines à redécouvrir Noël. Tu te souviens ? Je t'avais dit comment je haïssais cette fête maintenant. Mais... ces derniers jours, j'ai compris quelque chose.

Je dépose le bouquet, que j'avais en main jusque-là, au pied de la pierre tombale.

- Associer l'acte cruel de ton agresseur à Noël n'était qu'une excuse pour bannir cette fête de ma vie. Parce que... parce que je ne voulais pas me résoudre à la fêter sans toi. Je ne pouvais pas... Je ne pouvais pas m'imaginer passer Noël sans toi, grand-mère.

Ma voix tremble alors que mes joues sont noyées par mes larmes.

- Tu as toujours été à mes côtés pour chacune des fêtes de l'année. Et, c'est idiot, mais j'ai toujours cru que ça durerait toujours ! Alors... te perdre... c'était juste trop difficile. Je n'étais pas prête à te perdre ! J'avais... j'ai encore besoin de toi.

Je ferme les yeux pour reprendre contenance avant de continuer.

- Les derniers jours ont été comme me prendre une gifle. J'ai réalisé à quel point Noël me manquait et comment tu aurais été heureuse que je continue à suivre nos traditions. Je peux le voir maintenant, je suis enfin prête à le voir.

Je prends une grande inspiration.

- Cette fête ne sera plus jamais la même sans toi, mais, cela ne veut pas dire qu'elle ne sera pas aussi magique. Et... je crois avoir trouvé des personnes avec qui passer les fêtes. Tu aurais aimé Tom, grand-mère, j'en suis certaine. À partir d'aujourd'hui, je ne fêterai plus Noël pour moi. Non, je le ferai pour toi et moi.

Quittant ma place au sol, je me relève après un dernier coup de brosse sur la pierre.

Hors du cimetière, je sors mon téléphone et compose le numéro de Tom. Il décroche après trois tonalités.

Tom : Mia ?

Décision prise, je prononce mes prochains mots avec force.

- Tu auras le cottage pour ta fête de Noël.

Deux semaines pour redécouvrir NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant