Chapitre 10.

26 6 1
                                    

Je m'arrêtai de marcher et me retournai troublée. Pourquoi Christian ne se comportait-il pas comme à son habitude ? Pourquoi était-il si... étrange ?

— Qu'as-tu dis ?

Il s'approcha de la rampe et observa avec minutie les coutures d'un manteau.

— Je te dis de ne pas partir parce que je t'apprécie.

— ...

Comme je ne répondais pas il leva les yeux et me vis immobile à l'observer. Quand nos regards se croisèrent je revis ses yeux vert et je détournai le regard.

Il s'éloigna de la rampe et s'approcha de moi. Je levai la tête et nos regards se recroisèrent.

— Après s'être détestés ne pouvons-nous pas nous aimer ?

J'eus un hoquet de surprise et rougis subitement. Était-ce là une déclaration d'amour ?

Il se racla la gorge et dit:

— Soyons amis.

Je m'éloignai de lui. J'avais du mal à respirer. Mon petit cœur battait la chamade. Pourquoi avait-il tourné sa phrase de façon ambigu ? Et pourquoi ses yeux étaient-ils de la même couleur que les miens ? Cela me troublait inutilement.

— Je...

Il s'approcha de moi.

— Sois d'accord Aby s'il te plait.

Il était trop proche.

— Eloigne toi !

Il recula d'un pas, surpris.

— Je... je suis d'accord soyons amis mais ne m'attrape plus tout le temps comme tu le fais c'est... bref ne le fait pas.

Il sourit.

— D'accord Aby.

Il avait un beau sourire franc qui découvrait des dents blanches et bien alignées. C'était la première fois que je le voyais faire un sourire autre que moqueur ou sarcastique. Je ressenti je dois bien l'avouer, de la sympathie pour lui à ce moment-là. Il ne me sembla plus être un être détestable.

— Bon, j'y vais.

Je sortis de la maison. J'étais complétement déboussolée. Je n'aurai jamais imaginé qu'en sortant de cette maison nous serions devenus amis. Il était passé en quelques minutes de pire ennemie à ami.

Était-ce vraiment possible de passer de la haine à l'amour ?

Je montai sur ma petite moto et allai jusqu'à la pizzeria. Le vent s'engouffrait dans mes cheveux et rosissait mes pommettes. Je me sentais légère. Un poids que j'avais sans le savoir, sur mon cœur s'était envolé.

Je rendis l'engin et pris mon vélo. J'allais partir lorsque je vis un employé courir vers moi en me criant de l'attendre. Je m'arrêtai. Il arriva à ma hauteur et me montra un papier qu'il tenait dans sa main en disant :

— Je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous et ceux qui avaient remplis tous les papiers pour que vous soyez employée ici, mais ils ont retiré toutes les informations vous concernant et nous ont appris que vous n'aviez aucun CV. Ils ont laissé ce papier pour vous.

Il me tendit le papier. Il y avait écrit que mon métier de couverture m'était retiré étant donné que j'avais arrêté de travailler pour eux et que si je disais quoi que ce soit sur eux, ils m'emmèneraient dans leur chute. Ils allaient me surveiller. Je lançai un regard perdu à l'homme devant moi.

— Qu'est-ce que je vais faire ?

Il se racla la gorge gêné et répondit :

— Je ne sais pas, en tout cas à partir d'aujourd'hui vous ne faites plus partie de nos employés.

Je me forçai à sourire et partis le cœur lourd avec mon vélo. Je n'allai pas chez moi mais en dehors de la ville, sur un rocher recouvert de verdure qui surplombait la mer. C'était l'endroit où j'aimais m'assoir lorsque j'étais perdue, triste ou abattue.

C'était calme, surtout le soir et le vent marin me revigorais. Je ne comptais plus le nombre de fois où je m'étais réfugiée là lorsque mes cousins me rejetaient à cause du fait que j'avais un don différent d'eux.

Je posai mon vélo par terre et avançai tout au bord du rocher. Je distinguais en dessous de mes pieds l'eau d'un bleu profond réfléchir le jaune pâle de la pleine lune.

Je levai les yeux. Je voyais en face de moi l'eau à perte de vue. Lorsque j'étais enfant je croyais que c'était le bout du monde.

Je levai la tête. Le ciel sombre était parsemé de milliers d'étoiles scintillantes. Je me mis à hurler à plein poumon pour évacuer toute la frustration, la tristesse, la colère et la déception de ces derniers jours.

Pourquoi mes parents avaient-ils perdus autant d'argent ? Pourquoi avais-je dû arrêter mes études à seulement 19 ans ? Pourquoi m'étais-je laissé entraîner dans les sales affaires d'une entreprise louche qui était maintenant après moi ?

Je m'assis sur la mousse fraîche du rocher. Des larmes que personne d'autre que moi ne verrait coulèrent abondamment sur mes joues.

Je n'avais plus de travail. Je ne savais même pas si ce que j'avais gagné avec ma dernière mission suffisait à rembourser les dettes restantes de mes parents.

Je ramenai mes jambes contre mon cœur. Devais-je dire à Christian que je n'avais plus de travail ? Si je ne le faisais pas, il n'aurait plus aucun moyen de me retrouver.

Etonnamment cette constatation me fit froid dans le dos. Maintenant qu'on était ami je n'allais pas le laisser tomber. J'étais le genre de personne qui s'attache difficilement mais lorsque c'était le cas je ne pouvais pas me détacher.

Je me levai péniblement en essuyant tous les résidus de terre collé sur mon pantalon et récupérai mon vélo laissé négligemment sur le sol.

Je roulai jusqu'à sa maison et griffonnai un mot que je lui glissai sous sa porte. Puis je partis chez moi le cœur serein.

La tisseuse de rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant