Je souris.
— Je ferai de mon mieux pour ne pas faire de toi un fou.
Il m'attira à lui.
— A vrai dire, je pense que je le suis déjà un peu... fou d'amour.
Je posai mes deux mains sur son torse et lui dit en plongeant mes yeux vert dans les siens :
— Je te promet de toujours rester près de toi quoiqu'il arrive, je t'aime Christian.
Je me mis sur la pointe des pieds et lorsque nos visages furent à la même hauteur j'approchai mes lèvres des siennes et l'embrassai. Il déposa ses deux mains sur mes joues brûlantes et se pencha pour répondre à mon baiser.
Après un instant nous nous reculâmes. Il sourit et dit en prenant sa petite valisette :
— Je viendrais te chercher ce soir. N'oublie pas d'être prudente, je tiens à ma santé mentale !
Puis il sortit de la maison.
Je montai dans ma chambre et prit mes cours. En partant, je ne pu résister à l'envie d'entrer dans la chambre de Lisiane et je vis qu'elle avait emporté toutes ses affaires, ce qui signifiait qu'elle comptait déjà partir avant de m'entendre. Je souris. Christian avait vu juste. Elle n'était pas si mauvaise que ça, elle avait surtout dû être manipulée par son père.
Je déposai mon sac sur mes épaules, pris mon manteau et sortis de la maison. J'appelai un taxi et allai à mon école de droit. Je me plaçai dans l'amphithéâtre à côté de la jeune fille rousse qui m'avait aidé le premier jour et elle me passa tous les cours que j'avais loupé durant mes trois semaines d'absence. Je grimaçai. J'allais avoir beaucoup de chose à apprendre durant les vacances de Noël.
La matinée passa rapidement. Je sympathisai avec Agnès, la jeune fille rousse. Elle me montra son groupe d'amis.
Je vis soudain passer Jeremy. Je blêmis en me souvenant de quelque chose. Il fallait que je le prévienne du danger que les Miller courraient ce soir. Je me mis à courir tout à coup dans sa direction et attrapai son bras pour qu'il s'arrête. Il se retourna et haussa les sourcils étonnés quand il me vit :
— Que veux tu ? N'étions-nous pas sensé ne plus rentrer en contact ?
Je le lâchai et dit d'une traite.
— Les Rellim vont se rassembler dans le jardin de la demeure familiale en prenant comme prétexte une naissance, ils vont tenter de tous vous tuer. Préviens les Miller. Invoque le grand conseil.
Il blêmit.
— Les... Rellim ? Les traîtres ?
J'acquiesçai. Il déglutit.
— Merci, je vais prévenir ma famille. Mais toi pour avoir trahit la tienne, tu ne risques pas quelque chose ?
Je souris ironiquement.
— Je ne suis ni une Miller, ni une Rellim. Je suis une sang mêlée entre un Miller et une femme normale. Les Miller m'ont bannis, ils n'ont donc aucun droit sur moi, et les Rellim n'ont rien à voir avec moi. Je suis désormais Abygaelle Durant, je ne fais partie que de la famille de ma mère. Il n'y a donc pas de « ta » famille concernant les Rellim. Je suis juste une inconnue qui est venue te donner une information.
Il acquiesça surpris.
— D'accord, Abygaelle Durant. Puisque tu n'es plus une Rellim, nous pourrions rester en contact ?
J'haussai les épaules.
— Je suis désolé mais ça va être compliqué si tu suis à la lettre tout ce que te dis la vieille Miller. On en reparlera peut-être si tu te met à voler de tes propre ailes.
Je tournai les talons et rejoignis Agnès.
Au fur et à mesure que je me détachais de tout ce qui avais un rapport avec la famille Miller, je me rendais compte à quel point son poison était fort. Cette famille dans laquelle j'étais née était en fait, il fallait bien l'avouer, une sorte de... secte. Je frissonnai. En réalité Jeremy me faisait pitié car je savais qu'il n'aurait pas la force de se détacher de l'emprise des Miller, il serait à jamais enchaîné dans un tas de règles et traditions.
Le reste de la journée passa rapidement. Lorsque vint le soir je sortis de l'école pour attendre Christian. Je vis une voiture qui ressemblait à la sienne. Je m'approchai pour voir s'il n'était pas à l'intérieur sur son téléphone, ne m'ayant pas vu sortir, mais il n'y avait personne.
Soudain une douleur très vive envahit violemment mon crâne et me fit plonger dans un trou noir sans fond. Lorsque je repris conscience, j'étais sur la banquette arrière d'une voiture assez basse. Ma vue était trouble. Il y avait deux hommes devant moi. Ils se ressemblaient un peu, ils devaient être frères. Celui qui ne conduisait pas se tourna vers moi et vit que je m'étais réveillée.
— Salut ma belle ! Désolé pour le coup, tu n'as rien de fracturé t'inquiète ! Je me présente, je suis Evan Rellim et voici mon frère Jyan. Nous avons surpris un certain Jeremy Miller en train d'invoquer le grand conseil pour raconter notre petite aventure de ce soir à toute la famille, donc on a eu la superbe idée de te faire payer ta trahison.
Je frémis. Que comptaient-ils faire ? A leur façon d'interagir avec moi, je voyais bien qu'ils avaient besoin de moi et qu'en conséquent ils ne chercheraient pas à me tuer. Je serrai mes lèvres entre elles. De quelle façon allais-je payer ma trahison ?
Jyan prit la parole :
— Ce que veut dire Evan, c'est qu'on a annulé le coup de ce soir, tout le monde reste chez lui sauf toi. Tu vas faire tout toute seule. Tu étais la seule à avoir refusé, tu seras la seule à le faire. Bien évidement personne ne sera là pour une naissance qui n'a pas lieu mais la vieille si. Elle habite dans la demeure familiale. Tu vas donc devoir modifier les rêves de l'ancêtre selon ce que j'ai écrit sur ces feuilles, il désigna une liasse de papier à côté de lui.
Nous arrivâmes devant la demeure des Miller. Evan m'ouvrit la portière et me tint le bras pour que je ne tente pas de fuir. Jyan ouvrit la porte avec une vieille clé rouillée et me poussa à l'intérieur. Un silence inquiétant planait dans la maison. Les deux frères me forcèrent à monter les marches du grand escalier en chêne et me firent entrer dans la chambre de la vieille Miller. La vieille dame qui décidait de l'avenir de centaines de personnes dormait paisiblement dans un petit lit à baldaquin.
Je lis les feuilles. Je déglutis. C'étaient des décisions horribles toutes en faveur des Rellim. Jyan me força à m'agenouiller pour poser mon front sur celui de la vieille dame et Evan me maintint dans cette position. J'entrai donc dans ses rêves et les modifiai selon ce que voulait les deux frères. Je sentis peu à peu ma tête me faire souffrir. Je clignai des yeux et me reconcentrai sur ce que je faisais, mais la douleur devint insupportable. Je sentis une sorte d'engourdissement m'envahir. Je ne sentais plus mes membres ni les bras de Jyan et Evan sur mes épaules et ma tête. J'avais envie de dormir, de rêver à l'infini.
Je me rappelai alors de la règle de la famille Miller : « ne pas rester plus de cinq minutes dans le rêve de quelqu'un car sinon la personne qui lit le rêve disparaîtra ».
Je déglutis de frayeur mais je ne ressentis pas la sensation d'avaler. Je tentai de me relever mais quelque chose m'en empêchais. Je ne le sentais plus mais les deux frères n'avaient pas cessé de me tenir.
La panique m'envahit. Allais-je disparaître ?
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La tisseuse de rêves
Roman d'amourAbygaelle est née comme tous les membres de la famille Miller avant elle dans la demeure familiale, pour préserver le secret de leur don, qui est de pouvoir lire les rêves des autres. Tout est pareil à la différence près qu'elle est "la tisseuse de...